Qu’est-il arrivé à Emmanuel Macron depuis son élection ?
Sur l’échiquier politique français, et ses pièces majoritairement confites, l’ancien ministre de l’Économie incarnait la modernité. On allait voir ce qu’on allait voir. L’esprit de conquête devait réveiller l’hexagone. Et qu’a-t-on vu ? Le contraire du réformiste ambitieux, droit dans ses bottes, et imperméable à la pression qu’on imaginait. Nous avons découvert au fil du mandat une girouette idéologique, adaptant son discours en fonction des interlocuteurs, adepte du « en-même-tempstisme » permanent sur tous les sujets.
Le «en même temps», c’est l’absence de convictions
À vouloir donner des gages à chacun, le président a embourbé le pays. Les calamiteux comités Théodule qui ont marqué ce quinquennat en sont l’illustration : la tristement célèbre « Convention citoyenne » (avec le khmer vert Cyril Dion), sans doute une des pires idées politiques de tous les temps, avec le « Conseil présidentiel des banlieues » (qui mit en vedette l’entrepreneur identitaire Yassine Belattar). L’absence de convictions identifiables du chef de l’État a de quoi inquiéter. Que pense-t-il vraiment ? Sa conversion écolo radicale est-elle électoraliste ou le fruit d’une illumination ? Pense-t-il sincèrement, comme sa ministre, qu’il est souhaitable de sacrifier notre industrie nucléaire au profit des ENR, avec ces éoliennes qui transforment nos paysages terrestres et maritimes en zone industrielle? Mesure-t-il que programmer la fin des moteurs thermiques est un choix politique qui s’avérera désastreux pour notre industrie automobile — 9% des emplois de la population active— et sur le plan écologique, comme l’expliquait le patron de PSA Carlos Tavares ? Personne ne sait ce que pense vraiment le président. Mais le sait-il lui-même ?
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La « déconstruction » systématique des valeurs et des richesses industrielles de la France sur l’autel de la bien-pensance woke et écolo, constitue le fait marquant de son quinquennat tournée vers un projet pour lequel personne n’a voté : conduire un « changement de civilisation ». Rien de moins.
Make the planet great again
Changer de civilisation au point de sacrifier notre industrie nucléaire, automobile et aérienne. « Quoi qu’il en coûte », y compris en millions de chômeurs, est le nouveau mot d’ordre de ces politiques irrationnelles pour le climat. Make the planet great again, disait Emmanuel Macron, président d’un des pays les moins pollueurs de la planète grâce au nucléaire. La ligne politique est claire et dépasse le cadre industriel : il faut « changer de civilisation », et donc déconstruire l’existant, rééduquer les masses, y compris par le biais de l’Éducation nationale, comme l’a dit ouvertement Barbara Pompili. Car pour les gourous qui nous gouvernent, l’ancienne civilisation — guidée par la rationalité, le continuum scientifique, le goût du progrès partagé — n’était pas bonne pour le « climat ». Le Français moyen et sa Clio diesel, qui ne crache pas sur un petit voyage en avion quand il en a les moyens, devra accepter sa rééducation ou disparaître. Bientôt, il ne pourra même plus circuler dans les centres-villes, sauf à s’offrir une voiture électrique, avec sa batterie lithium-ion « Made in China ».
