Des violences finalement qualifiées d’ « injustifiables » par le président Macron ont émaillé la nuit dans les quartiers chauds à la suite de la mort du jeune de Nanterre tué par un policier mardi matin. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.
Il faut bien revenir sur la mort de Naël. Avant toute réflexion ou analyse, peut-être faut-il d’abord dire notre compassion. La mort d’un adolescent, c’est une vie qui n’a pas eu lieu, c’est évidemment terrible. Personne aujourd’hui, sauf les intéressés, ne sait ce qui s’est passé, même si avoir vu une vidéo nous donne l’impression contraire.
Ceci étant rappelé, cette mort et les émeutes qui s’ensuivent sont évidemment révélatrices des fractures françaises. Que voit-on ? Chacun a ses victimes. Kylian Mbappé nous parle d’un petit ange, alors qu’il ne s’est guère ému pour Lola. Et en même temps, beaucoup de gens indignés par le meurtre de Lola sont beaucoup moins touchés par le triste sort de Naël. Il y a une fracture politique. À une droite Lola / Annecy s’oppose une gauche Naël. Lola était le symbole d’une immigration incontrôlée, car la meurtrière n’aurait pas dû être en France. Pour les « Insoumis », Naël est l’emblème de la police qui tue. À cette fracture politique s’ajoute une fracture ethnico-culturelle. Hier, Marine Tondelier (EELV) affirmait sur Sud Radio que seuls des « racisés » (comme elle les appelle) étaient tués par des policiers. Désolé, c’est une fake news. En revanche, on se demande si les jeunes émeutiers qui prétendent venger Naël en brûlant des voitures auraient eu la même réaction pour Pierre ou Paul… Malika Sorel parlait hier dans Le Figaro de décomposition identitaire : derrière les violences, elle observe le « rejet d’une société dont [les émeutiers des quartiers] ne souhaitent pas respecter les lois ni les us et coutumes. » On est donc loin du seul cas de Naël.
Peut-on comprendre l’émotion ?
L’émotion, oui. La violence non. Les compréhensifs sont des incendiaires. En France c’est la justice qui sanctionne.
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Or, les plus hautes autorités de l’Etat piétinent allègrement la séparation des pouvoirs et la présomption d’innocence qui est au cœur de cette justice. Dans la même phrase, Emmanuel Macron dit qu’il faut laisser la Justice travailler mais que c’est « inexcusable ». En clair, le policier est déjà jugé. Elisabeth Borne déclare que le policier n’a pas respecté les règles. Mais, enfin, qu’est-ce qui lui permet de parler d’une enquête en cours ? C’est assez grave.
Le comble du ridicule, pardon, a été atteint avec cette minute de silence à l’Assemblée nationale. L’affaire de Naël est très triste, c’est peut-être une bavure ou un accident terrible (l’enquête le dira), mais il n’est ni mort pour la France, ni un héros. Une minute de silence est donc totalement démago. Et pourquoi fait-on ça ? Pour calmer le jeu. Le déterminant caché de notre politique pénale et sécuritaire dans cette affaire, c’est le chantage à l’émeute. Et nous y cédons. On se souvient par ailleurs que l’instruction de l’affaire Adama Traoré n’est toujours pas close, alors que le dossier est ficelé et qu’on n’a rien contre les gendarmes, parce qu’un non-lieu (qui serait logique) provoquerait une bouffée de violences. Dans le cas de Nanterre, c’est la même chose : on flatte ces jeunes qui cassent dans le sens du poil victimaire en suggérant qu’ils ont raison de détester la police. Le courage serait de leur rappeler que la faute éventuelle d’un policier ne leur donne pas le droit de lancer un seul caillou. Si nos gouvernants disent à la jeunesse des quartiers ce qu’elle veut entendre, c’est parce qu’ils ont peur. La lâcheté n’est pas une politique. La complaisance non plus.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
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