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Emmanuel Macron adepte du «au contraire» !

Le gouvernement abuse de la moraline pour dissimuler les échecs et même les scandales.


Emmanuel Macron adepte du «au contraire» !
Emmanuel Macron, le 23/11/22 / PHOTO: ELIOT BLONDET-POOL/SIPA / 01095126_000037

Le 23 novembre, Emmanuel Macron s’est adressé aux Maires de France, notamment sur la violence croissante. Quoique plein de sincérité, son idée de la situation absolument éloignée du réel rend ses déclaration faiblardes et inadaptées aux besoins du terrain.


Devant mille maires reçus à l’Elysée, le président de la République a voulu alerter sur la montée de la violence dans notre pays. Si j’avais le coeur à rire, je dirais que les citoyens comme les édiles ne sont que trop bien informés sur cette plaie sociale et démocratique.

Pour les maires, si les violences physiques sont restées à peu près stables (6 à 7 %), en revanche les insultes et les injures ont fortement augmenté.

Emmanuel Macron a prononcé un discours, dont je ne méconnais pas la valeur descriptive, qui analyse ce fléau de la violence qui est partout, touche de manière scandaleuse des personnalités qui ont été élues par leurs concitoyens et constitue aujourd’hui, contre tous les usages républicains, une déplorable manière de communiquer. Il attend et espère «une société du respect» et dans les prochaines années n’ambitionne rien de moins que de mener «un travail de civilisation». Et il a conclu par «nous ne céderons rien», coup de menton verbal et volontariste dont il a usé à plusieurs reprises et dont l’impact s’est considérablement émoussé, et bien davantage encore sur le plan de la fermeté régalienne et de l’autorité de l’Etat.

Dans ce domaine capital pour la tranquillité publique, la sauvegarde des personnes et des biens, la sûreté de nos concitoyens dans l’ensemble des lieux et des instants où la malfaisance frappe dorénavant, il y a longtemps que nous ne sommes plus dans le «en même temps» mais dans le «au contraire».

Sans doute vais-je offenser Emmanuel Macron mais il y a dans ses postures prétendues inflexibles quelque chose de François Hollande.

Sans doute vais-je offenser Emmanuel Macron mais il y a dans ses postures prétendues inflexibles quelque chose de François Hollande. Celui-ci était aussi très doué pour les commentaires d’une action qui ne suivait pas mais notre président a l’âme d’un philosophe et son ton se veut plus profond, noble jusqu’à frôler le ridicule avec «ce travail de civilisation» qui est une manière infiniment élégante de renvoyer aux calendes grecques la réussite d’une entreprise impossible à mener.

Ce n’est pas d’un «travail de civilisation» dont nous avons besoin mais d’un travail de répression partout, en tous lieux et sans s’abandonner à la perversion de tout pouvoir mal assuré : le deux poids deux mesures, la dureté facile avec les faibles, la lâcheté face aux forts.

J’ai conscience que cette perspective que je suggère avec déférence mais sans illusion a nettement moins d’éclat que la pompe des mots et l’irrésistible volupté d’enchanter un terreau factuel plus que maussade.

Il y a chez Emmanuel Macron un hiatus insupportable entre le verbe et le réel, qu’il soit appréhendé directement par lui ou indirectement par ses ministres. Je ne parlerais pas d’arrogance car je je le crois sincère quand il développe avec brio des banalités – ce qu’il a dit est en effet frappé au coin du bon sens et de l’évidence – mais il est incurablement sourd et aveugle à la réalité d’un pays qui vient à chaque seconde le contredire, victime de l’impuissance de bonnes volontés désarmées ou, pire, de l’indifférence d’autorités négligeant les angoisses de la communauté nationale.

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Mais est-il bien honnête de multiplier les «nous ne céderons rien», et très vigoureusement le 23 au soir devant des maires, quand il sait à quel point la digue a cédé, sous ses mandats, depuis longtemps – même s’il est aussi l’héritier d’infirmités présidentielles qui ont aggravé le bilan ? Je n’ose imaginer qu’on puisse délibérément leurrer le président sur l’état de la France et qu’il puisse prendre pour argent comptant les fictions des ministres et des courtisans. Il lui suffirait pour s’informer de suivre le parcours pathétique des tweets de Gérald Darmanin et ses réponses récentes aux questions à l’Assemblée nationale où il abuse de la moraline pour dissimuler les échecs et même les scandales.

Faut-il admettre que dans le partage des tâches entre le Président et le gouvernement, il s’agisse moins d’une logique constitutionnelle que d’un apaisement psychologique, le premier parlant et le second tentant de se débrouiller avec le réel, le premier rêvant et le second se chargeant de l’inutile, des affres de la France ?

En tout cas je ne me laisserais plus prendre aux charmes intellectuels du «en même temps». Je suis guéri : le poison du «au contraire» est trop violent pour que je continue à m’illusionner.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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