Si Macron s’est bien amusé cet été à Brégançon, cela ne l’empêche pas de se positionner en donneur de leçons…
C’est presque trop facile, trop gros. On croirait un gag digne de la « trilogie tropézienne » de Max Pecas (qu’on a pu revoir en août sur C8), lequel ne reculait devant aucune grosse ficelle pour faire rire au point d’avoir fait de ses invraisemblances scénaristiques une marque de fabrique qui séduit encore aujourd’hui les cinéphiles déviants. Dans Voici, on voit le président en jet-ski s’amusant comme un retraité texan ou un oligarque russe devant Brégançon, alors qu’il n’est partout question que d’incendies, de guerres, de sécheresse et de dévastations sans nom en comparaison desquelles les dix plaies d’Egypte vous ont des airs d’épisodes de « Candy ».
Ça tangue (c’est le cas de le dire) un peu dans les médias, les macronistes qui n’ont décidément peur de rien nous expliquent même que le jet-ski était électrique, ce qui est faux et ce qui vous a tout de même des airs d’excuse d’ado attardé : « Non, maman, je te jure, je fume pas : la preuve, j’avale pas la fumée. »
On serre les dents
Le plus gros problème, c’est que le 24 août, après s’être passé une serviette dans les cheveux et avoir retiré son gilet de sauvetage, le président se faisait exceptionnellement filmer en début de conseil des ministres pour tenir un discours promettant du sang et des larmes. Et de faire intervenir, dans son vocabulaire, deux mots charmants, qui riment et qui renvoient aux toiles de Watteau, genre départ pour Cythère : « insouciance » et « abondance ». C’est beau comme une allégorie. Et notre jet-skieur de nous dire que ces deux déesses, eh bien, elles vont se faire la malle à la rentrée plus vite qu’un fraudeur fiscal qui s’en va dans un paradis du même nom, et qu’il va falloir serrer les dents.
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Bien entendu, tout le monde sait que les Français, ces dernières années, ont vécu en folâtrant, semant à tout vent l’argent qui emplissait leurs poches, comme la regrettée disciple de Déméter qui ornait jadis les pièces de notre monnaie nationale. Ce n’était que jeux et ris au pays de Cocagne. Certains même, gardant leur bonne humeur devant leurs frigos vides le 15 du mois, décidaient un happening géant, tous en gilet jaune, sur les ronds-points. Sans compter que question insouciance, quel bonheur ce fut aussi, ces grandes vacances confinées pour cause de Covid.
Et on laisse partir les superprofits
Macron a quand même un problème qui est un peu plus qu’un problème puisqu’il s’agit d’un aveuglement hallucinatoire : il est définitivement hors-sol, drogué à l’indifférence et l’absence totale de sens politique. Son élection est fragile, par défaut ; sa majorité est très relative et les projets qu’il annonce, notamment sur un durcissement supplémentaire de l’indemnisation des chômeurs, sur la retraite à 65 ans, sur le RSA conditionné à vingt heures de travail (ce qui revient à faire payer par le contribuable une main d’œuvre à bas coût pour les entreprises), n’ont aucune adhésion dans l’opinion. Et ce qui achève de lui retirer toute légitimité de le faire, c’est qu’il se refuse obstinément, contrairement à nos voisins, à taxer les superprofits réalisés notamment dans le secteur de l’énergie par ce que Robespierre et ses amis du Comité de Salut Public appelaient les « accapareurs ». Rappelons que les dividendes versés par les entreprises atteindront un sommet en 2022 : 1 560 milliards selon le gestionnaire Janus Henderson avec une hausse de 6% mais, en France,… de 33 %.
Pourtant, une autre hypothèse est possible. Après tout, si l’on veut se faire l’exégète des propos présidentiels, peut-être nous prépare-t-il, finalement, à l’idée d’une société de la sobriété, d’une décroissance plus ou moins soutenable, d’un nouvel An 01 cher au regretté Gébé : « On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste » disait le slogan de la BD devenue un film culte de la contestation des années 70. Mais pourquoi a-t-on du mal à croire à cette métamorphose du jet-skieur bling-bling en zadiste churchillien ? Allez savoir…