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Les fonctionnaires n’ont pas de privilèges

Macron (dé)construit la nation start-up


Les fonctionnaires n’ont pas de privilèges
Manifestation pour "défendre la fonction publique" à Nice, octobre 2017. SIPA. 00826964_000007

Le gouvernement compte supprimer 120 000 postes de fonctionnaires d’ici 2022. Un pas de plus vers la « start-up nation » d’Emmanuel Macron. 


Quand des gouvernements de droite dure sont au pouvoir, ils ont deux boucs émissaires pour faire oublier le creusement toujours plus grand des inégalités et le chômage de masse : l’immigré (ou le migrant) et le fonctionnaire. Ils sont convoqués tour à tour ou, selon les besoins du moment, de manière simultanée. C’est à cela que l’on pourra voir, malgré les habillages cosmétiques différents et les changements d’appellation que la droite dure est au pouvoir sans interruption depuis 2007. D’abord avec Sarkozy, elle a continué avec Hollande et s’est renforcée sous Macron. Car le gouvernement espère en vain que le « ruissellement », théorie magico-érotique du libéralisme tardif, qui devait inonder les pauvres grâce aux cadeaux faits aux riches, portera ses fruits.

Les fonctionnaires et la France: je t’aime moi non plus

Revenons à nos boucs émissaires. Pour l’immigré, la « circulaire Collomb » est un des textes les plus violents de ces dernières années au point que même quelque godillots LREM à l’Assemblée nationale s’en sont émus. Il restait le fonctionnaire. Eh bien la chasse est ouverte avec les annonces faites depuis le 1er  février. Le train de mesures annoncées pour en éliminer 120 000 serait mis en œuvre pour réduire la dette. Peu importe que la part des fonctionnaires dans la population active (20%) est largement supérieure au Danemark qui a pourtant une dette bien moins élevée que la nôtre, le macronisme ne s’embarrasse pas de la réalité quand la réalité le contredit.

Mais passons : en France, on a avec la fonction publique un rapport schizophrène. On déteste les fonctionnaires depuis Courteline mais c’est à la fonction publique qu’on s’en remet quand le pays va vraiment mal, et ce n’est pas un hasard si une des premières mesures gaullistes après la guerre est la création de l’ENA. Il est alors paru évident que pour redresser une France en ruine, il valait mieux faire confiance à une haute fonction publique dévouée au service de l’Etat et bien formée qu’à l’initiative privée pour remettre en marche la machine économique et raisonner sur le long terme.

Fonctionnaires de droit divin ?

Aujourd’hui, pour faire passer la pilule, on invoque une inégalité entre le public et le privé, notamment sur la question de l’emploi à vie. On fait passer pour un privilège ce qui devrait être la norme pour tous les salariés. Du coup, l’égalité selon Macron consiste à généraliser la précarité et à niveler par le bas. On fait semblant d’oublier dans le même temps qu’on n’est pas fonctionnaire de droit divin ou par héritage dynastique. Pour être fonctionnaire, il faut passer des concours, qu’on n’empêche personne de passer, si cette situation semble tellement enviable. Il faut croire que non, si l’on sent tient aux difficultés grandissantes de l’Education nationale ou de la police à recruter.

On oublie aussi que cet emploi à vie est une garantie de neutralité comme le fait de payer (relativement) correctement un fonctionnaire évite la corruption généralisée que l’on peut connaître sous d’autres cieux. De même que la rémunération au mérite, quoiqu’on en dise, a toujours existé, que les évaluations et autres inspections sont régulières et qu’à la fin d’une carrière, un fonctionnaire bien noté aura gagné jusqu’à un tiers de plus qu’un collègue moins efficace.

Balance mon fonctionnaire… mais pas ma Poste !

Alors on sort l’artillerie lourde des sondages comme celui commandé par Radio-Classique et Les Echos et relayé par Le Point.fr. On sait que les sondages, on leur fait d’abord dire ce que veut entendre le commanditaire. Ainsi, on apprend qu’une majorité de Français serait favorable aux mesures annoncées. Oui, bien sûr, tant que la réduction des effectifs ne vous touche pas directement et que ne disparaît pas dans votre commune une poste, une maternité, une école primaire, une crèche municipale, un bureau de poste ou une gare. Là, on voit les élus de tout bord, même de droite, monter au créneau en contradiction parfaite avec leur profession de foi. Même dans ce sondage, pourtant taillé sur mesure, des contradictions apparaissent : 43% pensent qu’il faut réduire leur nombre mais ils restent minoritaires (48%) à penser qu’il y en a trop.

Idéologiquement, une fonction publique réduite à l’extrême manifeste le fantasme d’un monde où plus rien n’échappe au marché –  la santé, l’éducation, les transports ou même pourquoi pas l’armée comme aux Etats-Unis où on trouve désormais autant, voire davantage, de mercenaires façon Black Water sur les théâtres d’opérations que de soldats professionnels.

La France rêvée de Macron ? Une start-up comme une autre. Mais reconnaissons-lui l’honnêteté de ne pas nous avoir pris en traître. Simplement, il ne faudra pas venir pleurer quand ce sera trop tard.

Messieurs les ronds-de-cuir

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