Le 15 juillet dernier, Emmanuel Macron faisait une visite d’Etat à Belgrade. Elle était très attendue car depuis Jacques Chirac aucun Président français ne s’était rendu en Serbie. En outre, il avait à deux reprises décommandé sa venue.
Pour les Serbes, quelques années seulement après la renaissance de leur Etat (2008), la visite d’un chef d’Etat français revêtait la plus haute importance. Pour la France aussi, qui avait délaissé cette région depuis quelques années, avec par exemple une décevante septième place d’investisseurs étrangers, derrière des pays concurrents comme l’Italie ou l’Allemagne, il fallait rattraper le temps perdu.
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L’accueil par la Serbie officielle a été au-delà des espérances. Comme au beau vieux temps de la Yougoslavie, une emphase et un décorum digne des meilleurs régimes socialistes accueillait Emmanuel Macron. Depuis l’aéroport Nikola Tesla (récemment racheté par Vinci) jusqu’au cœur de Belgrade, des drapeaux serbes et français se hissaient sur chaque lampadaire. Dans la capitale, de très nombreux panneaux publicitaires avaient été réquisitionnés par le gouvernement afin de souligner l’amour des Serbes pour la France. En lieu et place de slogans commerciaux, les Belgradois ont eu droit une semaine durant à des marques d’affection de la Serbie à la France. Derrière des méthodes encore empreintes d’une naïveté toute balkanique, perçait l’amitié franco-serbe forgée lors du front de Salonique au temps de la Première guerre mondiale. Les Serbes vouent encore, à grand renfort d’émotion, un attachement et une gratitude incommensurables à l’Armée française d’Orient qui, sous le commandement du maréchal Franchet d’Esperey, leur a permis de sauver leur patrie en 1918.
Malgré ce retour en Serbie, la France à la traîne des autres puissances
Ce n’est donc pas surprenant que durant ces deux jours de retrouvailles au plus haut niveau, les moments clés aient été la visite au cœur du parc du Kalemegdan, face à l’Ambassade de France, au monument où est inscrit «nous aimons la France comme elle nous a aimés», fait unique au monde de la marque d’affection d’un peuple envers un autre, mais aussi au cimetière militaire français où 375 Poilus d’Orient reposent en paix, symbole du sacrifice lié à la première victoire décisive de l’Entente.
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La question est à présent de savoir quelles seront les retombées de cette visite officielle du Président de la République. Arrivé comme tous les présidents français avec une bardée de chefs d’entreprises, on s’attendait à la signature d’accords commerciaux et économiques d’envergure. Mais on a très vite déchanté. A part des accords culturels sur la francophonie et d’autres très techniques sur des échanges militaires, aucun accord économique d’envergure ne pointe à l’horizon.
Pékin va finir par nous barrer la route
Comme l’a très bien dit mercredi 28 août l’ancienne diplomate française devenue Présidente de la Géorgie, Madame Salomé Zourabichvili, « les chefs d’entreprises français sont très frileux ». En face, les Chinois avancent à grandes enjambées dans leur projet de «routes de la soie» (rachat de plusieurs mines et usines, construction d’autoroutes. Quant aux Russes, ils ont multiplié tout l’été des accords militaires et ferroviaires.
En fait, la France officielle a compris que le retard pris depuis quelques années dans cette région allait mettre du temps à être comblé. Comme nous l’a déclaré Monsieur Mondoloni, Ambassadeur de France à Belgrade ces deux dernières années, « nous sommes absents de la région depuis 2010 ». Malgré cet déplacement exceptionnel et le fort sentiment de francophilie dans la population et le gouvernement serbes, il sera difficile de remplacer les géostratégies chinoise et russe à l’œuvre en Serbie.
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