N’en déplaise à la Macronie, la société ouverte et consumériste n’est pas celle que désirent les gens ordinaires, attachés aux liens familiaux, locaux, traditionnels. Le paradis diversitaire exalté par le fanatisme progressiste ne fait pas rêver la France profonde.
Emmanuel Macron n’a plus les mots, tant le réel lui échappe. Dans Le Figaro Magazine du 4 août, le chef de l’État a soudainement découvert l’urgence de « faire nation », comme on fait la tambouille : un cache-misère semblable au « vivre-ensemble », terme qu’il dit pourtant « ne pas aimer ». Or, comment faire nation sous la tutelle d’un président qui défend la souveraineté européenne, le consommateur remplaçable et qui récuse l’idée de préférence nationale ? Les progressistes de l’après-guerre se pensaient malins en s’affirmant « citoyens du monde ». Ils moquaient les ploucs attachés à leur patrie, leurs traditions, leurs morts. « Pétainistes ! », « Fascistes ! » : ces injures restent celles des perroquets du mondialisme heureux. Ils accablent ceux qui persistent à se réclamer d’une continuité historique et d’une défiance face à l’immigration musulmane de masse. Macron est de cette lignée hors-sol : il a voulu opposer universalisme et nationalisme, progressisme et populisme. Il se croyait porté par un mouvement de fond appelé à en finir avec les peuples enracinés et les nostalgies de la France sentimentale. Mais c’est une réaction inverse qui partout dans le monde se confirme, avec le réveil des nations et des souverainetés. Le réel oblige Macron à parler une langue qu’il ne maîtrise pas.
Une France éclatée est vouée à disparaitre
C’est pourquoi le recentrage présidentiel sur la nation est un leurre. Sa conversion fait écho à celle, aussi peu crédible, de Jacques Attali : après avoir fait l’éloge du nomadisme et de la société sans frontières, celui-ci affirme désormais, dans un entretien à Livre noir : « Il y a clairement une demande générale de sauver l’identité française.[…] Il faut à tout prix défendre la langue française et l’enseignement de la culture française. » Mazette ! Cela fait un demi-siècle que des lanceurs d’alerte enfoncent ces clous, en se faisant étiqueter « extrême droite » par les laborantins de l’homme technique et indifférencié. C’est Macron qui, le 28 août 2018, en visite au Danemark, récitait : « Le vrai Danois n’existe pas. Il est déjà européen. C’est vrai aussi pour les Français. » Faire nation ne veut rien dire dans la bouche de celui qui dit en même temps vouloir poursuivre « une politique de peuplement » et persiste à affirmer faussement, dans le même Fig Mag : « Nous avons toujours été un pays d’immigration et nous continuerons de l’être. » La France de Macron fait nation comme une pension de famille fait famille. Relire Bossuet : « Le propre de l’unité est d’exclure. » Une France éclatée est vouée à disparaître. Rien n’arrêtera son saccage tant que ceux qui la maltraitent resteront au pouvoir.
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N’en déplaise à la Macronie soutenue par la classe financière et le système technocratique, une société ouverte et consumériste n’est pas celle que désirent les gens ordinaires. Ceux-ci restent attachés aux liens familiaux, locaux, traditionnels. Ils sont réceptifs au bon sens et au pragmatisme. Le paradis diversitaire chanté par le progressisme exalté ne fait pas rêver la France profonde. Elle se sait fragile et craint pour sa survie. Le même cauchemar totalitaire d’un monde technique et indifférent à l’homme, qui a imposé ses effrayantes tyrannies au XXe siècle, se redessine dans le mépris porté à l’âme des peuples. Or c’est cette part intime, rejetée par les faux « humanistes », qui devient une donnée politique nouvelle en imposant l’identité nationale comme un sujet central. Michel Auboin, ancien préfet chargé de l’intégration, confirme ce sursaut existentiel: « Une majorité de Français qui partagent la même histoire forment la majorité silencieuse d’un pays qui feint de les ignorer[1]. » C’est à ces oubliés, ces dizaines de millions de « Français de souche », voués à être remplacés par des peuples exotiques, qu’il revient de prendre la parole pour dire d’où ils viennent, qui ils sont, et surtout, où ils ne veulent pas aller. En l’occurrence, ils refusent la contre-société islamisée qui s’épanouit sous Macron.
À dire vrai, Emmanuel Macron n’est pas le seul coupable. L’indifférence portée à la nation et à son peuple est une trahison partagée par de nombreux dirigeants, à commencer par ceux de la droite. Prononcer le mot « France » leur est encore une épreuve. En janvier 2003, Alain Juppé, président de l’UMP, trouvait moderne de proposer, pour les deux peuples, la double nationalité franco-allemande, en balayant les sentiments d’appartenance. En mai 2015, les fondateurs du parti LR expliquaient pour leur part : « Nous souhaitons nous appeler Les Républicains car nous défendons avant tout l’identité républicaine », déclaration commune de Laurent Wauquiez et Nathalie Kosciusko-Morizet. Alors à l’UMP, Bruno Le Maire déclarait à la même époque : « Je me battrai contre ceux de ma famille politique qui disent que la question identitaire est prioritaire. » Tirant le bilan de son débat sur l’identité nationale lancé en 2009, Nicolas Sarkory déclarait le 7 avril 2015,devant la commission exécutive de l’UMP : « Je n’aurais pas dû parler d’identité nationale, mais dire que je voulais défendre les valeurs de la République. » L’évocation de la République et de ses valeurs est un procédé de faussaire : il sert à ne pas évoquer la France, ses états d’âme et son déclin, de peur de faire le jeu de l’« extrême droite ».
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L’« initiative politique d’ampleur » annoncée par le chef de l’État passera à côté du sujet si elle doit persister dans une communication brouillonne appelant à l’ « apaisement » tout en écartant de l’« arc républicain »les mouvements politiques (LFI, RN, Reconquête, etc.) qui n’ont pas l’heur de plaire à la Macronie. Le pouvoir, isolé, doit accepter d’entendre les plaintes des Français oubliés, sommés de taire leurs inquiétudes existentielles au nom de la religion dévoyée des droits de l’homme. Rien ne serait plus révoltant, de la part d’un pouvoir se réclamant de la concorde et de la non-discrimination, que de chercher à étouffer encore davantage l’« homme réel ». Il est vrai que, derrière la menterie du « faire nation », s’observe une nation qui se défait.
[1]. Le défi d’être français, Presses de la Cité, 2023.