Que deviennent les hommes à l’heure où la révolution des mœurs – la révolution morale – souffle en tempête sur l’Occident?
On en revient toujours au même constat : dans les émeutes qui, parties des « quartiers », ravagent périodiquement nos villes, les casseurs sont des jeunes hommes, souvent des adolescents, de nationalité française pour la plupart, enfants issus d’une immigration originaire d’Afrique du Nord et subsaharienne, qui vivent dans des zones urbaines tournées vers elles-mêmes, minées par l’échec scolaire, les prédications islamistes et le trafic de drogue. Aucun racisme à rechercher dans cette observation. C’est un fait.
Ère du vide
Ces émeutes font l’objet d’analyses et de commentaires sans fin. Réaction normale devant des dérives aux ressorts si complexes qu’elles échappent à la compréhension, d’où l’extrême difficulté des pouvoirs publics à les juguler et l’impuissance à les prévenir. Du moins soulignent-elles, au-delà des explications et jugements habituellement avancés, quelques évidences, dont celle-ci : les émeutes mettent aux prises presque exclusivement des hommes. Casseurs d’un côté, policiers et gendarmes de l’autre. Sauf à la marge, les femmes sont absentes. L’archaïque division sexuelle impose sa réalité brute, reléguant dans les ténèbres les questions sociétales qui agitent au quotidien le landerneau politico-médiatique, revendications LGBT+, wokisme, racisme systémique, intersectionnalité des luttes, toute cette ébullition de minorités en mal de reconnaissance. Avec les émeutes ethniques surgies des « quartiers », on est dans le dur.
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Signe du caractère archaïque de la division sexuelle ici à l’œuvre, c’est au sein de l’immigration maghrébine et subsaharienne que se repèrent les tenants du patriarcat le plus rigoureux. C’est là qu’opère dans une toute-puissance sûre de ses droits légitimes l’assujettissement des femmes à la loi des hommes. Le conflit entre l’univers des émeutiers et celui de la société d’accueil régie par le principe d’égalité omni-sectorielle éclate dans sa simplicité radicale. L’abîme qui s’ouvre sous nos pieds se révèle sans fioritures. De là une première conclusion : l’affrontement des deux univers n’est pas près de finir. Les jeunes mâles originaires du Sud musulman n’en ont pas terminé avec l’affirmation d’une virilité musclée qu’ils reçoivent comme consubstantielle à leur identité. Aucune solution n’a été trouvée et ne sera trouvée dans les financements déversés, au nom d’une politique de la ville aussi dispendieuse qu’infructueuse, sur les territoires qu’ils ont conquis au bénéfice des narcotrafiquants avec l’appui des prêcheurs de haine religieuse, l’élection d’édiles complaisants et l’influence irresponsable des boutefeux d’extrême gauche.
L’affirmation virile débouche sur la violence comme substitut à l’effort d’intégration auquel refusent de consentir, ou qu’échouent à réaliser, les jeunes mâles issus du continent martyr, l’Afrique, confortés par les démagogues et les fanatiques dans leur statut de victimes. Ajoutons tout ce qu’on sait, l’effacement ou le discrédit des pères, le culte du fils-roi, les familles dépourvues du substrat culturel nécessaire à la réussite scolaire comme à l’appréhension des codes en vigueur dans la société française « de souche ».
Ce n’est pas tout. L’hypertrophie de la société du spectacle, sur le mode de selfies obsessionnels, conduit ces bravaches à se rendre visibles à n’importe quel prix. Chaînes d’info en continu, événements en continu, déluge de sons, d’images, d’émotions en continu, le phénomène d’affirmation virile, accentué par le mimétisme des « quartiers », obéit à la surenchère des impacts visuels. L’ostentation comme affirmation de soi fait l’économie de tout travail, donc du temps : immédiateté de la posture, triomphe du présentisme sur fond d’ignorance crasse, d’orgueil sans substance, de fierté fondée sur le néant. Consécration de l’ère du vide.
Déclassement
Les pillages accompagnés de brasiers annulent les limites entre les espaces privés et publics. L’appropriation impulsive insulte la loi tandis que les tirs de mortier fracassent les forces de l’ordre, faisant écho au pillage des corps féminins par la domination des jeunes mâles éblouis par leur propre arrogance, voiles et farouche pudeur imposés jusqu’au pire, la prostitution des filles perdues et le viol dans les caves.
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Qualifier de racaille les hordes de casseurs aggrave la situation. Le terme globalise des comportements qui réclament des approches différenciées au plan individuel. Le cas de Nahel M., « petit ange parti trop tôt » selon la ridicule formule de Kylian Mbappé, paraît exemplaire. Ce n’était pas un ange, mais pas un barbare non plus. Le Figaro : « Fan de rap et de moto, Nahel a été élevé seul par sa mère à Nanterre, et vivait dans une barre d’immeuble de la cité Pablo-Picasso, au pied de La Défense. Déscolarisé, il travaillait comme livreur et avait entamé un “parcours d’insertion” dans l’association Ovale Citoyen qui accompagne des jeunes par le sport et a noué un partenariat avec le club de rugby de Nanterre. » Nul doute que, mis à part les organisateurs du chaos et les crapules écervelées, bien des émeutiers correspondent peu ou prou à ce profil. C’est donc au niveau des individus qu’il faudrait traiter le problème avec de réelles chances de succès. Compte tenu du nombre, le remède relève évidemment de l’impossible. Reste, dans l’urgence, une répression policière et judiciaire à mener sans que la main tremble.
Ce que non seulement les émeutes, mais la délinquance endémique, y compris le trafic de drogue, disent des individus embarqués dans ces dérives semble ne concerner qu’une partie de la jeunesse. Cependant, elles expriment quelque chose du sort, chez nous, des jeunes hommes de toutes origines. Pas du sort des jeunes filles. Elles se situent sur une autre planète. Dépossédés des rites d’initiation qui, à l’instar du service militaire, les faisaient entrer dans l’âge adulte (au contraire des filles devenues femmes par les règles, seuil de la maternité), dépassés par le sexe féminin dans l’accès aux diplômes, en butte au chômage consécutif à la désindustrialisation forcenée depuis quarante ans, dévalorisés par le mépris des métiers manuels, privés de leur singularité genrée par un égalitarisme confondu avec l’abolition des différences sexuelles et sociales, les jeunes hommes de toutes origines subissent un déclassement dont les jeunes mâles du Sud présentent un concentré sauvage.
Défendre efficacement la cause des femmes oblige désormais à défendre celle des hommes. Ce n’est pas gagné, mais s’il est un enseignement à tirer des émeutes, celui-ci n’est pas le moins important.