Zyed, Bouna, les policiers et la mosquée


Zyed, Bouna, les policiers et la mosquée

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(Avec AFP) – Le tribunal correctionnel de Rennes a relaxé lundi les deux policiers poursuivis pour non-assistance à personne en danger après la mort en 2005 à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) de deux jeunes, Zyed et Bouna, qui s’étaient cachés dans un site EDF. La présence des policiers dans le quartier faisait suite au signalement d’un vol sur un chantier de la commune.

« Je suis écœuré, déçu, dégoûté, les policiers sont intouchables », a lâché, furieux, Adel Benna, le frère aîné de Zyed en quittant la salle d’audience lundi.

A l’énoncé du jugement, des cris de colère ont fusé dans la salle. « C’est une honte », a crié une femme, dénonçant « dix ans d’impunité policière ».

« Les familles ne tourneront pas la page dans l’immédiat », a affirmé à la presse Samir Mihi, responsable d’une association de soutien des familles.

Celles-ci se sont isolées avec leurs avocats dans une salle après l’annonce du jugement, avant de quitter les lieux discrètement par une autre sortie pour éviter les médias.

Auparavant, Me Jean-Pierre Mignard, l’un de leurs deux avocats, avait qualifié la relaxe de décision « choquante pour les parties civiles ». « Nous allons faire appel », mais faute de pouvoir le faire au pénal, « l’affaire peut se rejuger sur le plan civil », a-t-il précisé, et « s’il le faut et si c’est nécessaire, nous irons jusque devant la chambre criminelle de la Cour de cassation ».

Le tribunal a rejeté dans ses conclusions la plupart des arguments apportés par les avocats des parties civiles dans ce dossier, rejoignant la position du ministère public qui avait requis la relaxe à l’issue de l’audience, tenue du 16 au 20 mars.

Le tribunal a considéré à l’examen des faits que ni Sébastien Gaillemin, le policier présent sur les lieux, ni Stéphanie Klein, qui était au standard de la radio, ne pouvaient avoir « la conscience claire et réelle d’un péril imminent » concernant les jeunes, a expliqué le président, Nicolas Léger.

« C’est ce que la défense soutient depuis le début », a réagi Me Daniel Merchat, l’avocat des policiers qu’une enquête interne avait déjà innocentés.

Lors d’une course-poursuite entre jeunes et policiers, Sébastien Gaillemin, gardien de la paix affecté à l’époque à la police de proximité, avait vu deux « silhouettes » enjamber un grillage délimitant un cimetière, et pénétrer ainsi dans un petit bois dans lequel, cinq mètres plus loin, un mur interdisait l’accès au site EDF.

« S’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau », s’était-il alarmé sur la radio de la police, à l’écoute de laquelle se trouvait sa collègue Stéphanie Klein, alors policière stagiaire, accusée elle aussi de ne pas avoir réagi.

A l’issue de la course-poursuite, trois adolescents étaient entrés sur le site EDF où, à 18h11 ce 27 octobre 2005, Bouna Traoré, 15 ans, et Zyed Benna, 17 ans, sont morts électrocutés, près de 30 minutes après le départ des policiers.

Ils avaient escaladé une porte pour se cacher dans un local en béton abritant une réactance, dispositif très dangereux, comme le signalait un message d’avertissement installé sur le côté du local. Seul leur camarade Muhittin Altun, 17 ans, en avait réchappé, brûlé sur 10% du corps.

Le soir du drame, des jeunes des quartiers environnants s’en étaient pris aux forces de l’ordre et aux sapeurs-pompiers. Mais à la suite d’une rumeur – démentie depuis – affirmant que la police aurait fait exploser des grenades dans la mosquée de Clichy, les banlieues de toutes les grandes villes françaises s’étaient enflammées pendant trois semaines, et le gouvernement avait dû décréter l’état d’urgence.

Pour le maire PS de la ville lui-même, Claude Dilain, « c’est à partir de ce moment-là que les émeutes se sont généralisées à la France entière. »

Revenant sur cet épisode qui aurait donc mis le feu aux poudres, en cette période de ramadan, des policiers ont en effet confié être « tombés dans un traquenard ». Selon eux, les émeutiers les ont sciemment piégés : « Rien ne laissait penser que c’était une mosquée. Or, des jeunes, qui étaient à proximité du bâtiment religieux, ont jeté des projectiles sur la police lorsque celle-ci faisait sa ronde »

Lundi, après l’annonce du jugement, le calme régnait à Clichy-sous-Bois. « Aucun incident » n’était signalé en début d’après-midi, selon une source policière.

Deux syndicats de policiers, UNSA et Unité SGP Police-Force ouvrière, se sont déclarés satisfaits de la relaxe de leurs collègues.

*Photo : © ARCHIVES/AFP/Archives Joel Saget.



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