Covid-19: à Marseille, les savonniers se frottent les mains
Qui est cubique, chic et sobre ? Bon pour la peau, le visage, les cheveux ? Désinfectant, biodégradable ? Qui, au fond du lit, combat les crampes ? Qui fut utilisé contre le SARS ? Ne cherchez pas ! C’est le Savon de Marseille ! Venu d’Alep, en Syrie, popularisé par les Croisades en passant par l’Italie et l’Espagne, il nous conquiert au XIVème siècle. Le premier savonnier est recensé aux environs de Marseille en 1370. Sous le Roi -Soleil, sa fabrication est réglementée par Colbert par un édit datant de 1688. Le vrai savon de Marseille est un cube de 600 grammes estampillé avec le nom de la savonnerie, une empreinte sur ses six faces, et la mention obligatoire du pourcentage d’huile : 72°/. Né de la saponification d’un mélange d’huiles végétales par de la soude, il a un pouvoir nettoyant et hygiénique sans pareil.
Augmentation des ventes
Francis Ponge n’aurait pas manqué d’en faire l’éloge. C’est que rien n’est plus précieux que ce grand cube doré ou vert fleurant bon l’huile d’olive qu’il est bon d’avoir sur la table où l’on écrit, à côté d’une grosse pigne, pour en savourer l’odeur, tâter la consistance, caresser les lettres SAVON de MARSEILLE en rêvant au Vieux Port où débarquèrent, il y a longtemps, les Phocéens.
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On savait que le savon avait fait baisser la mortalité infantile après la guerre. Ce qu’on ne sait pas toujours, c’est que le savon de Marseille est une arme contre le Covid dont il détruit la capside qui empêche de libérer nos défenses immunitaires. Si, à cet effet chimique, on ajoute l’effet mécanique de l’eau, on comprend qu’avec la vente bondissante, par internet, du cube vert, les savonniers se frottent les mains. Et si le savon de Marseille se fabrique aussi en Chine, c’est que deux savonniers de Marseille, qui avaient passé leur enfance en Chine au moment du SARS, avaient observé les propriétés antiseptiques de ce savon sur ce virus.
Ensemble, faisons bloc (de savon) contre le coronavirus
« Le Covid est toujours là. Ensemble, restons prudents, protégeons les plus fragiles. » Certes, mais si on n’y prend garde, ce n’est pas « covidé » qu’on va devenir, mais dingo. Bientôt, on mettra son masque avant de dormir et en prenant sa douche. On boira son café matinal, masqué, avec une paille à travers un trou. Certains fidèles, à l’église, se lavent les mains, avant d’aller communier, depuis les entre doigts jusqu’aux coudes. Qu’inventera-t-on pour l’hiver où l’on nous annonce le virus grippal ?
Alors, lavons-nous les mains au savon de Marseille. Gardons certains gestes. Evitons les gens qui postillonnent. (Vous en connaissez, vous ?) Mais gardons la raison ! Car si la peur est mauvaise conseillère, elle est aussi dangereuse. Le Marseillais Raoult n’est pas seul à le dire mais le bon sens. Les restaurateurs marseillais trouvent que le gouvernement leur passe un savon sans raison. Est-ce bien juste, en effet, envers une ville à qui on doit le pastis, la civilisation grecque, Pagnol, La Bonne- Mère ? Le chant qui signe l’unité de la nation, écrit à Strasbourg, ne s’appelle-t-il pas la Marseillaise ?
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