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Emmanuel vous souhaite un bon Macron 2018


Emmanuel vous souhaite un bon Macron 2018
Voeux présidentiels d'Emmanuel Macron, 31 décembre 2017. STRINGER / AFP

Si vous faites partie des 55 millions de Français qui avaient mieux à faire, le soir du Réveillon, que de regarder les voeux de Macron, voici ce que vous avez manqué: rien. 


J’avais eu l’eau à la bouche en lisant les préparatifs. On ne savait pas le lieu ni l’heure. Il devait casser les codes, faire au feeling, moderniser ce rendez-vous crucial. Briser les tabous. Parler aux Français. Les Français étaient prêts, l’opinion mûre pour les réformes. J’étais prête à tout : le suivre au bout du monde. Je m’attendais aussi bien à quelque chose de convenu qui passe bien parce qu’on n’est pas dupe. Des vœux à l’ancienne, quoi… Alors, décoiffant, on ne peut dire que l’exercice du Réveillon le fut. Ce fut plutôt caramel, bonbon et chocolat. Tout comme dans la chanson de Dalida. Sans la chaleur de la voix. Je sais que c’est difficile, cet exercice (entre nous, vraiment ?). En tout cas, si c’est un peu comme l’Annapurna, on a atteint le sommet.

De bons voeux à qui pieux pieux

J’en avais entendu des vœux présidentiels. Tel Président avait de la raideur, l’autre des battements de cils, l’autre roulait des épaules, l’autre faisait sonner les consonnes finales, l’autre, je me souviens plus, à vrai dire… De toute manière, il y avait un peu de cocorico dans l’air. Là, le moins qu’on puisse dire, c’est que notre jeune président ne l’a pas dans la peau, la France, avec ses châteaux d’eau et ses places mouillées, ses travailleurs et ses travailleuses comme le disait la petite Arlette, celles et ceux qui sont heureux et/ou malheureux. Je sais bien qu’il n’y a plus beaucoup de postiers et de postières mais il y a toujours celles et ceux qui triment et ont un espoir, à l’ancienne, que les vœux présidentiels vont leur dire quand même quelque chose sinon aller au cœur. Et puis il y a les chômeurs et les chômeuses, toutes celles et ceux dont on va amputer un peu les revenus, malgré tout et quoi qu’on dise. Non, il ne l’a pas dans la peau, la France, notre Président. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, ça ne s’invente pas. Il a eu beau s’adresser à celles et ceux qui sont en famille (ou pas), avec une pensée pour ceux et celles qui assurent la sécurité de notre territoire, c’était pas réchauffant pour deux sous, ses vœux. A peine la dernière note de la Marseillaise envolée, les courtisans étaient là à « saluer l’art du verbe ». On rêve…

Ce fut donc de l’Elysée que la parole nous fut délivrée : 18 minutes, sans prompteur, trois minutes de plus que celui du président précédent. Les codes cassés : mains à plat sur le bureau. Des propos lénifiants, une voix terne, même pas de confesseur. Pourtant, il avait pris son bâton de pèlerin, nous a dit Jean-Baptiste Lemoyne. Un vrai glaçon. Une éloquence de bout de bois. Ou alors, il était gêné aux entournures. Pas à l’aise. A force de se dire qu’il faut se taire, se maîtriser, eh bien, ça rate. Hors meeting, sans la scène, le feeling ne passe pas. Pourtant, il avait travaillé son exercice : pas trop de parlotte ni de détails ni d’émotion, de la réserve, être au niveau du peuple, de la sobriété, pas de cocorico. De la pédagogie : un mot répété. Faire : comme quelqu’un qui n’aura pu montrer ce dont il est capable. Faire, comme celui qui fut empêché. Je ferai, je ferai, je ferai… Au bout du bout, ça fait flop.

2017, c’était « cool »…

Temps 1. Retour sobre sur 2017 : année du choix, le nôtre. Du choix que nous avons fait de lui qui fait ce qu’il dit. Ce à quoi il s’est engagé : un Parlement renouvelé, tout à sa botte ; une vie politique transformée en profondeur où chacune et chacun trouve sa place. Pour 2018 : le cap est fixé. Un mot suffit : l’action (cf : plus haut). 2018 est, en effet, l’année de tous les défis : la téléphonie mobile dans les territoires ruraux, la mobilité dans les quartiers populaires et Outre-mer, les lois nouvelles concernant l’égalité entre hommes et femmes (chouette, re-bientôt Marlène), le droit à l’erreur et du neuf pour les fonctionnaires. A l’extérieur, une France plus forte et plus juste. Son projet (de la France) : un pays fort et universel.

Temps 2 : bien sûr, le président a entendu dans le concert médiatique les voix discordantes. Il écoutera mais il fera. Il ne s’arrêtera pas d’agir (cf : plus haut). A l’internationale, un seul objectif : une « grammaire de la paix et de l’espérance à réinventer ». Ca, c’est l’art du verbe.

…2018, ce sera mieux

Temps 3 : l’Europe. Elle est « bonne » pour la France. 2018 sera une année toute particulière pour l’Europe dont l’ambition sera affirmée : souveraine, unie, démocratique. Une puissance économique, sociale, écologique et scientifique aux antipodes du scepticisme et du nationalisme. Avec nos amis allemands, ce sera « un colloque intime » : là, j’en ai eu les larmes aux yeux. Et j’ai salué du coup l’art du verbe : pour l’Europe et le traité qui devait être renégocié en janvier, mon nom est Matamore.

A lire aussi: Pour un commissaire européen, l’immigration est « la nouvelle norme »

2018 sera aussi l’année de la cohésion nationale. Alors là, c’est du François d’Assise sans les oiseaux : là où il y a la division, il faudra plus de concorde. Là où il y a de la haine, de la « fraternité ». Bis. Là où il y a des tensions éthiques (lapsus linguae, sans doute ?) de l’exigence humaniste, avec un grand projet social déployé comme une bannière. Le travail, il est au cœur du projet. « On a besoin de travail » : tel que je vous le dis et plus gros qu’une ficelle de ne pas dire le mot qui fâche. Quant aux migrants, il y aura des règles, car on ne peut accueillir toute la misère du monde.

L’école, enfin : c’est un creuset. Il va falloir développer la formation au long cours pour qu’on s’adapte à de nouveaux métiers. La culture ? Pas d’effusion : c’est un socle commun (comme dans une réforme ancienne de l’Education nationale) pour que toutes et tous s’y retrouvent.

On n’a pas de pétrole, mais…

Enfin, conclusion innovante qui casse les codes de pensée : on a tout plein d’atouts, nous les Français. De l’intelligence, surtout. On est un grand peuple. Capable de l’exceptionnel. Surtout on doit tous être des marcheurs. Comme Kennedy en 1961 entrant à la Maison-Blanche, que chacune et chacun se dise chaque matin : « Qu’est-ce que je peux faire pour mon pays ? » Pour ce « collectif » qu’est la France, c’est une vraie Renaissance en perspective.

Les premiers vœux d’un nouveau président sont, dit-on, décisifs. On avait beau savoir de source sûre, certaine et informée que le président ne dirait rien de rien, on attendait, malgré tout, quelque chose. Ce qui est désagréable, ce n’est pas tant ce discours sans teneur, sans saveur, que les courtisans qui le commentent. Bien sûr, je ne parle pas de Marlène qui a salué… l’exercice présidentiel.



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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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