Hier, lors de sa conférence de presse, le président Macron semblait dire aux Français qu’il faut arrêter la déconne maintenant… « Vous êtes des drôles ! » a-t-il lancé aux journalistes qui lui demandaient s’il était susceptible de démissionner ou de nommer Jordan Bardella à Matignon. Le chef de l’Etat entend faire des élections législatives anticipées une grande « clarification ».
Décidemment, la parole présidentielle n’imprime plus. Au point que la journée d’hier a vite classé au rang d’évènement insignifiant, la prise de parole d’Emmanuel Macron. Il faut dire que l’homme n’apprend rien du réel et que cette intervention était, une fois de plus, déconnectée. Le président venait dire qu’il avait entendu le pays, mais comme il le fait en recyclant des éléments de langage mille fois ressassés, toute sa prestation contredit son discours. Il ne peut plus mettre en scène une quelconque prise de conscience sans qu’elle ne renvoie à un autre sketch où il dit plus ou moins la même chose pour éteindre des feux qu’il a lui-même allumés. Cette accumulation de postures et de discours, dépourvus de toute réalisation conséquente, a tellement dévalorisé la parole présidentielle, qu’aujourd’hui l’attention se tourne vers les alternatives et que tous les scénarios deviennent crédibles. Et la question qui est finalement posée est bien celle de la capacité du président à se maintenir à son poste.
Panique à l’Elysée
Les listes n’ont pas été déposées pour les législatives, que déjà la pression est sur l’Elysée. On aurait pu donc s’attendre à ce stade à ce que la conférence du président de la République soit marquante. Après tout, s’il faut combattre à nouveau les ventres féconds d’où sortent les bêtes immondes, cette élection revêt une dimension épique et devrait tous nous interpeller. Mais le costume du nazisme et du fascisme apparait bien trop grand pour le RN actuel, et personne n’y croit plus. D’autant que l’on a vu le 7 octobre un exemple atroce de ce que la haine antisémite pouvait provoquer. Là, la violence fasciste n’était pas virtuelle. Eh bien la gauche a choisi de se rassembler autour du parti qui qualifie les tortionnaires qui ont commis ces horreurs de « résistants ». Les Français sont sommés de combattre un péril qui ne parait exister que pour permettre à des personnalités politiques, incapables de répondre aux attentes du pays, de conserver leurs postes et leurs pouvoirs.
Il faut dire aussi que la concurrence, hier, était rude, et que les adversaires d’Emmanuel Macron ont su saturer le champ médiatique. L’actualité avait bien plus croustillant à offrir aux téléspectateurs que la énième intervention trop longue d’un homme qui aime beaucoup s’écouter parler, même quand il n’a rien à dire. Couteaux tirés, exécutions sommaires, trahisons et coups bas, rebondissements inattendus… Oui : la vie politique nationale avait bien mieux à offrir à l’amateur de telenovelas qu’un dirigeant qui croit qu’en braquant les caméras sur lui, il tisse un lien avec le peuple. Comment lutter, face au vaudeville des LR, avec un Éric Ciotti, abandonné de tous et retranché dans ses bureaux après avoir viré tous les employés du siège ? Comment lutter, face à l’exécution d’Éric Zemmour par Marion Maréchal ? Lequel se retrouve lui aussi esseulé et retranché dans son QG… Comment lutter, contre la gauche qui fait disparaitre Raphaël Glucksmann de l’équation, pour expliquer toute honte bue, qu’elle va lutter contre le fascisme en s’alliant avec LFI, un parti à la dérive ?
Pour autant, quelques enseignements essentiels sont à tirer de cette intervention. Première remarque : notre président a arrêté de jouer au chef de guerre impétueux. Il a compris que ses discours autour de l’envoi de troupes en Ukraine et de participation à la guerre au sol inquiétaient les Français. Il a donc latéralisé la question de l’Ukraine. Ce qui était existentiel, il y a encore quelques jours, ne l’est plus. Autre point marquant, la tentative de faire d’une lame de fond, un simple incident de parcours. On assiste d’un côté à la montée d’un vote qui réclame que le pays reprenne son destin en main et demande aux dirigeants de protéger son mode de vie et son organisation sociale, le vote RN ; et de l’autre à la montée d’un vote communautariste et séparatiste, à dimension religieuse parfois, qui veut détruire les institutions et pour qui l’identité de la France est un repoussoir, le vote LFI, devenu celui de la gauche rassemblée. Il y a deux propositions de société qui s’affrontent en France. La contre-société portée par les islamistes et LFI n’est jamais évoquée, car c’est un repoussoir. Le projet de société qu’il porte est islamique et donc massivement rejeté. Voilà pourquoi la gauche mise tout sur la diabolisation du RN, cela lui permet de ne pas dire de quelle société elle compte bien accoucher. De l’autre, c’est un vote conservateur qui s’exprime. Les Français veulent conserver leur mode de vie et préserver leur contrat social. C’est ce qu’ils ont demandé à tous leurs dirigeants. Se sentant trahis par leur élite, ils se sont tournés vers le RN après avoir essayé tour à tour la droite, la gauche et la fusion technocratique des deux. C’est à ceux-là qu’Emmanuel Macron ne sait toujours pas s’adresser. Ces votes RN sont structurés par le sentiment que le bloc centriste, actuellement au pouvoir, évite de se confronter à cette scission sociale et ne choisit pas sa voie, alors que les deux propositions sont incompatibles et que l’alliance de LFI et des islamistes est une menace réelle pour notre société. Ce qui aboutit à fragiliser le contrat social et donne d’énormes marges de déstabilisation à ceux qui veulent le piétiner et ont commencé à le faire dans les écoles, à l’université, à l’hôpital, dans le monde du travail en général, mais aussi au sein des syndicats, des partis, d’associations… L’entrisme gauchisme et islamiste se voit, ses conséquences aussi ; demandez-le aux étudiants juifs par exemple. Mais dans le monde d’Emmanuel Macron, cela n’existe pas.
