Le patron de X a fait de son combat pour la liberté d’expression un bras de fer politique en attaquant des gouvernements de gauche (Australie, Brésil, Angleterre) et l’Union européenne. Accusé de trafiquer l’algorithme de sa plateforme pour diffuser sa bonne parole, ce qui reste à prouver, il se livre surtout à un numéro d’ingérence.
« Un milliardaire arrogant », « un fieffé menteur », « le troll », le soutien d’« une internationale réactionnaire », « Fuck you ! ». Voici quelques commentaires qu’Elon Musk a inspirés respectivement à Anthony Albanese (le Premier ministre australien), Thierry Breton, Olaf Scholz, Emmanuel Macron et à la femme du président brésilien, Lula. Musk, lui, sur sa plateforme X, a qualifié les autorités australiennes de « fascistes d’extrême gauche », Alexandre de Moraes, le président du Tribunal suprême fédéral au Brésil, de « Dark Vador », Scholz d’« idiot incompétent » et Breton de « dictateur de l’Europe ».
Ces amabilités sont la conséquence de ce que le propriétaire de la plateforme X prétend être son grand combat pour la liberté d’expression. Les échanges prennent une forme aussi hyperbolique parce que, au milieu du charivari des réseaux sociaux, seuls ceux qui crient fort sont entendus et deviennent influents. Pour être « amplifié » par un algorithme, c’est-à-dire reposté suffisamment de fois pour devenir viral, un post politique doit souvent susciter un faisceau d’émotions fortes – indignation et mépris à l’égard d’un adversaire dénoncé, jouissance face à sa déconfiture imaginée… Il règne en ligne une concurrence féroce pour attirer l’attention générale. Si Musk défend la liberté d’expression sur son réseau, il montre par son insolence comment exploiter cette liberté. Ou plutôt, il semble vouloir exploiter cette liberté pour le compte des autres. Quand, le 6 novembre, il annonce la fin du règne des médias traditionnels en déclarant à ses plus de 214 millions d’abonnés, « Vous êtes les médias maintenant », en fait c’est lui, le gros poisson aux posts viraux, le richard capable de tenir tête aux grands de ce monde, le pote de Donald Trump, qui entraîne les autres, les petits, avec lui. Car son combat pour la liberté d’expression véhicule un combat politique. Au cours des dix dernières années, la liberté de parole est devenue la grande cause de la droite, face à la gauche qui promeut la cancel culture et accuse ses adversaires de répandre des fake news et des théories du complot. Ainsi, Musk se présente-t-il comme le défenseur des peuples occidentaux contre le poison idéologique de la gauche. À ce titre, il se permet des ingérences scandaleuses dans les affaires gouvernementales d’autres pays.
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