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Elon Musk, les « Messieurs propres » et nous

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Elon Musk, les « Messieurs propres » et nous
Elon Musk © CraSH/imageSPACE/Sipa USA

Macronie et gauches réunies ont effacé l’expression de l’exaspération française. Le RN s’est vu privé des postes qui lui revenaient à l’Assemblée et l’indésirable droite a assisté au tour de passe-passe qui a permis la réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir. Si l’on veut nommer la chose, c’est un déni de la démocratie.


Elon Musk n’aurait pas dû. Répliquant, le 12 août, à une injonction du commissaire Thierry Breton qui le sommait de se plier au nouveau code de modération européenne sur son réseau X (ex-Twitter), le milliardaire a envoyé paître le pandore de la pensée autorisée. S’appropriant une réplique de Tom Cruise dans Tonnerre sous les tropiques, Musk a posté : « First, take a big step back and literally fuck your own face ! » (« Tout d’abord, faites un grand pas en arrière et littéralement baisez votre propre visage ! »). Bref, il a dit à Breton : « Va te faire foutre ! » Musk n’aurait pas dû. Pourtant, il se pourrait que des Français à leur tour, excédés d’être rappelés à l’ordre par les Messieurs Propres d’un système qui se déglingue et se cabre, n’aient plus envie non plus de se taire. Les atteintes à la liberté d’expression, soumise aux censures des clercs d’en haut et aux oukases des minorités d’en bas, sont devenues folles. « Les gens ordinaires en ont marre de se faire donner des leçons par des tartuffes », analyse Christophe Guilluy (L’Express, 10 juillet). Le géographe voit s’aggraver le choc entre métropoles privilégiées et périphéries délaissées, entre Métropolia et Périphéria. Mon camp reste sans réserve celui de Périphéria. Ces mal-aimés sont appelés par l’histoire. Ils ont à récupérer leur place, confisquée par une caste d’eunuques prosélytes, brutaux faute d’être convaincants.

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Gérald Darmanin aurait-il pressenti la force explosive de cette colère populaire encore partiellement enfouie ? À peine était-il devenu membre d’un gouvernement démissionnaire après l’échec de son camp aux législatives que le premier flic de France se précipitait devant les caméras, col ouvert, pour théoriser son « sans-cravatisme », avatar boulevardier du sans-culottisme révolutionnaire. Dans le JDD du 21 juillet, le révolté de la 25e heure expliquait ainsi son rejet de la cravate : « Ce bout de tissu est devenu pour beaucoup de Français le symbole d’une élite à laquelle ils ne s’identifient plus au point parfois de la haïr. L’élite a fait sécession depuis plusieurs années. » Rien de faux dans cette analyse de la rupture, faite par d’autres depuis des décennies. Sauf que Darmanin, depuis, s’est gardé de protester contre les assauts clabaudeurs de son gouvernement contre les électeurs coupables de voter RN ou LFI. Quand une part importante de la classe moyenne est exclue du cercle politique par des partis désavoués par les urnes, qu’est-ce d’autre qu’un déni de démocratie ? La météo politique s’annonce, dès septembre, tempétueuse. Le vieux monde a entamé sa chute.

Le mur qui sépare les élus des réprouvés ne peut que s’effondrer si la classe politique persiste à ne rien comprendre du dégoût qu’elle suscite auprès de ceux qu’elle rejette. Enlever sa cravate en guise de contrition est un artifice grossier. La peur du peuple, quand ce dernier n’obéit plus aux culpabilisations morales des « élites » mondialistes et immigrationnistes, est à la source des fautes accumulées, depuis les gilets jaunes, par le pouvoir arrogant et inquiet. Emmanuel Macron, plutôt que d’analyser sa déroute, a voulu voir sa victoire personnelle dans l’échec relatif, le 7 juillet, de Jordan Bardella à l’issue du second tour des législatives. Depuis, observer l’acharnement que met l’Élysée et ses relais à tenter d’ensevelir, jusqu’à l’étouffement, la montée de l’électorat RN-Ciotti fait penser à cette réflexion de Marx à Engels, dans une lettre de 1870, à propos des répressions de 1793 : « La Terreur, c’est la bourgeoisie qui a chié dans ses culottes[1]. » Toute proportion gardée, une même trouille de perdre son hégémonie pousse l’ancien monde morbifique à persécuter la droite populaire et réactive, qualifiée d’« extrême droite » pour mieux la noyer. Il y a, oui, une pente fascistoïde en France. Mais elle s’observe dans le « progressisme » aux abois, prêt à tous les coups bas pour survivre.

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Ainsi, le jeu de l’été a été, pour l’État en sursis, de faire disparaître l’expression de l’exaspération française, vue comme une humeur peccante. Premier parti de France, le RN s’est tout d’abord vu privé, par l’Assemblée liguée, de postes qui lui revenaient par l’usage (deux vice-présidences, un poste de questeur). Puis l’indésirable droite a assisté au tour de passe-passe de ministres-députés qui ont fait réélire Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée en dépit de la séparation des pouvoirs qui aurait dû les empêcher de voter. Les damnés de la Macronie ont entendu le Premier ministre fantôme, Gabriel Attal, appeler le 13 août à un « pacte d’action pour la France », excluant le RN et LFI, soit près de la moitié de l’électorat. Entre-temps, les téléspectateurs coupables de suivre C8 et NRJ 12 ont appris, le 24 juillet, sous les hourras de la gauche, que l’Arcom avait décidé de ne pas renouveler les fréquences de ces chaînes trop populaires. Le 27 juillet, les médias ont salué à l’unanimité la « grandiose » (Ouest France, Libération) et « époustouflante » (Le Parisien) cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques transformée ici et là en propagande pour l’homme nouveau, universel et métissé. L’obsession d’une poignée de militants de gauche adoubés par le gouvernement a été d’y concevoir un « anti-Puy du Fou » aux fins d’enrager les conservateurs. Tout ceci en violation de l’article 50-02 de la charte olympique du CIO : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. »

Devant ces coups de force d’un camp du Bien enragé, les questions qui se posent sont celles-ci : les ruraux dans la mistoufle, sensibles « à la nostalgie des pays labourés » (Jules Renard), sauront-ils réagir et se défendre ? Périphéria aura-t-elle la force mentale qui, seule, lui permettra de se libérer de la pression idéologique des déracineurs en perdition, qui ont mobilisé propagandistes et lyncheurs pour tenter d’assurer leur pérennité par la schlague, quitte à piétiner la démocratie ? Les parias sauront-ils chasser leurs maltraitants ? Oseront-ils la (regrettable) grossièreté de Musk ? Pour eux, il n’est plus l’heure d’être polis.


[1] Cité par Jean Meyer, en préface de Le Génocide franco-français : la Vendée-Vengé, de Reynald Secher, PUF, 2001.

Septembre 2024 - Causeur #126

Article extrait du Magazine Causeur




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Journaliste, éditorialiste, essayiste. (ex-Le Figaro, CNews, Causeur)

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