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Elvis: le roi est mort, vive le “King”!

"Elvis" de Baz Luhrmann, en salles


Elvis: le roi est mort, vive le “King”!
Les acteurs Austin Butler et Olivia DeJonge du film "Elvis", à Cannes, 26 mai 2022 © JM HAEDRICH/JP PARIENTE/SIPA

Au cinéma, un film biographique magistral sur l’icône culturelle majeure du siècle dernier


Elvis, c’était comme un Dieu vivant ! Avant lui, il n’y avait rien. Il donna naissance au rock’n’roll, cette nouvelle religion qui bouleversa la seconde moitié du XXème siècle, et qui laissa une bonne partie de ses prophètes et adeptes sur le carreau. 

Le réalisateur Baz Luhrmann a donc osé s’attaquer à la genèse du rock’n’roll avec le biopic “Elvis”, l’histoire de ce petit garçon de Tupelo, Mississippi, à l’enfance misérable et marquée par la mort à la naissance de son frère jumeau Jessie Garon, et qui deviendra le mythe que nous savons. Dieu sait si l’exercice du biopic est difficile, et il y aurait eu mille façons de raconter cette histoire. L’angle choisi par Luhrmann est donc celui des rapports ambigus que le King entretenaient avec le fameux Colonel Parker, son impresario, qui l’a créé, mais aussi en partie détruit. 

Austin Butler et Tom Hanks convaincants

Le pari est réussi. Austin Butler, en Elvis, est convaincant. Il n’en fait pas des tonnes, il est Elvis sans l’être, car incarner une icône qui appartient à tout le monde est impossible. Quant à Tom Hanks, il campe un Colonel Parker inquiétant de fausse bonhommie. Ce personnage est nimbé de mystère. Il se fit appeler Tom Parker, alors qu’il était originaire des Pays-Bas, qu’il avait fui, car il aurait assassiné une femme. Il a débuté comme bateleur de foire, et bateleur il l’est resté toute sa vie, navigant entre le vrai et le faux, brouillant les cartes, tout en réussissant à créer le plus grand mythe de la culture populaire. Cela est rendu de façon intelligente dans le film. La scène où il propose sa collaboration à la star naissante, comme un pacte faustien, est filmée dans un palais des glaces. Et le cirque peut commencer. 

Dans les premières scènes, le petit Elvis, blond et maigrichon, se regarde devenir le King. Chacun sait qu’il apprit à chanter à l’église, ses parents étant de fervents pentecôtistes. Mais la révélation fut pour lui le blues et le gospel, car il vivait, à Memphis, dans des sortes de baraquements en partie réservés aux noirs. 

On voit l’enfant Elvis qui assiste à des messes qui se situent entre le gospel et les rites vaudous, où il rentre dans des sortes de transes, et là nous comprenons tout. D’ailleurs, un révérend lui dit : « Quand quelque chose est trop difficile à dire, chante-le ». Et c’est ce qu’il fit toute sa vie, avec sa voix surnaturelle, qui le portait et le dépassait, comme si un Dieu avait fait de lui un Élu.

Une terrible déchéance

Deux mois avant sa mort, en juin 77, il donne un dernier concert. Il entame « Are you lonesome tonight », ravagé, bouffi, oubliant son texte, pathétique et magnifique. Car la voix est toujours là, intacte et bouleversante, et nous comprenons que c’est elle qui le maintient encore en vie. Lorsque la pression devenait invivable, au faîte de sa carrière, que le Colonel voulait lui imposer de devenir un « autre Elvis », au déhanché moins provocant et aux costumes moins extravagants, à briser son pacte avec le Diable en somme, il revenait aux sources et allait chanter dans les clubs réservés aux noirs sur Bill Street à Memphis. Le King venait y retrouver le jeune homme qui enregistra son premier disque pour l’offrir à sa mère. 

Le film commence et se termine au son de « Suspicious Minds », sublime chanson qui donna lieu à une des plus folles performances de l’histoire du rock’n’roll. C’est à Vegas, au début de cette délirante série de concerts organisée par le Colonel – un jackpot pour lui, un enfer pour Elvis. Nous le voyons donc dans ce costume blanc à franges, dans lequel n’importe qui aurait été ridicule. Mais lui est comme une apparition, il est comme possédé, en transe, comme lorsqu’il était enfant à l’église gospel de Memphis. Dans ce temple de l’illusion et du faux qu’est Las Vegas, Elvis, paradoxalement, retrouve enfin sa vérité. 

« We’re caught in a trap, we can’t walk out » (nous sommes pris au piège et ne pouvons nous en sortir) dit la chanson. Le 16 août 1977, le piège se referma sur Elvis, il ne résista pas à la folie du Colonel qui fit de lui sa marionnette, ni aux amphétamines qui le rendirent fou et paranoïaque. C’était devenu trop difficile, et il ne réussissait plus à le chanter. 


En salles depuis le 22 juin.




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est enseignante.

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