Alors pourrait-on avoir le droit de critiquer les musulmans, plutôt que de les infantiliser ?
Alors que se déroule le procès des complices des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, alors que nous commémorons les attentats du 11 septembre 2001, alors que le Pakistan annonce la condamnation à mort d’un chrétien qui aurait blasphémé par SMS (!), Mila a été une fois de plus menacée de viol et de mort. Et tous ces crimes, au nom de l’islam.
Mila menacée de nouveau
Seuls les hypocrites se diront surpris. Ce que je dois relever, c’est l’attitude dangereuse de ceux qui croient défendre Mila en disant « elle a critiqué une religion, pas des croyants, elle a critiqué l’islam, pas les musulmans. » De même qu’on entend maintenant, au sujet d’une jeune femme voilée faisant du prosélytisme sous couvert de conseils culinaires : « on peut critiquer le voile, mais pas celles qui le portent. » D’où viennent ces absurdités ? D’où vient cette condescendance ? Les musulmans ne seraient-ils pas responsables du choix de leur religion, et les femmes voilées de leur choix de porter le voile ? Ne seraient-ils tous que des enfants, incapables de prendre des décisions qui les engagent et de les assumer ?
Les survivants de Charlie nous le disent, le véritable meurtrier court toujours, c’est l’islamisme – je préfère parler d’islam théocratique, qui n’est évidemment pas la totalité de l’islam, mais qui est un poison imprégnant l’islam depuis ses origines. L’indispensable procès, c’est celui de ce totalitarisme. Il ne s’agit pas d’un procès judiciaire, mais d’une nécessaire condamnation politique, philosophique, éthique et théologique d’un culte rendu à un dieu-tyran avide de piétiner la liberté et la conscience de l’Homme.
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Mais peut-on condamner cette idéologie sans critiquer la religion qui l’abrite en son sein, et peut-on sérieusement critiquer celle-ci sans critiquer aussi ceux qui choisissent d’y adhérer ?
Bien évidemment, le respect dû aux personnes et le simple bon sens interdisent de réduire un être à l’une ou l’autre de ses convictions ou croyances. Seuls les fanatiques le font, et c’est d’ailleurs souvent ce qui les définit. Mais justement. Le fait même de distinguer les personnes des croyances permet de comprendre que la critique du choix de croire ne saurait être considérée comme une atteinte à la dignité de la personne. Le christianisme aurait-il réussi à tourner le dos aux immolations des hérétiques s’il n’avait condamné que les bûchers mais s’était interdit de critiquer ceux qui les allument ? Imaginerait-on combattre le nazisme tout en prétendant qu’il est interdit de critiquer les nazis ? Ou que l’on peut condamner les goulags, mais qu’il est interdit de demander aux communistes pourquoi ils se revendiquent de l’idéologie qui a permis les goulags ?
Un terrible mépris
Il y a dans cette volonté de déresponsabilisation des musulmans un terrible mépris. Comme s’ils étaient ontologiquement incapables d’exercer leur liberté de conscience, incapables de choisir une religion, seulement bons à se plier passivement à celle qu’ils ont héritée de leurs parents. Et il y a aussi dans cette attitude un profond dédain envers l’islam, l’idée implicite qu’il est impossible de choisir cette religion, que l’on ne peut qu’en hériter et non décider d’y adhérer.
Ces présupposés sont faux : il y a de plus en plus de musulmans qui décident de quitter l’islam, que ce soit pour se convertir à une autre religion, pour l’agnosticisme ou pour l’athéisme. Et il y a des gens qui ne naissent pas musulmans, mais choisissent de le devenir.
Nous avons la chance de vivre dans un pays dont les lois nous le garantissent : la religion est un choix. Nous ne devons jamais l’oublier, car l’oublier c’est commencer à y renoncer. Prétendre que la critique d’une religion ou de ses fidèles serait du racisme, notamment, c’est faire de la religion un caractère hérité à l’égal d’une couleur de peau, réduire la religion à un marqueur tribal, nier la sincérité d’une conviction et la possibilité même de la foi.
Ici, aujourd’hui, la liberté de conscience est inscrite dans la Constitution, et le pluralisme religieux est une évidence culturelle et sociale. Je sais bien que dans certains milieux cette liberté de choix n’est pas enseignée comme l’évidence qu’elle devrait être, consubstantielle à la dignité humaine, mais même là il faudrait vivre en ermite pour ignorer qu’il y a en France plusieurs religions, et que les conversions et l’apostasie existent.