Le but ultime n’est plus la création de richesses et d’emplois, la protection de notre culture et de nos valeurs, la réduction de la dette ou la réforme de l’Etat, mais de se situer, quoi qu’il en coûte, dans le camp du bien autoproclamé. Quitte à raconter absolument n’importe quoi. Ainsi, pour lutter contre le racisme et les discriminations systémiques qui rongeraient la France, le Président de la République proposait-il sur la chaîne américaine CBS de « déconstruire notre propre Histoire »…
Nous en sommes arrivés, sur le plan de la lâcheté politique, à un point de non-retour. Le 7 décembre 2020, le président Macron déclarait sans rire « je n’ai pas de problème à répéter le terme de violences policières, mais je le déconstruis ». L’autorité de l’État, par la volonté même de celui-ci, n’est plus acceptable. Information reçue 5 sur 5 par les casseurs qui narguent la police, pourrissent la vie des Français, et font les beaux jours des chaînes d’info continue : petites frappes de banlieue, casseurs de flics antifas, Gilets jaunes radicaux, activistes Black Blocs, Extinction Rébellion ou Greenpeace… Chacun l’a constaté pendant des mois à l’occasion des samedis jaunes : la police nationale doit se laisser caillasser, humilier, sans pouvoir répondre à la violence par la force, dont elle est pourtant le seul dépositaire légitime. Le chiffre de dix mille blessés par an dans les rangs des forces de l’ordre n’émeut plus grand monde au sommet de l’État. La « déconstruction » passe avant la défense inconditionnelle de l’autorité de l’État. En clair, mieux vaut sacrifier les centres-villes et les commerçants de Paris, Bordeaux, ou Nantes que de prêter le flanc aux critiques de Jérôme Rodriguez, de l’extrême gauche et des médias. Des illuminés peuvent tranquillement repeindre en vert des avions de ligne d’Air France sur les pistes de Roissy sans que personne ne bouge. L’autorité est sacrifiée dans le seul but de ne pas déplaire à une petite minorité bruyante. Les fauteurs de troubles se sentent plus à l’aise que jamais : ils n’ont rien de pire à craindre qu’une invitation chez Cyril Hanouna.
Zadisation de la France
Face à ce « changement de civilisation » imposé, la majorité silencieuse — qui ne casse rien, respecte la police, paye ses impôts— observe l’effondrement accéléré de la France sans en perdre une miette. Ce projet présidentiel calamiteux aura créé les conditions d’un séisme politique : les sondages donnent pour la première fois Le Pen gagnante au deuxième tour face à n’importe quel candidat de gauche, et à deux doigts (deux attentats, deux manifs, deux mesures liberticides de plus…) de battre le président sortant. La majorité silencieuse à un message clair à faire passer : nous ne voulons pas de votre « monde d’après » ; la planète était déjà « great » avant vous ; nous ne sommes pas dupes du clientélisme de la gauche ; l’ensauvagement de la société n’est pas une invention de l’extrême droite ; nous ne voulons pas d’une zadisation de la France ; nous préférons la liberté d’expression à la cancel culture et au voile islamique ; nous aimons nos voitures thermiques et les avions tout en respectant la nature ; nous ne sommes ni racistes ni islamophobes ; et nous en avons plus que marre du climat insurrectionnel, de la violence et des incivilités qui pourrissent nos vies. Tellement marre que nous sommes prêts à voter Marine le Pen, dont tout le monde sait qu’elle est incompétente.
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Sauf surprise, le re-match Macron/Le Pen se profile. Pour des raisons différentes, la victoire de l’un ou de l’autre amplifierait le déclin de la France. Un deuxième mandat de Macron verrait se poursuivre ce projet écolo-woke délirant de « changement de civilisation » pour lequel, rappelons-le, personne n’a voté en 2017. Une victoire de Le Pen marquerait la victoire par défaut d’un populisme nationaliste, étriqué et réactionnaire, incapable de gérer les défis vertigineux du 21e siècle. Le Pen à l’Élysée se résumerait à cinq ans d’une grève permanente qui achèverait un pays déjà bien mal en point.
Malade, complètement malade…
La France est malade, fracturée de toute part, et économiquement à la dérive (le « quoi qu’il en coûte » de la Covidette s’élève à lui seul à 340 milliards d’euros). Le moral des Français est en berne, et la difficile sortie de crise sanitaire qui s’annonce ne manquera pas d’alimenter la gueule de bois et les tentations populistes. Après les Français, c’est le pays lui-même qui aura bientôt besoin d’un lit en réanimation.
Le duel Macron/Le Pen est-il inévitable ? Il existe un large espace politique, de la gauche républicaine et laïque jusqu’à la droite, pour un projet politique sérieux et ambitieux de sauvetage de la France. Un projet susceptible de rallier à lui une large majorité de Français. Reste à savoir si une personnalité charismatique, assumant des convictions majoritaires dans le pays — pro autorité de l’État, pro liberté, pro entreprise, pro science, pro laïcité, pro universalisme, pro écologie rationnelle — est en mesure de réaliser cet exploit dont la France a besoin pour sa survie.
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