Avec 1% des émissions mondiales de carbone pour 2,7% du PIB planétaire, la France est plutôt vertueuse en matière climatique. Ce qui n’empêche pas le gouvernement de battre sa coulpe et le Conseil d’État d’exiger de meilleurs résultats.
On ne sait pas vraiment comment les Français perçoivent notre « vertu » ou notre « vice écologique ». Mais à lire les discours des médias et à entendre les leçons de morale des politiques sur le sujet, on finit par croire que la France est le cancre de service. L’unanimité politico-médiatique s’explique aisément. Le thème écologique ignore les frontières idéologiques. Et les politiques y voient le moyen de se faire une image exemplaire : « Aucun effort ne doit être ménagé pour sauver la Terre de la tragédie qui la menace », disent-ils tous en substance.
Plus encore, le Conseil d’État, dont les membres sont parmi les mieux placés pour connaître les faits et leurs conséquences, vient de prendre une décision inattendue – et scandaleuse. Répondant favorablement à la requête d’une commune de Vendée menacée de submersion, si le niveau des mers venait à s’élever, il a ordonné au gouvernement de prouver qu’il mettait tout en œuvre pour se conformer à l’engagement de réduction substantielle de nos émissions de carbone d’ici à 2030 prévu par l’accord de Paris. Et la « tribu » écologique de danser en rond en psalmodiant autour du totem de l’État[tooltips content= »Nicolas Hulot a salué un « pas de géant ». »](1)[/tooltips]. Une des plus hautes instances publiques, pilier de ce que l’on nomme l’État de droit, confère au discours écolo-dominant une légitimité supérieure.
L’ignorance au pouvoir
Pour commencer, comment un pays représentant moins de 1 % de la population mondiale pourrait-il « contribuer » substantiellement à l’émission, donc à la réduction substantielle, du CO2 scélérat ? Curieusement, les apôtres de la mondialisation, qui soulignent à l’envi que la France n’est même plus une puissance moyenne, semblent penser que, dans le domaine du climat, nous sommes un des principaux responsables du problème, donc un acteur majeur de sa solution.
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Nos émissions de CO2 représentent moins de 1 % du total mondial pour moins de 1 % de la population planétaire. On est tenté de conclure que nous ne sommes ni particulièrement vertueux, ni particulièrement vicieux. Cependant, notre PIB étant, lui, égal à 2,7 % du PIB mondial, cela signifie que nous émettons trois fois moins de CO2 que le reste de la planète en proportion de notre production. Autrement dit, si le monde entier parvenait à notre niveau d’émission, cela suffirait à diviser par trois le niveau global d’émission, baisse requise pour endiguer le réchauffement climatique. Et les professeurs de morale en seraient pour leurs frais.
Dans ce domaine comme dans bien d’autres, l’ignorance est au pouvoir. Ainsi, qui sait que la France fait partie des trois pays émettant le moins de CO2 pour produire leur électricité, avec la Suède et la Norvège, richement dotées en ressources hydroélectriques[tooltips content= »Ces données sont issues du blog de Philippe Murer, auteur de Comment réaliser la transition énergétique, paru aux éditions Godefroy en 2020. »](2)[/tooltips] ? L’Allemagne, présentée comme le pays le plus écologique d’Europe, vient très loin derrière nous : les centrales thermiques au charbon y produisent 38 % de l’électricité requise et une seule d’entre elles émet autant que toute la flotte aérienne intérieure de la France.
Les Verts sont au pouvoir
La performance française s’explique largement, hélas, par la désindustrialisation massive du pays, sous les coups de l’euro et de la politique d’enrichissement des actionnaires pratiquée par les managers des sociétés. Il y a aussi les nouvelles normes en matière d’habitat, les économies d’énergie des entreprises encore accrochées au sol français, la réduction lente de la consommation des véhicules, sans oublier, soyons honnêtes, la contribution modeste des éoliennes et de l’électricité solaire. Mais nous devons d’abord nos bons résultats à notre parc nucléaire, résultat heureux des chocs pétroliers. « Il faut s’accrocher au nucléaire », disait Raymond Barre, alors que le prix du pétrole flambait.
Raisonnons à partir d’un événement récent. Le 23 avril, un décret peu commenté a programmé la fermeture de quatorze centrales sur les quinze prochaines années. Toutes choses égales par ailleurs, ce scénario se traduirait par un accroissement de 40 % de nos émissions de CO2. Il faudrait recourir massivement au gaz, au prix d’une aggravation d’un déficit commercial déjà situé à son plus haut niveau depuis la guerre.
Autant dire que, grâce aux Républicains en marche et au gouvernement des juges, les Verts sont déjà au pouvoir, sans devoir en assumer les risques et les responsabilités.
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La France pourrait mieux faire encore : en relançant le programme de TGV, inexplicablement arrêté par Emmanuel Macron, en développant le ferroutage à fort retour économique et écologique, en mettant le paquet sur les véhicules à hydrogène, automobiles, camions, trains et avions comme les trois projets récemment dévoilés par Airbus.
Une remise en cause indispensable de la mondialisation commerciale
Resterait à financer ces efforts alors que notre État, en situation de banqueroute non déclarée, ne survit que sous la tente à oxygène de la BCE. La question de la monnaie unique ressurgit. Où serait le drame si nous pouvions obtenir, nous et nos partenaires européens, que 2 %, par exemple, des crédits budgétaires soient financés par la création monétaire pure de la banque centrale ; une solution simple et sans risque, infiniment plus efficace que le plan de relance européen lancé à grands coups de trompettes ? Une autre piste est à explorer, celle d’une monnaie « écologique » qui serait un instrument « ad hoc[tooltips content= »Voir Alain Grandjean et Nicolas Dufrêne, Une monnaie écologique, Odile Jacob 2020. »](3)[/tooltips] ».
In cauda venenum. Dans la queue est le venin. En réalité, seule une remise en cause de la mondialisation commerciale permettra une réduction décisive et non coûteuse des émissions de carbone. Les innombrables produits fabriqués par les entreprises occidentales dans les pays à faibles salaires représentent un coût écologique exorbitant. Il suffirait de taxer les produits en fonction du poids, du mode de transport et de la distance parcourue. Contrairement aux apparences, la chose est aisément faisable, les entreprises concernées le savent mieux que quiconque.
On pourrait ainsi, au nom d’une écologie bien pensée, taxer l’importation des futures DS9 et Citroën C5 à partir de la Chine et celle de la dernière Peugeot 208 à partir du Maroc, qui représentent des destructions d’emplois implicites. Mais les constructeurs préfèrent s’offrir une belle image en sortant des véhicules électriques beaucoup moins écologiques que ce qu’on croit[tooltips content= »Les batteries au lithium ne sont pas recyclables. De plus, la fabrication des moteurs électriques et des batteries produit plus de CO2 que celles des moteurs thermiques. »](4)[/tooltips] et ruineux pour les Trésors publics.
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