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Candidats En Marche: la vague qui venait de nulle part


Candidats En Marche: la vague qui venait de nulle part
Capture d'écran du site d'En Marche
Capture d'écran du site d'En Marche

Bien que 60 % des Français, selon les sondages, ne veuillent pas que le nouveau président ait la majorité, il y a peu de chances que la vague En Marche soit amortie au second tour des élections législatives, sur fond de résignation et d’abstentions encore plus nombreuses qu’au premier tour. Certains envisagent même que LREM rafle tous les sièges de la nouvelle Assemblée. Il est en tous les cas surprenant de voir que les candidats En Marche, inconnus pour la plupart, soient en tète aussi bien à Aubervilliers que dans le 7e arrondissement.

Ici, les électeurs de droite votent En marche pour se débarrasser des caciques de droite qu’ils ont trop vus. Là les électeurs de gauche votent En Marche pour ne plus voir des caciques de gauche trop usés. Les uns croient qu’En marche est une droite moderne, les autres qu’elle est une gauche moderne. Mais il y a fort à craindre que cette apparente convergence du vote de quartiers ou de régions de France que tout sépare ne recouvre un immense malentendu.

Malentendu sur les hommes (et les femmes)

Malentendu sur la qualité des hommes : les électeurs veulent donner un « grand coup de balai » à une classe politique qu’ils imaginent corrompue : place aux jeunes ! Rien ne laisse pourtant supposer que les nouveaux soient plus vertueux que les anciens. Les affaires que l’on signale ici ou là au sujet de certains, en sus de l’affaire Ferrand laissent craindre le contraire. Mais le crédit fait aux macronistes est tel que personne ne veut entendre ces signaux. Qui pourrait croire que, parmi 577 candidats recrutés çà et là, à la va vite, hors des cercles politiques et donc sans visibilité antérieure, ne se glissent quelques aigrefins ? En tous les cas beaucoup de médiocres. D’autant que l’adhésion à ce mouvement n’exige aucune conviction précise. Rien de commun avec la vague de 1959 qui avait subi l’épreuve de la Résistance ou à celle de 2002, longuement mûrie dans le giron des mandats locaux : celle-là vient de nulle part.

Au vu des exemples que l’on entraperçoit ici ou là, tout laisse penser que le niveau des élus de la nouvelle vague (ou tel grand mathématicien emblématique) sera très inférieur à celui des sortants, pourtant pas mirobolant lui non plus.  Beaucoup de candidats En marche, en tête au premier tour, refusent les débats de second tour de peur d’y perdre la face. Leurs prestations publiques sont souvent lamentables. A part quelques vieux chevaux de retour du centrisme comme Jean-Louis Bourlanges ou Marielle de Sarnez qui, après des années aux marges ont trouvé là une occasion inespérée d’émerger, la plupart des nouveaux élus n’ont pas d’expérience de la vie parlementaire. Cela promet de beaux pataquès. Ils s’y feront, dit-on, ce qui veut dire qu’ils sauront bien vite revenir aux ornières.

Malentendu sur les projets

On compare volontiers cette vague à celle qui avait suivi l’élection du général de Gaulle en 1959 ou de François Mitterrand en 1981. Mais De Gaulle savait ce qu’il allait faire. Mitterrand devait appliquer le programme commun de la gauche. A part la réforme du code du travail et la prétendue moralisation de la vie politique dont personne n’espère rien, et peut-être un peu plus tard la fort contestable procréation médicalement assistée (PMA) pour couples homosexuels, qui peut dire ce qu’on peut attendre de la nouvelle majorité ? Au vu du programme du nouveau président, à quelques mesures cosmétiques près, rien ne laisse pressentir autre chose qu’un quinquennat Hollande bis. Tout le contraire du renouvellement attendu. Peut-être beaucoup des nouveaux députés imaginent-ils pouvoir, par un changement d’« esprit », porter remède à l’immense malaise des Français. Mais que savent-ils des raisons de ce malaise ? Combien d’entre eux ont une connaissance assez fine de la chose publique pour en analyser les causes ? Le président lui-même l’a-t-il ?

Il est à craindre au contraire que, partageant de manière assez imprécise le souci de faire du neuf, la plupart ne soient prisonniers des archétypes idéologiques soi-disant modernes qui sont, dès qu’on les étudie un à un la principale cause des maux dont souffrent nos compatriotes ? Plus d’intercommunalité et de décentralisation alors que les maires et les contribuables en sont accablés ? Plus d’Europe pour résoudre le chômage et simplifier les réglementations ? Plus d’ouverture à l’autre pour prévenir le terrorisme ? On ajouterait plus de pédagogie pour résoudre l’illettrisme, si le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, n’avait pris quelques mesures de bon sens plutôt rassurantes dans ce climat de déraison généralisée où nous nous trouvons : retour au redoublement, au latin, aux classes d’élite dites bilingues – pas question en revanche de remettre en cause la méthode globale, la plus grande des folies. Mais précisément ces mesures montrent que seul est populaire et efficace ce qui apparaît rétrograde par rapport aux modes. Et il en est ainsi dans presque tous les domaines. Ce qu’attendent en réalité les Français : tout le contraire du macronisme. Macron ne réussira qu’en faisant de l’anti-Macron.

Neuilly et Saint-Denis, même combat?

Reste le malentendu sur les orientations sociales du nouveau gouvernement. On frémit à voir les masses de gauche (à ne plus confondre avec la classe ouvrière, la vraie ou ce qu’il en reste, qui vote à près de 50 % pour le Front national : toujours les « damnés de la terre ! ») se précipiter pour soutenir un gouvernement dont le seul projet immédiat sérieux est la réforme du Code du travail laquelle ne vise à rien moins qu’à abroger un siècle de progrès social. La grande devise de l’ultralibéralisme : « marche ou crève » ! Gageons qu’il ne faudra pas attendre pour que Neuilly et Saint-Denis cessent d’être en marche dans le même sens. Les malentendus sont fréquents en politique mais ils ne durent généralement pas longtemps.



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est essayiste.

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