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En Marche, le réveil de la Troisième Force


En Marche, le réveil de la Troisième Force
Manuel Valls, Emmanuel Macron, Bruno Le Maire. SIPA: 00806004_000123 / 00805407_000021 / REX40469647_000007

Le 7 mai 2017 restera quoi qu’il advienne une date importante dans l’histoire de la Ve République. Jamais en effet depuis la mise en place des institutions gaulliennes, un candidat n’appartenant à aucun parti de gouvernement n’était parvenu à accéder au pouvoir. Jamais non plus depuis De Gaulle, un chef d’État de la Ve République n’avait franchi le perron de l’Elysée sans avoir eu à affronter la sanction du suffrage universel lors d’élections locales. Enfin, est-il encore nécessaire de rappeler ici la jeunesse de notre nouveau président, lequel passait son baccalauréat quand Jacques Chirac accédait à la magistrature suprême pour la première fois ?

Symbole de la politique des arrangements

Le tableau de la modernité et de la fraîcheur dressé reste désormais à le contempler non sans faire preuve d’une certaine critique à l’égard de traits grossiers que les observateurs ont trop longtemps cherché à gommer.

En effet, si le succès du mouvement En Marche! est indiscutable, tant son instigateur a réussi à transformer sa start-up politique en une entreprise dédiée à sa victoire présidentielle, force est de constater que la conjoncture devrait conduire son émanation partisane à de nombreux marchandages pour s’assurer une majorité stable à l’Assemblée nationale.

En ce sens, La République en marche (LREM) – puisque c’est désormais son nom – s’apparente à bien des égards à cette « Troisième Force » au pouvoir lors de la IVe République, composée de socialistes, de libéraux, de radicaux et de démocrates-chrétiens, avant d’être rejointe par une partie des gaullistes. Une « Troisième Force » déjà transformée en « Front républicain » lorsqu’il s’agissait de combattre les deux extrêmes, communistes et poujadistes, quand la droite pansait ses plaies. Une « Troisième Force » surtout symbolique de la politique des arrangements, de l’instabilité gouvernementale et de la faiblesse du pouvoir exécutif, sclérosé par le « système des partis ».

Le jeunisme a bon dos

De fait, alors que nombre de caciques socialistes se recyclent aujourd’hui au sein de LREM et que les premiers sondages laissent entrevoir une Assemblée nationale divisée en trois pôles distincts égaux en sièges, il apparaît que la « démocratie médiatisée » théorisée par Maurice Duverger il y a plus de cinquante ans connaît un second souffle.

Une situation liée à l’éclatement des partis d’une part, et à l’absence de discipline à l’intérieur des groupes parlementaires d’autre part, permettant aux élus, au lieu d’être transparents par rapport aux choix effectués par la majorité des gouvernés, de faire preuve d’opacité en menant diverses négociations servant leurs propres intérêts.

En ce sens, à l’instar de certains gaullistes entrés dans les différents gouvernements de la Troisième Force, certains élus Républicains comme Bruno Le Maire ou Xavier Bertrand appliquent à la lettre les vieilles recettes de la tambouille politicienne fleurant bon les années 1950. Le jeunisme a bon dos, le sacrosaint « intérêt supérieur de la France » aussi.

Du FN comme gardien du système

En outre, alors que le Front national, « une machine à maintenir en fonction les tenants de la déconstruction » selon les mots de François-Xavier Bellamy, et la France insoumise, apparaissent comme les deux gros pôles radicaux les plus à même d’être forces d’opposition pour les cinq années à venir, il y a fort à parier que certains élus Républicains et socialistes rejoignent LREM au motif qu’il « faut se battre contre le FN partout et tout le temps pour éviter qu’il prenne le pouvoir », comme le soulignait récemment Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette même NKM qui, en février 2016, cosignait une tribune avec 16 autres parlementaires de droite et du centre, appelant à soutenir le projet de loi El Khomri, jugeant que « le gouvernement (allait) dans le bon sens ».

Ainsi, s’il est évidemment louable de mettre les querelles politiques antérieures de côté comme ce fût le cas sous les gouvernements successifs de la Troisième Force, lesquels se révélèrent capables d’effectuer les choix qui engagèrent l’avenir de notre pays dans le domaine économique, rappelons toutefois que la prochaine majorité hétéroclite en voie de formation devra affronter au moins deux crises majeures : l’une sociétale et identitaire, l’autre sociale.

De Taubira à El Khomri

En effet, le quinquennat qui vient de s’achever a mis en lumière deux groupes sociaux aux objectifs différents mais dont le poids démographique et contestataire a remis en cause la légitimité des gouvernants. Que ce soit avec la loi dite du « mariage pour tous », largement combattue par une partie des élus du Front national et de la droite de gouvernement, et la « loi travail », les anciennes identités politiques se sont effondrées, faisant apparaître de nouveaux spectres trans-partisans aux visées différentes de celles portées par La République en marche.

Si Emmanuel Macron n’a jamais fait état de fonder une nouvelle république, la recomposition du champ politique en cours témoigne de la fin d’un système porté par les institutions de la Cinquième.

Et si la droite renouait avec le souverainisme?

Éric Zemmour se plaît à citer Philippe Séguin en rappelant que « la droite et la gauche sont les détaillants du même grossiste, l’Europe. » Au vu de l’europhilie affichée par le nouveau président élu et de l’ensemble de ses soutiens – de droite comme de gauche – il paraît aujourd’hui difficile de contredire la formule de l’ancien gaulliste. Une formule qui pourrait toutefois enfin inciter une large partie de la droite de gouvernement à renouer avec un souverainisme non caricatural, prenant en compte les aspirations populaires d’une mondialisation et d’une Europe moins inhumaine dans son versant social. Bref, de redevenir une droite de convictions au lieu d’une droite de tractations.

Il en va de la pérennité de nos institutions.



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