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Macron, l’honneur perdu des libéraux français


Macron, l’honneur perdu des libéraux français
Emmanuel Macron lors de son premier entretien télévisé, 15 octobre 2017. SIPA. 00827678_000009

Nos libéraux méprisent la nation et vénèrent la finance. On ne s’étonnera donc pas qu’ils se croient massivement ralliés à Macron. Une tribune signée par les Arvernes, groupe de hauts fonctionnaires, d’intellectuels et d’entrepreneurs qui veulent contribuer à reconstruire la droite française.


La France a un problème avec le libéralisme. Il n’est pas né d’hier. Alexis de Tocqueville, à cet égard, a presque tout dit. L’entrée dans la modernité politique de la France, par la Révolution française, a durablement placé le curseur de la démocratie du côté de l’égalité, au détriment des libertés. L’expérience américaine, elle, est inverse, qui place le curseur du côté de la liberté, au détriment de l’égalité.

La France a surtout besoin de se retrouver elle-même comme nation

La « question libérale », comme l’on disait naguère la « question sociale », n’est pas un débat d’initiés. Elle est au cœur des maux de notre pays, dont l’ardent besoin de réformes est passé au crible de cette question. Libérale la réforme d’un marché du travail jusqu’ici pensé pour dispenser le « bon Français » de travailler et déléguer aux immigrés les travaux jugés indignes, dont pourtant tant de nos grands-parents se sont acquittés avec courage et sans se plaindre ? Libérale la volonté de remettre de l’ordre dans nos finances publiques à bout de souffle après trente années d’un mariage sordide entre keynésianisme, socialisme et financiarisation de la société ? Libérale, la volonté, au cœur de la construction européenne, d’éradiquer le politique au profit de considérations économiques, dans un monde dont les Européens s’obstinent à ne pas saisir la dangerosité ? Libéral, le besoin exprimé par tant de Français de talent de sentir le poids de l’impôt, de la norme – et plus encore de la médiocrité devenue religion d’État sous l’influence des destructeurs de l’école républicaine – s’alléger de leurs épaules ? On pourrait continuer…

Disons-le tout net : si l’épithète « libéral » n’est pas plus frappée d’infamie à nos yeux que « démocrate » ou « républicain », nous ne craignons pas d’affirmer, depuis que nous nous efforçons de travailler à la refondation idéologique de la droite, que nous ne sommes pas libéraux.

Nous ne sommes pas libéraux, car, comme en toute chose, il n’est pas de martingale. Bien sûr, le redressement de la France passe par une remise en ordre de nos dépenses publiques, une plus grande liberté laissée aux acteurs économiques nationaux, la lutte contre les rentes et la baisse des prélèvements ; toutes mesures qui pourraient être qualifiées de « libérales ». Pourtant, réduire la France au tamis d’une doctrine, aussi séduisante soit-elle, serait précisément passer à côté de sa complexité. Et la France, au-delà de ces mesures économiques nécessaires, a surtout besoin de se retrouver elle-même comme nation, fière de ce qu’elle est, forte de l’adhésion de son peuple à tout ce qui en fait l’identité. Cette cohésion nationale retrouvée est la condition du redressement économique et de l’acceptation des efforts indispensables. Une telle vision politique n’est pas incompatible avec les idées libérales qui constituent un des grands héritages de la pensée française du XIXe siècle. Les libéraux traditionnels (y compris Friedrich Hayek) ont toujours accepté l’idée que la défense de la liberté est la mieux assurée par un État fort dans ses fonctions régaliennes, y compris la promotion d’une concurrence saine, la protection d’un certain ordre social et la défense des frontières. Oui, la France a besoin aujourd’hui de libéralisme pour lutter contre l’égalitarisme stérile, la réglementation dictée par les lobbies, l’addiction d’une bonne partie de la population à la dépense publique et la fuite des talents. Mais encore faut-il inscrire ce libéralisme dans une vision politique réaliste.

