La positive attitude
C’était dimanche, un dimanche de désastre pour l’homme de l’Élysée. Les gens votaient et ils votaient mal. Lui, qui se déclarait voilà peu le rempart contre ce qui était en train de sortir des urnes se voyait contraint de manger son chapeau. Dimanche très sombre donc pour lui et son camp.
Voilà bien qu’il s’était rendu au Touquet pour voter. Anticipant sur ses préférences du second tour, allez savoir si, nanti d’une intelligence si aiguisée et tellement prédictive, il n’allait pas d’ores et déjà glisser dans l’urne un bulletin NFP-LFI. Il aurait eu une excuse, le désarroi. Lui qui mettait en garde, le dimanche précédent, contre l’imminence du chaos, qui voyait se profiler le pire du pire.
C’est donc, tout logiquement, un homme effondré, un président démonétisé, un chef désavoué, un thaumaturge à la dérive qui, après avoir effectué son devoir de citoyen, s’en est retourné dans le cocon du nid familial, là où il savait pouvoir trouver une once de compréhension, une bienveillance consolatrice, un peu de douceur. Volets tirés, probablement, pour, symboliquement, se protéger de la rumeur qui, d’heure en heure, montait du pays. Volets clos aussi pour ne pas avoir à poser les yeux sur le spectacle, cruel pour lui, mais anodin pour quiconque, auquel les touristes dominicaux du Touquet pouvaient assister. Un homme, détendu, parfaite illustration de la cool attitude, étranger aux enjeux du jour, étranger à tout finalement, blouson type perfecto, jean, baskets aux pieds, casquette sur la tête, déambulant ici et là. L’image même d’une juvénilité prolongée. L’insouciance gaie, l’hédonisme du dimanche tel qu’en lui-même. L’heureux mortel que rien ne peut atteindre ni troubler, planqué qu’il est derrière ses Ray-ban, main dans la main avec sa compagne tout aussi cool, flanqué de quelques garçons eux aussi en tenue de RTT et que, pour un peu, on prendrait pour une sorte de garde rapprochée.
Fort heureusement, prostré derrière les volets clos de son refuge de souffrance, l’homme de l’Élysée échappa à ce spectacle. Sinon, qui pourrait dire combien il aurait aimé pouvoir se permettre d’être ce gars-là, ce touriste débonnaire et souriant, à mille lieues de la réalité du moment ? Combien il aurait goûté pouvoir s’offrir ce luxe, n’être plus un chef vaincu, un meneur à la ramasse, mais juste un gars à casquette et lunettes façon Top gun insensible à tout. Ah oui, comme il aurait aimé pouvoir se permettre cet abandon à la futilité en ce dimanche de Bérézina ! Mais il ne le pouvait. Un reste de dignité, comprenez-vous, le sens profond du devoir, la conscience de la gravité de l’enjeu. Ces qualités et vertus que, en toute circonstance, un président de la République se doit d’observer et de montrer. De nouveau, dimanche prochain, volets clos au Touquet ? De nouveau, un touriste en vadrouille ? Mais casquette à l’envers, cette fois, pour faire davantage d’jeune LFIste peut-être bien…
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