En souhaitant supprimer l’ENA pour mettre en place une forme de discrimination positive, Emmanuel Macron s’inscrit non seulement en rupture avec l’héritage républicain. Pour réhabiliter la méritocratie, donnons les moyens aux Français de se préparer à la sélection dès le plus jeune âge.
Alors que nous avons fêté récemment les deux cent trente ans de la prise de la Bastille, jamais depuis la IIIème République, un Président n’a autant menacé les fondations du contrat social posé en 1789. En s’attaquant à l’égalité des chances et à la méritocratie républicaine pour faire rentrer la France dans la logique de la discrimination, Emmanuel Macron et son courant de pensée souhaitent abattre un pilier fondateur de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) imaginé pour lutter contre l’absolutisme et le népotisme. Face à cette menace, la droite doit se ressaisir pour défendre ce principe et le favoriser pour faire de l’éducation une force et une espérance française.
Le concours, une chance pour l’égalité
L’article 6 de la DDHC dispose que « tous les citoyens étant égaux [aux yeux de la loi], sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autres distinction que celles de leurs vertus et leurs talents ». En choisissant une méthode de recrutement permettant de ne discriminer rien d’autre que l’aptitude et la capacité à exercer une fonction publique face à la vénalité des offices ou le fait du Prince, le mérite est un fondement du combat républicain. Depuis la IIIe République, la mise en place des concours traditionnels (Banque de France, Assemblée nationale, Sénat, Quai d’Orsay, etc.) d’accès à la fonction publique illustrent cette logique comme la création de l’École nationale d’administration en 1945.
En souhaitant supprimer l’ENA pour mettre en place une forme de discrimination positive, Emmanuel Macron s’inscrit non seulement en rupture avec l’héritage républicain, mais souligne également son incapacité à saisir les enjeux contemporains. Dans le même sens, la décision de Sciences Po Paris de remplacer son concours d’entrée par une sélection sur dossier, et le mouvement général contre les notes à l’école, s’inscrivent dans une logique anglo-saxonne d’«affirmative action ». Imaginée dans les années 1960 aux Etats-Unis, la discrimination positive a aujourd’hui atteint ses limites.
Halte à l’américanisation
Ce choix vers lequel veut tendre l’idéal macroniste entraîne de graves atteintes à l’égalité, tout en échouant à opérer le changement de société espéré par les « progressistes ». Une étude menée par l’université de Princeton en 2009 a démontré que parmi les admis dans les rangs des grandes universités américaines, si un Afro-Américain avait besoin d’une moyenne de 10/20 pour être admis, un Asiatique aurait besoin de 15,625 de moyenne pour être admis. Afin d’éviter de répandre davantage les ravages de la discrimination positive, qui traite le symptôme sans répondre aux racines des inégalités, il est nécessaire de s’emparer de ce sujet pour défendre notre modèle républicain face au souhait d’Emmanuel Macron de l’américaniser. La droite doit ainsi faire du rétablissement du principe de la sélection au mérite et du réenclenchement de l’ascenseur social un des piliers de son projet pour la France.
Comme tous les Français salariés qui passent chaque année leurs entretiens d’évaluation avec leurs responsables le savent pertinemment, la sélection, comme l’évaluation, est partout dans la vie professionnelle. En ce sens, l’évaluation sur la base de critères objectifs reste le moyen le plus sûr de mesurer les connaissances et le mérite sans que ne rentrent en jeu les appréciations subjectives, les préjugés, les discriminations, ou le favoritisme. Alors, pourquoi cette institution qu’est le concours est aujourd’hui si décriée ?
