Notre chroniqueur se réjouit des propos tenus par le président sur les pères absents dans le magazine féminin.
L’ondoyant président de la République qui slalome entre les pertinentes questions de deux journalistes du magazine Elle offre des réponses dont certaines peuvent surprendre ! Pour ma part, sans prétendre tout régir par son intimité et sa vie familiale, je relève à la fois que le président n’a jamais été père, qu’il a toujours considéré ses beaux-enfants et petits-enfants comme les siens et que lors d’un entretien ancien – j’en avais fait état dans mon livre Moi, Emmanuel Macron, je me dis que… -, il n’avait pas hésité à soutenir que les familles recomposées étaient presque plus enrichissantes que les familles naturelles. J’en avais conclu alors, et la suite ne m’a pas démenti, qu’il était plus un homme de culture qu’un homme de nature, plus séduit par les constructions artificielles que par les processus innés.
Les familles, oubliées des quinquennats Macron ?
Avant d’aborder ce qui a particulièrement surpris dans les propos du président – le devoir de visite du père, l’obligation de remplir ses devoirs de père (au-delà de l’assistance financière) -, on peut trouver subtile sa distinction sur Gérard Depardieu quand il affirme que ses éloges sur lui ne relevaient pas « de la défense d’un agresseur face à des victimes ». Ils avaient pu être perçus comme tels alors.
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Il est permis aussi de retenir que son invocation de la présomption d’innocence n’a parfois été qu’un moyen de retarder, pour tel ou tel de ses ministres, le jugement au moins conservatoire qu’on espérait de lui. Je me souviens de son attitude au sujet de Nicolas Hulot.
Sur un autre plan, questionné sur « le réarmement démographique », outre l’instauration d’un congé de naissance qu’il avait déjà évoqué, il annonce, pour réduire les délais de la PMA, l’ouverture aux centres privés de l’autoconservation ovocytaire. Dans un entretien de ce type, comment ne pas s’étonner du manque présidentiel sur le développement d’une authentique politique familiale ? Elle devrait être prioritaire par rapport aux succédanés concernant l’infertilité et la PMA. Le président, à juste titre, maintient son opposition à la GPA et à la marchandisation du corps qu’elle implique, avec le possible déchirement d’une mère porteuse séparée de son enfant.
Devoirs des pères : une intrusion de l’État dans l’intime ?
Sur le devoir d’être père, j’y vois d’abord le signe d’un État qui continue à vouloir s’occuper de notre intimité, de nos missions d’être humain et des fonctions que le destin et nos choix nous ont confiées. Une forme de cohérence devrait me conduire à détester cette intrusion et ce totalitarisme soft, même inspirés par le souci du Bien. Il n’empêche que ce point de vue présidentiel qui fait polémique me paraît pourtant sinon courageux du moins stimulant. Comment ne pas l’analyser d’abord, de sa part, comme une sorte de provocation intellectuelle pour troubler, agiter le marais et susciter le débat ? Comme ce besoin qu’il a manifesté à plusieurs reprises, par des fulgurances et un extrémisme délibéré, de tester le pouls de la société.
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On pourrait même, derrière l’exigence morale qu’il énonce et qui se fonde sur une approche relativement positive des pères, dont il souhaite qu’ils assument leurs responsabilités (à l’exception des géniteurs violents), relever l’ambition présidentielle de réparer l’immoralité, la médiocrité, les imperfections d’univers familiaux où la plupart du temps une mère seule avec des enfants est amenée à se battre dans la quotidienneté en l’absence d’un père indifférent ou irresponsable. Je mesure à quel point le président va être contesté, voire moqué pour cette réponse qui résulte à l’évidence d’une réflexion structurée : « Je suis pour que l’on revienne à une logique de droits et de devoirs, y compris pour les pères ». Qu’il inscrit dans le cadre plus général de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Si le président parle sans cesse et sur tout, il lui arrive de ne pas nous le faire regretter. Quand c’est lui… et Elle.
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