Démangeaison passagère ?
Ainsi le cœur du discours du président va s’organiser autour de cette assertion expliquant qu’il ne fallait pas confondre « l’expression d’une colère et la réponse aux problèmes du quotidien ». Comme si l’insécurité culturelle et sociale n’était qu’une démangeaison passagère. Avec Emmanuel Macron, on constate souvent ce curieux mélange de dramatisation et de recherche d’un ton complice en mode « il faut arrêter la déconne maintenant ». C’est un style de mépris assez original, puisqu’il consiste à considérer que le vote aux Européennes serait de l’ordre de l’enfantillage et pourrait être balayé d’un revers de main. Le peuple se serait donc défoulé, trouvant un exutoire dans ces élections, mais maintenant il faut redevenir sérieux. On est sur une élection nationale, un scrutin uninominal à deux tours, il faut rentrer à la maison et revoter Macron sinon ce sera le chaos. Le problème c’est que c’est la promesse qui est faite à chaque élection et à chaque crise. Or personne ne comprend encore comment Emmanuel Macron va répondre à des problématiques régaliennes et existentielles alors qu’il apparait de plus en plus comme un technocrate hors sol, incapable de donner consistance à un projet et à un horizon pour le pays.
Comme la gauche, il n’a pour seul viatique et seul discours politique, que la diabolisation de l’adversaire. Le pari est risqué. Mais il est jouable. D’abord parce que faute de programme et de projet, la gauche, le parti du président et LR n’ont d’autres choix que d’investir le champ de la lutte antifasciste et de « nazifier » le RN. Ils bénéficieront donc de l’amplification de cette logique par sa reprise sur différents terrains et par des bouches différentes. D’autant que chez LR, certains sont allés tellement loin dans la dénonciation de la démarche d’Éric Ciotti, qu’ils ne peuvent décemment abandonner le terrain de la lutte antifasciste. Le problème est que la posture devient de plus en plus ridicule et résiste mal aux faits. Elle est surtout remise en cause par un certain nombre d’électeurs.
Ceci étant dit, le chaos politique, au terme de ce qui est déjà un jeu de dupes et non un exercice de clarification, est une des hypothèses probables. Si le pari présidentiel de se constituer une forme de majorité élargie échoue, les autres hypothèses représentent un sacré saut dans l’inconnu. D’abord parce que si le RN arrive en tête, on ne voit pas comment, après avoir expliqué que c’était l’horreur absolue, le président accepterait de gouverner avec les rejetons du démon. D’autant que lorsque l’on dit « moi ou le chaos » et que les électeurs répondent : « OK pour le chaos », il est difficile de rester tant le désaveu est profond. Si on ressort avec une chambre ingouvernable, divisée en trois tiers, un tiers LFI et ses supplétifs, un tiers RN et un tiers « bloc centriste », le président sera à la fois impuissant, empêché et désavoué ; et la crise, patente. La pression sera alors maximale sur l’Elysée. La dernière hypothèse est la pire, c’est la victoire de LFI. Ce sera une victoire de LFI et non de la gauche car dans une coalition, c’est toujours le plus radical qui impose ses thèmes et ses manières. Le croupion PS et EELV n’est venu que pour sauver ses postes. Ils les auront et se tairont. Une victoire de LFI pourrait annoncer les débuts d’affrontements sociétaux importants. En effet, alors que la France a massivement basculé à droite sur des thèmes qui sont exactement à l’opposé des revendications de LFI, la division de la droite et l’affaiblissement du camp présidentiel amèneraient à une victoire en trompe-l’œil au parlement. Une victoire qui leur donnerait le pouvoir… mais aucune légitimité pour l’exercer et qui effraierait une bonne partie du pays. Sans compter une probable décompensation des quartiers islamisés. Car cette gauche-là n’a rien de populaire et lorsqu’elle parle des « quartiers populaires », elle fait référence aux banlieues islamisées, biberonnées à l’islam politique, à la haine du Blanc et qui accusent la France d’être complice d’un « génocide ».
La conférence de presse du président n’a pu que renforcer toutes ces inquiétudes. L’homme n’a pris aucune hauteur et a développé des propositions pour lesquelles il a démontré son incapacité à agir depuis sept ans. Sa sortie mal calibrée sur la laïcité en témoignait. Le tout en étant souvent dans l’outrance et le manichéisme concernant ses opposants. Il n’est même pas conscient qu’il fait partie du problème et que plus il parle, plus il exaspère. Le problème, c’est que le président a choisi de précipiter la crise alors qu’il n’y a quasiment aucune chance d’en sortir par le haut. Personne ne lui a donc dit que pisser sur une fourmilière n’est pas la meilleure manière de réguler l’activité de la structure et d’envoyer un message de protection à ses habitants ?
Elisabeth Lévy : « Emmanuel Macron est incapable de reconnaître ses responsabilités »
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