Accueil Politique Emmanuel Macron ou comment avoir tort quand on a raison!

Emmanuel Macron ou comment avoir tort quand on a raison!

Alors qu'il avait raison sur le fond, la forme fait défaut au Président de la République


Emmanuel Macron ou comment avoir tort quand on a raison!
Emmanuel Macron au sommet européen de Bruxelles le 16 décembre 2021 -© Johanna Geron/AP/SIPA

Philippe Bilger revient sur les propos du Président de la République à l’encontre des personnes non-vaccinées, qu’il juge stratégiques, mais illégitimes.


Il faut revenir sur cet entretien du président avec des lecteurs du Parisien. Plus j’y songe, plus il appelle des remarques, des critiques, des réflexions qui ne peuvent pas être banalisées par des polémiques ordinaires. Il mérite mieux. Ou pire.

D’abord, aucune comparaison n’est possible entre la fameuse phrase de Georges Pompidou et la saillie d’Emmanuel Macron, à l’exception de l’usage du même infinitif. Le premier, pour défendre tous les Français, se révolte contre une administration tatillonne et omniprésente, le second s’en prend à une catégorie de citoyens, non-vaccinés et antivax. Le premier a uni, le second clive.

J’ai été surpris que personne n’ait réellement été indigné par la forme présidentielle – bien plus que « familière » selon l’appréciation d’Edouard Philippe – comme si l’on avait intégré la dégradation, en certaines circonstances et depuis longtemps, de la qualité du verbe élyséen et appris à tout craindre d’Emmanuel Macron sur ce plan.

Pourtant durant deux heures, sur TF1, il avait habilement joué d’une contrition pour certains de ses propos à l’emporte-pièce qui avaient pu choquer ! Mais sa pente l’entraîne délicieusement vers ce qui pour le commun serait trop loin !

Serais-je le seul que je continuerais à regretter cette dérive, ce mauvais exemple donné au plus haut, parce qu’ils induisent qu’on ne se respecte plus et qu’on respecte encore moins ses concitoyens.

La grossièreté présidentielle – elle a été assumée puisque maintenue à la relecture – a eu pour conséquence de contraindre le Premier ministre et Gabriel Attal à une surenchère un peu ridicule dans la justification.

Elle a surtout tactiquement été une faute indéniable. Certes en première lecture le passe vaccinal a été adopté et malgré quelques remous parlementaires, on n’en doutait pas. Mais l’incident présidentiel risque de dénaturer cette modification qui aurait pu être largement approuvée par une majorité de Français. En effet, ils auraient parfaitement compris une opposition ferme du président à cette minorité qu’il n’était pas choquant de qualifier « d’irresponsable » sans lui dénier toutefois la citoyenneté.

À lire aussi, Martin Blachier: «Vaccinez les vieux, laissez vivre les jeunes!»

Cependant, à cause de la foucade d’Emmanuel Macron, ce qui aurait dû apparaître comme un consensus du bon sens et une aspiration à une concorde la plus large possible risque d’être perçu comme un combat singulier, quasiment une vengeance personnelle, un conflit mettant aux prises le président seul contre 5 à 6 millions de ses concitoyens.

Sans compter que si des mesures encore plus drastiques et contraignantes devaient être prises, la défiance déjà forte à l’égard d’un pouvoir sans cesse mis en cause en serait redoutablement augmentée.

Ainsi, alors qu’il avait absolument raison sur le fond, la forme conduira peut-être une majorité à lui donner tort puisque 53 % des Français – je ne surestime pas ces évaluations immédiates – désapprouveraient la vulgarité du terme présidentiel.

Au-delà de la « petite phrase, grosse polémique » (Le Parisien), on perçoit bien qu’une autre forme d’irritation a saisi une large part de la communauté nationale. Même ceux qui ont désapprouvé le laisser-aller présidentiel, sa provocation verbale, auraient souhaité que sur d’autres plans encore plus importants, notamment régaliens, il ait su parler aussi clairement, aussi brutalement à l’encontre de tous les délinquants, criminels, transgresseurs de toutes sortes, massacreurs de la tranquillité publique, potentats du trafic de drogue dans les cités…

La Une du Parisien le jeudi 6 janvier

Il faut bien admettre qu’en dehors de ses dénonciations gourmées, les partisans d’un Etat fort et efficace n’ont pas eu grand-chose à se mettre sous la démocratie !

Je ne l’ai jamais entendu dénoncer les absurdités de son garde des Sceaux, anciennes comme l’insécurité qui serait « un sentiment » quand sa réalité accable les Français, ou plus récentes : Eric Dupond-Moretti reprochant à Eric Zemmour d’avoir diffusé « une violence décomplexée dans la société » alors que cette dernière est chaque jour saccagée et meurtrie par une violence décomplexée indépendante de Zemmour et contre laquelle le pouvoir, malgré ses tweets, est relativement impuissant…

À lire aussi, du même auteur: Quand le verbe n’a plus de tenue, le pire est à craindre

Ce qui navre la France, c’est la discrétion présidentielle face à tout ce qui la détruit et son refus d’user d’un langage sans équivoque contre les responsables de ce terrible affaiblissement. Faut-il s’excuser de mettre en évidence qu’un sondage IFOP-Vae Solis mentionne que 53 % de nos concitoyens considèrent que la France est « avant tout un peuple de race blanche et de culture chrétienne » et que pour 64 %, « l’islam est une menace pour l’identité de la France » ? Je devine comme ces réalités brutes, si directes, si immédiates, si vulgaires manquent totalement d’élégance pour notre président cultivé et chez qui le « en même temps » ne sert qu’à noyer un zeste de lucidité dans un océan de compréhension tellement explicative qu’elle en devient compassionnelle.

Le président avait raison de mettre en cause ceux qui refusent, au péril de leur vie et de celle des autres, de se faire vacciner. Il l’a fait en clivant et je ne suis pas persuadé que cela lui apportera un bénéfice politique.

On aurait rêvé – mais c’est un voeu pieux – d’un langage aussi implacable à l’encontre des coupables qui au quotidien mettent la France à mal qu’à l’égard de cette minorité non coupable mais butée, mal informée ou complotiste qu’il a ciblée.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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