Vaut-il mieux un père « malgré lui » qu’un père absent ? Le président de la République semble penser que oui ! Emmanuel Macron envisage en effet d’instaurer un devoir de visite pour les pères dans les familles monoparentales. Pourtant, ce n’est pas à l’État de s’immiscer ainsi dans l’éducation de nos enfants, déplore notre directrice de la rédaction.
Dans un entretien à Elle où, par ailleurs, il rétropédale vaguement sur le cas de Gérard Depardieu, se soumettant à la meute qui ne lui pardonnait pas sa défense du comédien (il avait dit, on s’en souvient, que le comédien rendait fière la France), le président Macron a abordé un grand sujet, le devoir des pères…
« Quand il y a un père, il faut qu’il exerce tous ses devoirs. Que la maman, quand elle est dans cette situation-là, puisse exiger des visites régulières ; elle doit pouvoir s’assurer que le père est aussi auprès de l’Éducation nationale dans les réunions parents-profs, qu’il est partie prenante de l’éducation de l’enfant. C’est un devoir d’être parent, et c’est un devoir qui ne s’arrête pas au moment du divorce ou de la séparation », a déclaré le chef de l’État.
Passons sur le fait qu’il dit père mais « maman », terme qui devrait être réservé à l’usage privé. Passons sur le fait qu’Emmanuel Macron oublie tous ces pères privés de droit de visite par des mères et des juges légèrement abusifs qui considèrent que l’homme a toujours tort. À première vue, c’est un propos qui semble de bon sens. À l’évidence, les enfants issus « de familles monoparentales » (c’est l’expression polie pour parler de « mères seules ») risquent plus de basculer dans la délinquance ou d’avoir des difficultés à l’école. Comme il le dit, « le mieux pour les enfants, c’est d’avoir un père, une mère, une famille aimante ». Quel scoop ! Et ce serait vraiment super s’il n’y avait ni guerres ni maladies dans le monde…
Pourquoi cette ironie ? Parce que je n’approuve certainement pas l’idée présidentielle. D’abord, il est curieux de vouloir restaurer la figure paternelle quand on s’acharne par ailleurs à la destituer dans tous les domaines, à abolir toute verticalité – la PMA sans père étant l’aboutissement de cette logique. Surtout, derrière cette prétention du politique à se mêler de morale privée, il y a le rêve totalitaire d’un monde délivré du mal et du mâle. Dans le nouvel imaginaire, le mal et le mâle c’est un peu la même chose. Dans ce nouveau monde idéal, des gentils parents élèvent gentiment de gentils enfants. Ce monde merveilleux est un fantasme démiurgique.
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La loi peut obliger un ex à payer, elle peut sanctionner un homme violent ; mais elle ne peut pas obliger les pères et les amants à aimer ou bien se comporter.
Pensez-vous vraiment qu’un père qui verrait son enfant sous la contrainte lui serait bénéfique ? Admettons que ce soit mieux pour un enfant d’avoir un père et une mère. Et mieux pour la plupart des mères d’avoir un père à leurs côtés. D’abord, ce n’est pas toujours vrai, certaines préfèrent avoir une autre mère à leurs côtés et l’idée de la PMA pour les couples de femmes enthousiasmait Emmanuel Macron. Et il y a aussi des parents toxiques. Enfin, même si « un papa, une maman », comme on disait dans la Manif pour tous, c’est vraiment l’idéal, que faire, l’État va-t-il fournir un père/mari aux mères seules ? Cette prétention de faire le bonheur des citoyens dans le privé est folle !
Penser que l’État peut et doit réparer les maux de la vie, c’est justifier une intrusion permanente dans la vie privée. L’échec, le ratage, l’injustice sont le cœur de l’expérience humaine. C’est la loterie de l’existence. Le rôle de l’État c’est de garantir le contrat social en incarnant l’intérêt général. Certainement pas de nous épargner la peine de vivre.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio.
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