Le Brésil se réveille groggy, après l’insurrection de dimanche, place des Trois-Pouvoirs. En réalité, c’est un cadeau du ciel pour le président Lula, mal élu, et dont la presse mondiale oublie soudainement de rappeler tous les aspects sulfureux de la personnalité… Pendant ce temps, la purge des militants de droite s’organise. La correspondance de Driss Ghali.
On dit que le monde appartient aux gens qui se lèvent tôt, c’est faux, il appartient aux petits malins qui n’ont pas froid aux yeux. Le Brésil vient de nous en donner la plus brillante des illustrations. En l’espace de 48 heures, Lula a obtenu une attestation de virginité démocratique, reconnue par les plus hautes instances internationales. Il a suffi qu’une bande d’imbéciles, aidés par des policiers étrangement conciliants, s’empare de bâtiments vides à Brasilia. Aucune balle tirée, aucun mort, aucun otage, aucun communiqué, aucun manifeste, aucun objectif à part celui de déchirer des rideaux et de briser des vitres. Et bien entendu aucun leader. Drôle d’insurrection. Mais peu importe les zones d’ombre, le Brésil a eu son incendie du Reichstag et Lula son épiphanie ! Sur CNN Brasil, j’ai cru apercevoir des ailes d’ange se dessiner derrière son dos. Sur GloboNews, j’ai clairement vu une auréole sur son front, elle scintillait dans une couleur dorée.
Tout le monde fait semblant d’ignorer qui est Lula
L’ancien détenu pour corruption et blanchiment d’argent, le candidat préféré des délinquants, l’homme politique qui n’a pas levé le petit doigt lorsque ses adversaires étaient censurés et persécutés durant la campagne présidentielle, Lula donc s’est métamorphosé en défenseur suprême de la légalité. C’est comme si MBS s’auto-intitulait ambassadeur mondial de la cause LGBT après un attentat homophobe à Djeddah.
Le Brésil marche sur la tête. Et le monde avec lui parce que tout le monde fait semblant d’ignorer qui est Lula.
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Tous les dégâts que l’on vous a montrés à la télé ne valent même pas un millionième des dégâts infligés à la démocratie brésilienne par Lula et ceux qui l’ont sorti de prison. Que pèse une moquette souillée face à un État de droit brisé en mille morceaux ? Cela fait trois ans que la constitution brésilienne est piétinée par les juges de la Cour Suprême pour permettre le retour de Lula aux affaires. Non contents de l’avoir libéré de manière extrêmement cavalière pour ne pas dire scandaleuse, ils ont systématiquement dynamité la liberté d’expression au Brésil pour éviter qu’on ne lui rappelle ses quatre vérités. Ils ont inventé le délit d’opinion, supprimé depuis la chute de la dictature militaire en 1985 ; ils ont fait voler en éclats le principe de l’immunité parlementaire ; ils ont assassiné la séparation des pouvoirs, entre autres outrages à la démocratie. Le Brésil est devenu, en l’espace de trois ans, une république bananière. Avant, c’était un pays violent mais démocratique. Désormais, il s’agit d’un pays violent où la vérité est hors-la-loi. Pour se débarrasser de Bolsonaro, la Cour Suprême a habitué les Brésiliens à vivre sous un régime juridique où un trafiquant de drogue a plus de chances d’avoir un procès équitable qu’un journaliste de droite… À combien de dizaines de milliards d’euros estimez-vous les dommages portés à l’amour-propre des Brésiliens et à l’économie du Brésil ? Qui a envie d’investir dans une république bananière, à part les disciples de Pablo Escobar et quelques oligarques véreux ?
Je ne minimise pas les émeutes, mais…
Alors, le lecteur français me pardonnera quand je dirai que les destructions enregistrées à Brasilia dimanche dernier seront réparées dans une semaine, alors que les séquelles infligées aux Brésiliens pour permettre le retour de Lula ne sont pas prêtes d’être effacées. Il n’est pas question de minimiser les émeutes, il est question de reconnaître les véritables ennemis de la démocratie brésilienne.
Dans quelques jours, toute notre attention aura été rappelée par l’Ukraine et la crise énergétique. Les Brésiliens, eux, verront s’abattre sur leur pays une véritable campagne d’épuration. Déjà, un « camp de triage » a été mis en place aux alentours de Brasilia, il regrouperait un millier de détenus : qui les visite, qui les nourrit, qui défend leurs droits ? Pas Amnesty International en tout cas. Au diable les droits de l’homme après tout puisqu’il s’agit de gens de droite ! Ce sont des diables effectivement, et le malin n’a pas droit à la démocratie, il mérite le châtiment.
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Dans la foulée, les alliés de Bolsonaro seront pourchassés jusqu’à ce qu’ils fassent allégeance au système : il suffit de renier Bolsonaro comme on renie un démon qui vous a possédé quatre ans durant. Le Brésil verra donc défiler les Judas en cette année 2023. Bolsonaro, lui-même, risque de se retrouver derrière les barreaux, peu importe son degré d’implication dans les événements du 8 janvier. A priori, il n’y est pour rien mais la vérité importe peu dans un procès politique. Pour l’instant, il est en vacances aux États-Unis, on le dit d’ailleurs souffrant et hospitalisé. Sa fin de règne aura été crépusculaire, marquée par un silence de mort qui n’a fait que désespérer le peuple de droite. Il peut encore se ressaisir en se posant comme le résistant suprême à la campagne d’épuration qui vient. Son sort donc n’est pas jeté.
De toute façon, personne n’est prêt à prendre sa relève. Le Brésil est un pays curieux où le peuple de droite se compte par dizaines de millions mais où les leaders de droite brillent par leur absence. Manque d’ambition, déficit de préparation ou peut-être excès de lucidité. Ils savent à quel type de Bête ils ont affaire et ils savent également que seul un « fou » comme Bolsonaro peut se risquer à la combattre véritablement. À l’évidence, il n’a pas réussi. Mais, en politique, il ne faut jamais désespérer.
Français, ouvrez les yeux !: Une radiographie de la France par un immigré, Driss Ghali, éd. Broché, 240 pages, à paraître le 18 janvier 2023.
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