#ToujoursMila
Par ailleurs, nul ne peut prétendre faire abstraction de tristes réalités : l’islam est la seule religion au monde au nom de laquelle l’apostasie, l’athéisme, le blasphème et l’homosexualité soient légalement punis de mort – et avec la bénédiction de nombreux théologiens. La seule religion, aussi, au nom de laquelle dans notre pays on tue, la seule au nom de laquelle une adolescente française reçoive des dizaines de menaces de viol et de mort.
Être musulman, choisir d’être musulman, c’est donc choisir consciemment d’adhérer à la seule religion au monde au nom de laquelle l’apostasie, l’athéisme, le blasphème et l’homosexualité soient légalement punis de mort. Être musulman en France, c’est choisir en toute connaissance de cause d’adhérer à la seule religion au nom de laquelle une de nos concitoyennes est soumise à des dizaines de milliers de menaces de viol et de mort. Interroger ce choix, critiquer ce choix et critiquer ceux qui le font ne doivent pas être des tabous.
Bien sûr les raisons de choisir une religion plutôt qu’une autre sont multiples. En voici deux à titre d’exemples, qui me viennent de personnes que je connais, que j’apprécie, et qui bien que musulmanes sont au moins aussi sévères envers l’islam que je peux l’être. Ainsi, la volonté d’être fidèle à la religion de ses parents, de ses grands-parents, mais pour en tirer le meilleur et en arracher la pourriture qui la ronge. Volonté de réparer la maison dont on a hérité plutôt que de déménager en la laissant s’effondrer : comment le leur reprocher ? Ainsi, le sentiment que l’on ferait semblant, que l’on tricherait si l’on exprimait sa foi autrement que dans le langage symbolique et rituel qui a le premier éveillé notre piété. Et de cette intimité de la relation entre soi et le divin, qui pourrait se permettre de juger ?
Discernement exigeant contre adhésion aveugle
Tout ceci est évidemment légitime, à condition toutefois de ne pas nier la réalité, de ne pas nier les problèmes de l’islam ni les problèmes que l’islam pose au monde, et de faire usage d’un discernement exigeant plutôt que d’une adhésion aveugle. C’est d’ailleurs ce à quoi appellent, avec lucidité et courage, des personnes comme Abdennour Bidar, Yadh Ben Achour, Mohammed Louizi, Mohammed Sifaoui, Ghaleb Bencheikh ou Razika Adnani.
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Faire aujourd’hui le choix de l’islam oblige au minimum à lutter, comme ils le font, contre tout ce qui dans cette religion en fait un danger pour le reste du monde : poison de la tentation théocratique et totalitaire, mais aussi poison plus insidieux de cette autre tentation que sont la fuite et le déni. Le « cépaçalislam » qui, mêlé à une forme de solidarité clanique, permet si facilement aux fanatiques de s’abriter au sein de l’Oumma. Dans la situation actuelle, le silence de la majorité silencieuse est un silence complice, et ce n’est plus acceptable.
D’ailleurs, à moins de penser qu’Allah soit véritablement le tyran abject que dépeint l’islam théocratique, comme pourrait-on prétendre croire en lui sans lutter contre ceux qui font de son culte l’adoration d’un monstre auquel ils donnent son nom ?
Bien sûr, il serait absurde de dire que l’on ne pourrait légitimement adhérer qu’à une religion parfaite. Tout comme les modélisations scientifiques ou les idéologies politiques, les religions sont nécessairement imparfaites – et n’en déplaise à certains dévots, prétendre que sa religion serait parfaite revient à idolâtrer une doctrine au lieu de vénérer le divin. Mais enfin, entre accepter l’imperfection et se résigner à la corruption, il y a un monde !
Et ne nous leurrons pas. Trop souvent, le choix de l’islam n’est pas le choix de combattre de l’intérieur ce qui gangrène cette religion. C’est le choix de nier cette gangrène – par esprit tribal, par arrogance, par paresse, par peur – ou, plus lucide mais plus ouvertement malveillant, le choix d’adhérer à cette gangrène même, le choix conscient de servir ce qu’il y a de pire dans l’islam. La critique d’un choix est toujours libre, y compris d’ailleurs lorsque ce choix est bon, mais dans ces deux cas, critiquer ce choix et critiquer les personnes qui le font est plus qu’un droit : c’est un devoir. Un devoir citoyen, un devoir moral et, pour ceux qui ont la foi, un devoir spirituel.
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