L’école a failli
Ce que beaucoup leur reprochent finalement, au travers des accusations de reproduction sociale, est en fait l’échec du système scolaire dans son ambition à mettre sur un pied d’égalité les élèves dès le primaire quelle que soit leur origine, et jusqu’à l’enseignement supérieur. La faute pourtant ne repose pas uniquement sur la politique éducative. Il faut reconnaître dans cette reproduction sociale le rôle des parents, qui au-delà des moyens financiers décuplent les chances de leurs enfants par des choix stratégiques (quelle école, quel loisir) et la transmission de savoirs et de pratiques adaptés à la préparation des concours. Les inégalités sociales se perpétuent et s’amplifient ainsi de plus en plus de génération en génération. En effet, comme le démontre une étude de l’OCDE, il faut désormais 6 générations en France pour sortir de la pauvreté contre 5 chez les autres du pays de l’organisation.
Nous ne pouvons faire l’impasse de réformes du système scolaire permettant de préparer les élèves aux compétences attendus dans l’enseignement supérieur et le monde professionnel. Mais la faiblesse de notre système scolaire, constatée par les différents classements PISA, ne participe pas de cet effort. Il devient alors essentiel de réarmer notre modèle éducatif et de lui refaire avoir corps avec son idéal originel.
Favoriser la culture générale
Il faut d’abord réexaminer l’utilité de la carte scolaire, qui a en partie créé une logique utilitariste à la résidence et ensuite redonner du sens aux examens véritablement nationaux. Ces derniers doivent être instaurés et renforcés quand ils existent déjà (brevet des collèges, bac), afin de pouvoir valider le niveau des élèves, de chaque école, et pouvoir concentrer les ressources humaines et financières sur les établissements où les élèves ont le plus de difficulté. Pour sanctionner le travail au long terme, un socle commun d’obligations scolaires doit alors être instauré comme des niveaux de langue étrangère à valider à la fin du lycée, et un socle de connaissances en culture générale à la fin du collège au brevet. A terme, ces solutions permettent notamment de gommer une partie de l’écart initial en matière de capital culturel et d’offrir de nouvelles pistes de réflexion aux collégiens et lycéens.
Une autre solution additionnelle pourrait résider dans la durée du système éducatif français. Ce dernier diplôme à des âges relativement précoces ses lycéens et étudiants. Dans le reste du monde, le soutien accordé aux projets personnels, à l’ouverture sur le monde via une année de césure ou en échange, rendent les parcours plus riches et permettent d’avoir des diplômés disposant d’une expérience supplémentaire. L’on pourrait ainsi rajouter une année au cycle secondaire, qui pourrait être constituée de stages ou d’études supplémentaires. Cette année permettrait d’octroyer une année supplémentaire à des adultes en devenir pour affiner leurs profils de futurs étudiants et mieux savoir les orienter ou les réorienter, y compris en filière professionnelle avant des choix de cursus plus contraignant ou des échecs en faculté. Dans ce cadre, plus de flexibilité pourra être apportée au système LMD (Licence, Master, Doctorat) pour valoriser davantage les césures comme dans l’enseignement supérieur aux Etats-Unis où il est commun d’acquérir une ou plusieurs expériences professionnelles entre les cycles pour valoriser non seulement sa candidature au suivant mais également affirmer et murir son projet professionnel. La mise en place d’une année supplémentaire au sens du cursus collègue-lycée ouvre également le débat sur la durée des études au sein de l’enseignement supérieur et d’un éventuel rallongement de ce dernier ou une révision des actuelles logiques diplômantes.
Excellence pour tous
En mettant l’ensemble de ces réformes éducatives au cœur de son projet pour la France, la droite permettra au système éducatif français de renouer avec l’excellence pour tous. Ce faisant, la droite républicaine réussira à rétablir la méritocratie bien en amont des concours d’entrée aux grandes écoles ou de la fonction publique. L’ascenseur social reprendra son rôle et les politiques de solidarité à posteriori, c’est-à-dire n’intervenant qu’une fois les inégalités fermement retranchées, pourront être allégés car les inégalités sociales de naissances cesseront d’être magnifiées par l’École, pour être, comme par le passé, gommées par le mérite.
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