Pour le député de la 6ème circonscription de l’Hérault, la PMA promeut un mensonge, car elle fait croire aux enfants qu’ils peuvent naître de deux femmes.
Emmanuelle Ménard déplore la terrible décadence éthique de cette prétendue « loi d’amour » portée par les députés de la majorité.
La loi bioéthique, qui doit être adoptée définitivement le 29 juin, permettra dès septembre aux femmes célibataires ou lesbiennes d’avoir recours à la PMA. Cette loi traite également de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, l’embryon humain et la création d’embryons chimériques animal-homme. Entretien.
Causeur. Les opposants au projet de loi « PMA pour toutes », comme ses défenseurs l’appellent, affirment qu’il porte atteinte à la famille. De quelle façon ?
Emmanuelle Ménard. Avec cette loi, la famille perd sa réalité et sa vraisemblance biologiques ! En septembre 2019, quand la journaliste Myriam Encaoua demande à Agnès Buzyn « Un père, c’est une fonction symbolique. Cela peut-il être une femme ? », la ministre de la Santé répond : « Cela peut être une femme, évidemment. Cela peut être une altérité qui est trouvée ailleurs dans la famille, on le voit, cela peut être des oncles ou une grand-mère. Je crois que les enfants ont besoin d’amour, tout nous démontre aujourd’hui que ce qui compte, c’est la sérénité autour de l’enfant et cela, toutes les familles peuvent le garantir. »
Pour les progressistes, le père n’est donc pas indispensable dans la famille. C’est l’altérité qui l’est, et pas au sens sexué du terme. Contre tout principe de réalité… Dans le cas des femmes célibataires qui souhaitent avoir des enfants, n’importe qui dans l’entourage pourrait donc être la deuxième personne. « Ces femmes ont mûri leur projet parental » [1] diront les législateurs en faveur de la « PMA pour toutes ». On est donc loin du but premier de la PMA qui avait pour seul objet de « remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité ; ce couple doit être composé d’un homme et d’une femme en âge de procréer » selon la loi de 1994. [2]
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On sait pourtant à quel point les familles monoparentales peuvent être victimes de la précarité. La loi « PMA pour toutes » va en créer encore plus alors que, depuis longtemps, le législateur met en place des mesures exceptionnelles pour protéger ces familles. Même si une « femme seule » a une belle situation, elle peut, à tout moment, perdre son travail ou tomber malade. Sa situation est alors bien plus fragile puisqu’elle n’aura personne pour l’aider à s’occuper de ses enfants, contrairement aux familles avec deux parents. Cette loi crée une situation dégradée pour l’enfant dès sa naissance.
Coralie Dubost, député LREM et rapporteur du Projet de loi, a parlé de « la liberté de devenir parent » le 11 juin 2021, alors qu’elle était invitée de l’émission « Parlement Hebdo » …
Oui ! C’est leur volonté de mettre en avant le parent d’intention qui remplace le parent biologique. D’ailleurs, en juin dernier, lors de l’examen du texte en troisième lecture par la Commission spéciale, Coralie Dubost affirmait aussi le « droit à l’amour » pour justifier la finalité de cette loi. Les députés LREM ne semblent pas se rendre compte de ce qu’ils votent ; ils prétendent que les femmes qui souhaitent la PMA « ont le droit d’être heureuses », mais personne ne dit le contraire ! Je leur réponds « vous allez priver l’enfant de père », mais c’est un dialogue de sourds car les référentiels sont trop opposés. Nous ne sommes pas là pour répondre à un besoin d’amour : les législateurs ne légifèrent pas sur l’amour ! La mission des parlementaires est justement de dépassionner les débats. La douleur des femmes (due à une infertilité ou à une stérilité…), c’est malheureux, mais ce n’est pas ce qui est en jeu. C’est à la recherche médicale de s’occuper de ces problèmes, pas au Parlement !
Selon vous, faudra-t-il un jour revenir sur ce projet de loi bioéthique ?
Oui. Il y a déjà un projet de recours devant le Conseil Constitutionnel. À cause de cette loi, il y aura demain des enfants « avec père » et des enfants « sans père ». Au nom de l’égalité entre les différents couples (hétérosexuels et homosexuels) et les « femmes seules » (et demain, vous verrez que ça sera au nom de l’égalité entre couples d’hommes et couples de femmes), ce sont les enfants qui sont discriminés. Même si, avec cette loi, lorsqu’il atteindra ses 18 ans, l’enfant pourra accéder à l’identité de son « géniteur » – puisque nous n’avons plus le droit de parler de père –, il n’aura pas la possibilité de faire établir le lien de filiation entre ce dernier et lui. La loi l’interdit, même en cas d’accord entre les deux parties ! Un enfant né d’adultère, lui, a ce droit aujourd’hui. D’ailleurs, c’est la Cour européenne qui le rappelle puisque le droit au respect de la vie privée, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, « comprend non seulement le droit de chacun de connaître son ascendance, mais aussi le droit à la reconnaissance juridique de sa filiation ». La Cour n’hésite pas à affirmer que l’intérêt de l’enfant est « avant tout de connaître la vérité́ sur ses origines » et dans « l’établissement de sa filiation réelle ». Je vous garantis que, dans 18 ans, lorsque cette loi produira ses premiers effets, les enfants nés de PMA se retourneront contre l’État – qui aura permis une telle injustice, une telle discrimination et de telles souffrances – pour faire établir leur filiation réelle.
