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Emmanuel Berl, premiers et derniers feux

Lectures et relectures d'été


Emmanuel Berl, premiers et derniers feux
Plaque apposée au n° 36 de la rue de Montpensier, Paris 1er. Source: Wikipédia, creative commons, Paris 16

Emmanuel Berl (1892-1976) est-il encore lu aujourd’hui ? On peut en douter et c’est dommage. Sauf peut-être par Patrick Modiano qui lui a consacré un livre d’entretiens, Interrogatoire. Berl s’est beaucoup intéressé à l’actualité, à la politique, aux idées et et rien ne vieillit plus vite que l’actualité, la politique et les idées.


Ce rejeton d’une famille de la grande bourgeoisie juive se retrouvera même, presque malgré lui, l’auteur de formules qui ont marqué l’histoire de France et pas pour le meilleur : « La terre, elle, ne ment pas », « Je hais ces mensonges qui vous ont fait tant de mal », « C’est le cœur serré que je vous demande de cesser le combat. » Berl fut en effet la plume de Pétain au moment de l’armistice et de la défaite. Il s’en voudra, cessera toute fréquentation avec Vichy dès 1941 et se consacrera pour l’essentiel à la rédaction d’ouvrages d’histoire et des textes autobiographiques.

La fumée des dancings

C’est ceux-là qui, à vrai dire, font mon régal et vers lesquels je reviens régulièrement pour y trouver une limpidité assez unique qui, à l’occasion, n’est pas sans rappeler celle de Chardonne : Rachel et autres grâces, Regain en pays d’Auge, Sylvia montrent que parfois, le français se met à ressembler à une rivière qui scintille au soleil.

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En 1925, Berl publie Méditation sur un amour défunt. Dans ce livre, Berl devient un Swann qui aurait connu les tranchées de 14-18. L’analyse psychologique à laquelle il se livre et qui retrace sur une dizaine d’années sa passion pour Christiane, une jeune fleur de la haute société catholique, il en ressent parfaitement la vaine gratuité : il faut dire qu’il évolue au milieu de grands blessés, de cocaïnomanes et de jouisseurs qui oublient la fumée des combats dans celles des dancings.

Essayer de comprendre l’amour est un plaisir d’esthète qui n’apaise en rien nos inquiétudes, à peine nos sens : « Nous disions des phrases qui disjoignent, nos deux corps rapprochés. » Et comme pour mieux souligner ce paradoxe d’une passion sans réponse, Emmanuel Berl, qui connaissait tout le monde, relate quelques entrevues houleuses avec Proust, avant d’aller errer tantôt à Nice, tantôt au Maroc.

Génération 25

Pur joyau de style et de lucidité, cette Méditation sur un amour défunt est aussi un livre d’une génération, celle de 1925 avec ses hommes encore jeunes qui commençaient à donner congé à des années décidément trop folles, alors que déjà, les nuages s’accumulaient à l’horizon : « Alors j’ai vu à une extase succéder une mécanique, et cette mécanique cesser même son mouvement. Elle ne produit plus en moi ni émotion ni actes. Mon amour est bien impassible, comme les autres cadavres. »

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