Tout semble réussir au patron futuriste de Tesla, Space X et Twitter! La nouvelle capacité à réutiliser des fusées super-lourdes, dont a fait preuve Starship le 13 octobre, a éberlué le monde entier. Au grand désespoir des contempteurs de Musk, le fan de science-fiction étant aussi un soutien inconditionnel de Donald Trump…
On pouvait croire être entré par effraction dans le rêve fou d’un enfant qui ne le serait pas moins. Ou embarqué dans la séquence hallucinée d’un jeu vidéo avant-gardiste. Un corps de fusée de soixante-dix mètres de haut s’en revenant de l’espace tout feu tout flamme, passant d’une vitesse de quelque six-mille kilomètres / heures au pas d’un piéton, corrigeant l’angle d’approche pour venir, telle une amoureuse transie, se lover dans les bras articulés du bon géant qui, patiemment, n’attend qu’elle sur le plancher des vaches. Tout cela réalisé à la seconde près.
L’enfant à l’imagination allumée en rêvait sans doute en feuilletant ses illustrés de science-fiction. Elon Musk, lui, l’a fait.
Sous nos yeux, nous assistions donc ce dimanche 13 octobre à une phase authentiquement historique de l’épopée spatiale. Un pas de géant qui a laissé sur place ses concurrents les plus en pointe, la Chine, la Russie. Mais aussi l’Europe qui, avec Ariane et ses récentes déconvenues, semble avoir quelque peu perdu de fil de cette odyssée quasi prométhéenne. En avril, pour la mise en orbite de Galileo, le système satellitaire censé garantir la souveraineté européenne des applications GPS, Ariane 6 étant portée pâle, il fallut se résigner à aller toquer à la porte de Musk et embarquer le bazar à bord de son engin. Souveraineté un brin écornée de ce fait, on en conviendra.
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Avec Starship, Musk invente donc la fusée qui devrait réjouir jusqu’aux écolos les plus sourcilleux, la fusée durable et solidaire. Durable puisque réutilisable, et solidaire, comme nous venons de le voir. En outre, elle présente l’atout remarquable entre tous d’être la plus puissante jamais construite. Tant qu’à faire, on fait, telle est la règle chez les Musk et frappadingues de cet acabit.
De toute évidence, il faut bien l’être quelque peu, frappadingue, pour oser se lancer dans de telles aventures, d’y consacrer sa vie entière. Des aventures à peine envisageables pour un État qui ne serait pas une superpuissance, et combien moins encore pour un simple individu. Nous sommes là dans le domaine réservé des têtes folles, celles dont l’impossible est le terrain de jeu privilégié et pour qui le déraisonnable est la raison ordinaire. La vieille Europe, la France à bout de souffle en manqueraient-elles ?
Musk lui-même revendique sa différence, ne faisant pas mystère d’être porteur du syndrome d’Asperger. « Je sais bien que je dis ou je poste des choses étranges, mais c’est la façon dont travaille mon cerveau », confesse-t-il. Non sans une certaine complaisance, une certaine ostentation, car l’homme aime le paraître, la mise en scène chic et choc. Il a cela en commun avec un autre frappadingue de génie, Nikola Tesla, sous le parrainage de qui il a placé sa marque d’automobiles, lui donnant son nom. Ce découvreur, ce visionnaire lui aussi des plus prolifiques en son temps – plus de trois cents brevets à son actif – donnait volontiers dans l’exubérance, voire la provoc’. Cela agaçait beaucoup. Tout comme Musk agace. Il exaspère d’autant plus que, figurez-vous, dans la présente campagne des élections présidentielles américaines il pousse le bouchon de l’inconvenance jusqu’à soutenir la mauvaise personne, le contempteur du système ronronnant, Donald Trump soi-même ! Un personnage qu’il n’est guère exagéré de ranger lui aussi dans la catégorie frappadingue. À un tout autre niveau, cependant.
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Mme Kamala Harris se glorifie d’avoir à ses côtés la star Taylor Swift et le past president Barack Obama. L’un et l’autre n’ayant à ce jour jamais réussi – pour autant que je sache – à faire entrer le dentifrice dans le tube une fois qu’il en est sorti – la prouesse de Starship est bel et bien de cet ordre-là ! – Madame Harris, indéfectible sourire dents blanches 24H/24, doit trouver ces soutiens bien ternes ces derniers jours. Plus sérieusement, j’ignore si l’exploit de Musk peut bénéficier à son poulain Trump. Néanmoins, je sais pertinemment que des voix – y compris chez nous, suivez mon regard – n’auraient pas manqué, en cas d’échec de les associer l’un et l’autre dans un procès en incompétence et imposture. Cette contre-fusée incendiaire-là n’aura donc même pas eu à quitter son pas de tir. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas…
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