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Emmanuel Macron de nuit…

Portrait d'un président insomniaque


Emmanuel Macron de nuit…
Emmanuel Macron le 21 janvier 2020 © Yoan VALAT / POOL / AFP

La France a connu des présidents omniprésents ; l’actuel locataire de l’Elysée veille tout le temps. Son insomnie fait partie de son personnage qui cherche coûte que coûte à se singulariser. Portrait d’un homme de pouvoir noctambule par Philippe Bilger.

Bien sûr, notre président est loin d’être inactif durant la journée mais la nuit est son royaume. Il nous le dit assez ou nous le fait savoir par son épouse ou ses conseillers les plus proches. C’est que pour lui aussi, ce mode d’existence n’est pas neutre qui dépasse la charge de travail imposant parfois une veille nocturne mais représente une pratique de pouvoir qui s’enrichit de l’obscurité et du silence. Quand l’ombre domine, la vulgarité et la transparence de la lumière ne sont jamais regrettées.

Se distinguer

Avec le sentiment voluptueusement sadique – comme on sait que la nuit abrite le président, qu’elle lui parle et stimule sa réflexion, ses desseins et ses jugements – de faire peser sur les autres la probabilité d’être sollicités à toute heure, de devoir réagir ou répondre dans l’instant, d’être contraints de se mettre à hauteur de cette insomnie singulière qui multiplie l’intimidation que le jour suscite déjà suffisamment.

Sans doute y a-t-il dans cette habitude la propension d’Emmanuel Macron de chercher à tout prix à se distinguer sur le plan politique comme pour le registre personnel… Il est parvenu à se faire réélire et il est aussi le président qui ne dort pas ou si peu et pour qui la nuit est la continuation du combat diurne mais sur un autre mode.

Avec l’opinion répandue qu’il est d’une incroyable résistance, nuit et jour. Rien de ce qui est atypique ne doit lui demeurer étranger. Je me reproche d’avoir fait un sort à certaines attitudes des présidents antérieurs alors qu’aujourd’hui je perçois que, par rapport aux siennes d’autant plus provocatrices que cachées par un classicisme de soie et de velours, elles relevaient de ruptures minimes par rapport à la norme.

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Emmanuel Macron n’a jamais eu peur de rien. De même qu’il a gagné haut la main, haut le coeur sa bataille pour se faire aimer de Brigitte Macron et vaincre, avec elle, toutes les conventions, de même en matière politique il se moque du qu’en dira-t-on et nomme par exemple tel ou tel ministre ou récompense telle autre qui a été battue, non pas pour le bien du pays mais pour satisfaire une image de soi qui doit le qualifier comme le maître incontestable de l’incongru et du surprenant.

La défaite relative de son camp aux élections législatives l’a moins gêné pour des motifs politiques – il saura toujours s’en arranger car je suis persuadé qu’il adore les défis et les complexités de la cuisine parlementaire – qu’à cause de l’inévitable limite qu’elle a mise à ses rêves de débordement, à ses aspirations pour l’inédit.

Le président ne croit qu’en lui et ne surestime pas les autres, c’est un euphémisme. Autant durant le jour une forme de sociabilité élyséenne et de courtoisie basique, masquant la crudité des appréciations, est obligatoire, autant, la nuit, dans le dialogue que prioritairement il entretient avec lui-même, il a tout loisir pour s’abandonner à ses pensées profondes, à sa lucidité amère, à son mépris probable, à son exaspération face aux obstacles que le jour lui impose, une retenue, une hypocrisie, une comédie que le Macron de la nuit rejette avec délices. Sa solitude est autant riche de promesses que de menaces.

La nuit porte conseil ?

La nuit est cette magique et troublante parenthèse qui lui offre cette exaltation toute-puissante de veiller et de surveiller un monde qui dort, de contrôler des existences à l’affût de ses signes, de se croire le gardien forcément respecté et intouchable d’une France qui le laisse tranquille et sur laquelle il peut fantasmer grâce à l’infinie liberté des songes.

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Les repères s’effacent, les frontières s’abolissent, la confusion est reine, les rêves et la réalité se chevauchent, les solutions les plus improbables, inconcevables, osent se présenter à l’esprit, Emmanuel Macron peut battre la campagne comme il l’entend et à discrétion.

Cette certitude d’être unique a été sa force et sa faiblesse. Parce qu’elle a magnifié ses qualités. Parce qu’elle a libéré ses défauts.

Je l’imagine, sans qu’il ait à faire le moindre effort, tout entier glissé dans son royaume et attendant le jour non pas tel un insomniaque malheureux mais comme un nostalgique de la nuit future.

Certes, on pourrait, au contraire, espérer un président tranquillement ordinaire, heureusement normal mais ce serait déplaire à Emmanuel Macron qui se moque d’être aimé mais poursuit avec constance ce double objectif : surprendre et faire ce qu’il veut car tel est son bon plaisir.

La nuit est un fabuleux banc d’essai.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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