Le macronisme est une imposture

Surtout, nous ne sommes pas libéraux, car sauf rares exceptions – dont Aurélien Véron, président du PLD – les soi-disant libéraux français se sont sans nuances ralliés au macronisme, disqualifiant encore un peu plus leur cause. L’on vit ainsi l’un des jeunes gourous du libéralisme déclarer en mars dernier qu’Emmanuel Macron était « le prophète du libéralisme (sic) ». Un autre, indéfectible soutien du président (quel qu’il soit en réalité), estimait de son côté qu’Emmanuel Macron avait « compris mieux que tout le monde la puissance de rassemblement d’une politique fondée sur la liberté (resic) ». Le libéralisme à la française a fait le choix délétère de se confondre avec le macronisme. Disons-le tout net, cette convergence est le signe d’une double imposture.

A lire aussi: Les Arvernes: pourquoi nous ne sommes pas macroniens

Imposture, d’abord, du côté d’Emmanuel Macron, enfant chéri des grandes puissances d’argent et de leurs médias, issu de la technocratie d’État la plus pure (l’Inspection des finances et ses réseaux de connivence si peu « libéraux ») et porteur d’une vision néo-colbertiste si classique lorsqu’il s’agit de nationaliser les chantiers de Saint-Nazaire à la barbe des « étrangers » italiens (dixit B. Le Maire). Le « libéralisme » d’Emmanuel Macron se résume pour le moment à des ajustements à la marge du droit du travail. Qui peut croire qu’une équipe gouvernementale menée par l’élite de la technocratie d’État – technocratie dont certains d’entre nous, à l’issue d’études difficiles, s’honorent de faire partie – sera en mesure de remettre en cause la place de la dépense publique ? L’éviction des cabinets ministériels de tous les économistes néo-libéraux non issus du sérail est un signe, parmi d’autres, qui ne trompe pas. En fait de doctrine, Emmanuel Macron n’a qu’une seule idée en tête : lui-même.

Imposture, aussi, du côté de nos idéologues libéraux. Leur empressement à rejoindre le macronisme naissant était déjà suspect durant la campagne électorale, alors même que Fillon affichait un programme résolument plus moderne. Leur soutien sans nuances au président élu alors même que le manque de portée véritable de ses réformes éclate au grand jour en devient gênant. Mais qui sont nos libéraux ? Si Alain Madelin, par ses outrances, son passé, son incapacité à assumer le combat électoral en 2002 n’avait rien d’un homme d’État de premier plan, il faut bien lui reconnaître, en fait d’idées, une réelle colonne vertébrale. Nos libéraux nouvelle mode, eux, vivent à Londres, pour échapper au fisc français, au crochet des subventions des grandes puissances d’argent (consultants, think tank) et trouvent intelligent, entre autres âneries, de plaider, après le Brexit, pour une déclaration d’indépendance du grand Londres cosmopolite et aimable par rapport au reste de ce Royaume-Uni si xénophobe et peu plaisant.

Idiots utiles

Comment les libéraux sont-ils tombés si bas et ont-ils discrédité une doctrine dont, répétons-le, nous avons besoin pour soigner ce socialisme congénital qui nous fait tant de mal ? Nous voudrions ici formuler une hypothèse : trop de libéraux prétendent aimer la liberté, or c’est l’argent qu’ils aiment ! C’est là, nous semble-t-il, une des clés essentielles de compréhension de l’échec partiel du thatchérisme : la financiarisation excessive a été une erreur politique et économique que nous n’en finissons pas de payer. Margaret Thatcher, issue d’un milieu modeste, se vantait d’avoir compris l’économie dans une boutique, et ne déguisait pas sa méfiance pour l’oligarchie britannique. Pourtant, elle a été dupée par la City et son mur de l’argent. Elle n’a pas su admettre que ce que le libéralisme le plus absolu recherche, quand il marche main dans la main avec le capitalisme le plus intégral, c’est l’absence de concurrence et, comme le socialisme, le monopole. Le libéralisme le plus aigu, quand il se fait l’auxiliaire zélé des puissants, hait tout autant la liberté laissée à son concurrent que ne le fait le socialisme. Force est aujourd’hui d’admettre, pour reprendre une expression qui leur est chère, que nos libéraux français sont bien « capturés » par les grands intérêts économiques et politiques qui les font vivre et dont ils sont les idiots utiles.

La politique en France meurt de tant d’imposture. Il faut la dénoncer et réhabiliter, loin de ce libéralisme de connivence et d’argent, une pensée libérale authentique, qui doit être au centre de la pensée de droite que nous souhaitons contribuer à reconstruire.

Octobre 2017 - #50

Article extrait du Magazine Causeur



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