Une tribune libre de Jean-Frédéric Poisson, président de VIA (La voie du peuple).
Les fortes mobilisations qui accompagnent depuis plusieurs semaines le débat sur la réforme des retraites soulèvent une question vieille comme le monde : faut-il préférer une injustice à un désordre ? Faut-il laisser courir une réforme dont les partisans les plus convaincus peuvent au moins considérer qu’elle intervient à un moment inopportun pour les Français qui font déjà de nombreux efforts pour faire face à la crise ? Ou bien soutenir des manifestations avec leur cortège de violences et d’incivilités largement récupérées par l’extrême gauche ?
Une chose est sûre, les causes du désordre sont largement partagées. En effet, Emmanuel Macron ne pouvait ignorer les vives protestations qu’allait engendrer sa réforme des retraites. Il a souhaité la poursuivre malgré tout pour suivre la feuille de route que lui a dictée la Commission européenne en se réfugiant derrière son programme présidentiel. En effet, le recul de l’âge de la retraite était l’une de ses mesures phares aux élections de 2022. Pourtant, si les Français l’ont, certes, élu avec 58,55% des voix exprimées, 41,45% d’entre eux ont également voté pour Marine Le Pen, opposée à cette réforme. Par ailleurs, la réforme des retraites reste probablement l’une des mesures les plus controversées d’Emmanuel Macron, même chez ses propres électeurs, y compris chez certains députés Renaissance[1].
Envers et contre tout, notre président a souhaité poursuivre sa réforme et il tance maintenant les Français qui ont le culot de la contester dans la rue, après avoir court-circuité l’Assemblée nationale à grands coups de 49.3. Si le 49.3 est effectivement légal, car conforme à la Constitution, on peut s’interroger de sa légitimité lorsqu’il est brandi trop souvent, qui plus est pour imposer une réforme à la société qui la concerne dans son ensemble. Mais de la légitimité de ses actions à l’Assemblée nationale et au Sénat, Emmanuel Macron n’en a cure : il s’est contenté d’affirmer le mercredi 22 mars dernier lors d’une interview télévisée à 13 h que le processus parlementaire avait suivi son cours conformément à la loi.
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En conséquences de quoi, la rue est en ébullition, la contestation ne faiblit pas, des tonnes de déchets s’entassent dans toutes les villes tandis que les poubelles brûlent quand ce ne sont pas les mairies ou les véhicules de gendarmerie de Sainte-Soline[2]. Les tensions ne cessent de croître sans que le gouvernement ne dévie d’un iota sa trajectoire sur les retraites. Emmanuel Macron se remettra-t-il en cause pour autant ? Il ne semble pas ! Pour le moment, il se contente d’affirmer que le seul projet de l’opposition et de tous ceux qui s’opposent à cette réforme « c’est le déficit[3] ». Mais qui nous a menés à ce déficit ? Qui occupe le siège de l’Élysée depuis bientôt six ans ? De plus, il est faux d’affirmer que la seule alternative à cette réforme nous mènerait à la ruine puisqu’il existe d’autres moyens d’éviter la banqueroute sur le long terme à travers les leviers de l’emploi et de la natalité. En bref, les leviers qui permettent de jouer sur le nombre de cotisants plutôt que sur l’âge de la retraite. Or, sur ces deux volets, le bilan d’Emmanuel Macron est catastrophique.
Depuis qu’il est aux commandes de l’État, Emmanuel Macron a été un supplétif de Bruxelles et un agent du chaos : il a rabaissé les Français, les a molestés pendant l’épisode des Gilets Jaunes, les a enfermés pendant la crise sanitaire, pour les jeter à nouveau dans la rue avec sa réforme des retraites, non sans les montrer du doigt lors de sa dernière intervention en les comparant aux partisans de Donald Trump ayant investi le Congrès américain le 6 janvier 2021, voire aux sympathisants de Jair Bolsonaro, à l’assaut des institutions brésiliennes le 8 janvier dernier à Brasilia[4].
Provoquer le chaos pour mieux le dénoncer après : voilà une technique maintes fois éprouvée, mais qui ne lui fait pas honneur. Il ne faut pas se bercer d’illusion, si désordre il y a, c’est bien la Commission européenne qui en est l’instigatrice, et Emmanuel Macron qui en est l’exécutant servile. Une chose est sûre : à la fin, ce sont les Français qui paieront les pots cassés.
[1] « Retraites : les députés Renaissance qui ne voteront pas la réforme seront exclus du groupe », Le Figaro, le 07/03/2023.
[2] « Sainte-Soline: 4 véhicules de gendarmerie incendiés par les manifestants », BFM TV, le 25/03/2023.
[3] « Retraites: Emmanuel Macron veut que la réforme ‘entre en vigueur d’ici à la fin de l’année’ », BFM TV, le 22/03/2023.
[4] « ‘Factieux et factions’ : Macron ose un parallèle entre les manifestants et l’invasion du Capitole », Marianne, le 22/03/2023.
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