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Au-delà de la question de l’ouverture de la PMA « pour toutes », j’aimerais également revenir sur des points trop peu médiatisés et qui mettent en danger notre modèle bioéthique. Je pense notamment à l’autorisation de chimères animal-homme, à l’extension de la recherche sur l’embryon in vitro jusqu’à 14 jours, à l’autorisation de création de gamètes ou la création de modèle embryonnaire in vitro pour la recherche alors même que la création d’embryons pour la recherche est formellement interdite par l’article 18 de la Convention d’Oviedo et donc contraire aux engagements internationaux de la France…
La procédure de la « question préalable » permet d’éviter un nouvel examen du projet de loi par les sénateurs. Qu’est-ce que cela implique ?
C’est regrettable car si le texte n’est pas modifié au Sénat, cela signifie que les députés ne pourront pas déposer d’amendements lors du retour du texte devant l’Assemblée. Il est donc en passe d’être adopté définitivement « tel quel ». Mais je vous avoue que je comprends la position du Sénat : le gouvernement et sa majorité ont balayé quasiment toutes les modifications apportées par les sénateurs. Il y a donc un ras-le-bol de leur côté. Ce n’est pas que le Sénat ne veut plus débattre ; déposer une question préalable est en fait un moyen de montrer leur opposition, c’est une procédure protestataire. Cela fait deux fois que le gouvernement revient au texte initial. Ce serait donc une perte de temps de le réexaminer une fois encore. Résultat : le texte va revenir à l’Assemblée nationale très rapidement et les députés ne pourront plus rien faire pour défendre les droits de l’enfant.
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Aujourd’hui, ce ne sont plus les droits de l’enfant qui comptent, mais bien le droit à l’enfant. Les législateurs se placent du côté des adultes et de leur désir d’enfant. L’enfant devient un objet de consommation. C’est intéressant de souligner que la mention « il n’existe pas de droit à l’enfant », que le Sénat avait ajoutée dans le texte, a été supprimée par les députés…
En vertu de ce « droit à l’enfant », il est à craindre que, demain, au nom de l’égalité entre couples de femmes et couples d’hommes, et cela même sans repasser devant le législateur, la Gestation pour autrui (GPA) soit autorisée par le juge. D’ailleurs cette loi fait déjà un pas vers la légalisation de la GPA puisqu’elle autorise la transcription dans l’état civil d’un acte ou d’un jugement étranger qui reconnaît un enfant né d’une gestation pour autrui, et qui mentionne comme mère une « femme autre que celle qui a accouché » ou « deux pères » … En clair, elle reconnaît et légalise les conséquences d’une GPA pratiquée à l’étranger…
C’est toujours quand les Français sont en vacances, l’été et de nuit, que de tels projets sont votés ! Cette fois, pour la troisième lecture à l’Assemblée, l’actualité était accaparée par la gifle de Macron. Ce sont pourtant des sujets anthropologiques cruciaux…
En 2020, lors de la deuxième lecture du projet de loi, les débats s’étaient terminés le 31 juillet, à 3h du matin dans la nuit du vendredi au samedi. Cette fois-ci, la gifle de Macron a occupé l’espace médiatique et les sujets bioéthiques n’ont quasiment pas été abordés dans les médias. C’est pourtant le futur de toute une génération qui se joue !
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Nous sommes en période électorale et le projet de loi bioéthique n’est pas une priorité dans le débat public. Ajoutez à cela une volonté de faire taire les députés qui s’y opposent, par le biais d’une procédure spécifique qui réduit terriblement les temps de parole des parlementaires ! Sur ma page Facebook, j’avais partagé un montage où l’on voit avec quelle rapidité les amendements proposés étaient rejetés. À peine examinés ! Les glissements bioéthiques sont sans fin. Lors de l’adoption de la loi sur le « mariage homosexuel », on nous avait certifié, la main sur le cœur, que la PMA n’en serait pas sa conséquence logique. Aujourd’hui, on nous fait la même promesse avec la GPA. On voit bien ce que valent ces engagements ! D’ailleurs, un des rapporteurs de cette loi l’a bien dit en introduction : ce n’est qu’une étape. Demain, nous aurons la PMA post-mortem et la GPA, bien sûr ! Quand donc va s’arrêter ce « progrès » ? Quand nous occuperons-nous enfin de l’intérêt supérieur de l’enfant ?
[1] L’article 1 du chapitre 1 du titre 1 du projet de loi relatif à la bioéthique a modifié le code de la santé publique : « Art. L. 2141-2. – L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L. 2141-10.
[2] Depuis la loi de bioéthique du 29 juillet 1994 “relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) et au diagnostic prénatal”, confirmée lors des révisions de 2004 et 2011, la France avait choisi d’inscrire l’AMP dans le seul champ médical : “L’AMP a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité ; ce couple doit être composé d’un homme et d’une femme en âge de procréer”.
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