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En août, lis ce que te goûte

Un bourlingage récréatif dans ces eaux agitées où les pirates s’égaillèrent de par le monde


En août, lis ce que te goûte
Errol Flynn dans A l'abordage, 1952, film de George Sherman, le 21 novembre 1952. MARY EVANS/SIPA

Les vacances imposent-elles la vacance de l’esprit ? Autant profiter de ce répit estival pour moissonner les sillons de sa bibliothèque. Sous le soleil d’août, votre serviteur y a passé sa charrue. Lectures par les champs et par les grèves… 2e livraison: « Prendre la mer ». Lire la 1ère livraison.


Voilà un volume un peu lourd pour la plage, mais excellent viatique en croisière ou au bord de la piscine. Comme toujours chez Taschen pour mieux vous mettre dans le bain, l’image flamboie autant que le texte : la maquette séduisante de ce pavé à la reliure rouge et or poinçonnée au fameux pavillon macabre – crâne et ossements croisés – dispense vignettes et illustrations pleine page (signées Michael Custode) entre des chapitres ouverts, chacun, par un feuillet où sur fond vieil or les titres s’affichent en capitales noires – superbe !  Dans leur passionnante introduction, Robert E. et Jill P. May interrogent la Piraterie du passé ( c’est le titre) aux prismes croisés de l’histoire et de l’imaginaire. Forbans, boucaniers, brigands des mers, flibustiers, frères de la côte – les pirates sont souvent confondus avec les corsaires, agents quasi-légitimes des puissances rivales qui s’affrontent sur mer.

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Si « la piraterie concerne toute l’histoire de l’humanité », depuis l’antiquité jusqu’à nos jours (où des attaques sont menées contre des pétroliers, des navires de croisière ou des yachts privés dans bien des « points chauds » du globe), c’est au XVIIème siècle que la piraterie connaît son « âge d’or » – de l’Océan indien aux Caraïbes, en particulier autour des colonies espagnoles. De là que « les premiers « pirates de fiction », produits de l’imagination des écrivains », figurent « des représentations plus ou moins fidèles aux informations connues sur ces aventuriers des hautes mers » à travers « gazettes, comptes rendus de procès, souvenirs oraux de personnes ayant survécu à la captivité ».  C’est ainsi qu’« aucun auteur moderne n’a fait davantage pour l’entrée de la piraterie dans la littérature occidentale que  le prolifique écrivain anglais Daniel Defoe (1660-1731) ».  De fait, Robinson Crusoé, roman d’emblée extrêmement populaire, fortement influencé par l’ouvrage néerlandais d’Alexandre-Olivier Exquemelin, Histoire des aventuriers, à l’authenticité hautement revendiquée, constitue la matrice d’un genre qui fera florès au XIXème siècle – de Jules Vernes ( L’île mystérieuse) à Stevenson ( L’île au trésor), en un temps où la menace n’est plus que littéraire…  Howard Pyle (1853-1911), célèbre auteur et illustrateur américain, très informé sur le sujet, « travailla à humaniser ces personnages à un degré qu’auraient fortement contesté leurs victimes ».  Citons encore Le corsaire aux cheveux d’or, roman d’aventures de Louis Noir, parmi ces livres de formation, éditions qui, « étiquetées « littérature pour jeunes garçons » et considérées comme une lecture familiale » entêtèrent longtemps les ardeurs adolescentes. Si les auteurs observent à juste titre que Hamlet ou La tempête de Shakespeare ne sont pas précisément des histoires pour bambins, les productions théâtrales qui, tel Peter and Wendy de James Barry (1860-1937), y glanèrent une part de leur inspiration, participaient de la bonne éducation : « Lorsque Peter Pan fut joué pour la première fois à Londres en 1904, il fut jugé comme un tour de force de la littérature d’aventure populaire compatible avec les idées victoriennes sur la colonisation ».

D.R. Taschen.

Quels vaisseaux, quels vêtements, quels étendards arboraient ces gens de la mer ? Quels étaient leurs mœurs ? A ces questions, les auteurs répondent prudemment. Ce qui est sûr, c’est que « le monde de la piraterie de haute mer était presque exclusivement masculin ». Et qu’« à une époque où le commerce international des esclaves était légal et florissant, les pirates […] intégraient parfois les captifs noirs à leur équipage ».

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Passé cette introduction, Pirates exhume de copieux extraits de ces « incunables » que sont Robinson Crusoé, L’île mystérieuse et l’île au trésor. Mais pour le lecteur français, c’est surtout l’occasion de découvrir, occupant la dernière partie du volume ( utilement complété par des notices, un glossaire, une bibliographie), quelques morceaux choisis du Livre des pirates, anthologie écrite et illustrée par Howard Pyle, et publiée, dix ans après le décès de ce dernier, par Harper & Brothers en 1921 : « merveilleuses biographies et vignettes des plus célèbres pirates du monde atlantique des années 1600 et 1700  [Henry Morgan, Barbe noire, Edward Low] […] ainsi que de personnages plus obscurs, comme le Français Pierre Le Grand » ou encore Capitaine Avary, instigateur du marronnage, cette pratique barbare consistant à abandonner un marin sur une île déserte en punition de quelque crime…

Bien d’autres illustrateurs sont convoqués pour animer ce digest haut en couleur : de Jules Férat (1829-1906) à Zdenek Burian, natif de Moravie (1905-1981) en passant par Frank Schoonover (1877-1972) ou George Varian (1865-1923). Si l’ouvrage conçu par nos deux universitaires américains Robert E. et Jill P. May accuse forcément un certain tropisme anglo-saxon, Pirates n’en offre pas moins un bourlingage récréatif dans ces eaux agitées où les hors-la-loi de la navigation s’égaillèrent de par le monde.

A lire : Robert E. et Jill P. May, Pirates. Histoires de Daniel Defoe, Jules Vernes, Robert Louis Stevenson et Howard Pyle (Taschen, 2024), 392pp, 30,00€

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