Dans la fraîche nuit parisienne, il s’avance seul vers son destin, digne et grave. Pour un peu, je m’attendais presque à entendre en fond sonore le tube de Jean-Jacques Goldman Je marche seul tandis qu’il foulait les pavés du Louvre. Non le moment est plus solennel. C’est l’hymne à la joie de Beethoven qui accompagne les premières heures du président élu.
Il faut y voir un symbole européen mais pas seulement. Nous sommes dans une mise en scène soigneusement léchée et qui a pour but de légitimer celui que nous venons de porter à la présidence de la République. Car pour beaucoup si sa démarche est volontaire, son costume de président paraît encore trop grand pour lui. Néanmoins, en terme d’image, il marque sûrement un point. L’entrée sur la scène de la future reine fut cette fois plus réussie que lors de la soirée du premier tour. En guise de démonstration amoureuse, nous n’avons eu droit qu’à un mano à mano fort tendre.
2012, Hollande à la Bastille…
On est en effet assez loin de la fête socialiste à la Bastille d’il y a cinq ans. D’emblée François Hollande nous était apparu débonnaire, l’habit mal ajusté et pour tout dire un peu gauche. La suite de son mandat a ensuite conforté cette première opinion. En mai 2012, le baiser furtif à Valérie Trierweiler parut improvisé et si peu glamour. On ignorait encore ce qui se tramait en coulisses…
Prise de parole de Francois Hollande à la… par francoishollande
2007 : Sarkozy commet son péché mortel
Si l’on remonte dix ans plus tôt, après une communion populaire à la Concorde, Sarkozy avait commis le pêché (quasi) mortel de fêter sa victoire au Fouquet’s, comme l’aurait fait un nouveau riche. Ensuite, il ne put se défaire de son image de parvenu, de président « bling-bling », finalement éloigné des préoccupations des Français. Là encore, on ne savait presque rien de ses démêlés conjugaux. Tout à ses problèmes domestiques, le président élu en mai 2007 voulait avant tout impressionner l’élue de son cœur, Cécilia, avec le succès que l’on sait. Pour Sarkozy comme pour Hollande, le premier sacre fut donc raté car ni l’un ni l’autre n’avait vraiment étudié les codes présidentiels voire dynastiques pour toute entrée en fonction. Par la suite, ils tentèrent de rattraper cette légitimité perdue mais en vain. En 1981, la montée vers le Panthéon de François Mitterrand fut à contrario un génial coup de communication. Le premier président socialiste de la Ve République inscrivait dès le premier jour son règne républicain dans la grande histoire socialiste et humaniste, roses à la main, pour honorer la mémoire de Jaurès comme de Jean Moulin ou de Victor Schoelcher. Sa politique de gauche ne dura ensuite même pas deux ans mais c’est ce n’est point le sujet. L’histoire a retenu que dès son élection, il est devenu un monarque républicain et disons le pour sa légende, c’était là l’essentiel.
1981 : Visite de François Mitterrand au Panthéon. par LePoint
La marche du Premier consul
Alors qu’en sera-t-il pour Emmanuel Macron ? Remarquons d’abord qu’il reprend à son compte une symbolique très forte. Le Louvre est l’ancienne demeure des rois et il a prononcé son discours presque à l’emplacement de l’ancien palais des Tuileries, siège presque permanent des différentes monarchies qui se succédèrent en France de 1792 jusqu’à 1870, année au cours de laquelle le bâtiment fut victime d’un incendie qui entraîna ensuite sa destruction. Quand il était devenu Premier consul en 1799, Napoléon Bonaparte avait également mis en scène son arrivée dans ce palais encore républicain sans la présence d’une Joséphine reléguée en coulisses pour quelque temps encore. Ce faisant, il entendait lui aussi s’inscrire dans une certaine forme de continuité tout en ne tournant pas complètement le dos à la Révolution. Sa légitimité s’en trouva conforté et il devint empereur cinq ans plus tard après avoir réformé la France en profondeur. Un autre sacre l’attendait mais cette fois à Notre-Dame de Paris.
Du sublime au ridicule…
Pour revenir à notre époque, affublé d’un manteau bleu marine (un clin d’œil à sa concurrente malheureuse ?), Emmanuel Macron espère donc se hisser au niveau des plus grands. Il a d’ailleurs justifié son choix du Louvre en rappelant l’histoire dynastique du lieu et paraît ainsi vouloir en terminer avec la désacralisation de la fonction qu’il occupe désormais. En quelque sorte, il veut à nouveau faire résonner le cri qui saluait l’avènement d’un nouveau monarque tout en l’adaptant à la situation présente : Le petit roi Hollande est mort ! Vive le grand roi Macron ! Mais attention : « Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas » avait prévenu Napoléon. Il ne faudrait pas que notre président en marche ne fasse le pas de trop.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !