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Éloge des petites vertus

Le billet de Dominique Labarrière


Éloge des petites vertus
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Ce samedi, quelques courses dans un hypermarché de la périphérie de la ville. Galerie marchande bondée, enluminée de fête. Sapins enneigés pour de faux, guirlandes lumineuses en cascades. Au milieu, une hutte, une sorte d’igloo ajouré où siège le Père Noël. Le vrai. Je le sais, je peux en attester. J’y étais et je l’ai vu, de mes yeux vu. S’étirant devant son refuge, calme mais impatiente, une longue file de parents et de mamies avec des enfants qui attendent leur tour. Passer juste un peu sur les genoux du père Noël, le temps de faire « la » photo et de recevoir quelques friandises. Hohoho ! se réjouit le Père Noël. Ses rennes attachés près de l’igloo, dodelinent. Elles apprécient et sont contentes elles aussi. Un peu plus loin, un trio de gospel entonne a capella Petit Papa Noël. Là aussi, attroupement. Beaucoup de monde. Et du monde qui chante les couplets, ces mots qui sont l’hymne impérissable de ce moment-là de l’année. « … Quand tu descendras du Ciel ». Est-ce qu’ils y croient, au Ciel ? Qu’importe ! Ils le chantent et c’est touchant.

J’ai pris le temps de savourer. Cette ville comprend une importante communauté turque. Pas ou peu visible. Peut-être fondue en la circonstance dans le mouvement et dans le nombre de ces gens qui me semblaient tous gagnés par ce que je m’autorise à appeler les petites vertus (et qui n’ont rien à voir avec celle des dames qu’on dit en être dotées). Les petites vertus que sont le sourire, une perceptible bonne humeur, quelque chose d’apaisé dans l’attitude et le regard, des mots prononcés ou balbutiés, mots tout simples : merci, bonjour, pardon… Enseigner et prêcher les grandes et très nobles vertus est assurément bel et bon. S’occuper avec ténacité d’instiller les petites ne pourrait pas nuire, me semble-t-il. On devrait y veiller.

Je goûtais donc ces moments de l’Avent, ce Noël avant Noël, et je me suis surpris à penser que ceux qui ont le projet d’éradiquer ces trésors de notre monde, de notre mode de vie, de notre culture populaire, patrimoniale sont loin d’avoir partie gagnée. Les petites vertus, les rendez-vous comme celui-ci ne se laisseront pas abattre aussi aisément qu’ils le pensent et qu’ils le projettent. Il faut juste savoir les cultiver, les célébrer encore et encore. Sans arrogance ni ostentation. Tranquillement, sereinement. Comme je l’ai vu faire là, dans ce lieu improbable pourtant tout entier voué au mercantile.

J’ai fait mes quelques courses, repris la galerie marchande. Le trio chantait autre chose, un gospel, en anglais. Le public chantait aussi, ou plutôt s’y essayait. Ça donnait ce que ça donnait. C’était très faux et très beau. La file devant la hutte du Père Noël s’étirait toujours, plus longue encore. Hohoho ! Les enfants piaffaient, les rennes dodelinaient et les mamies, les mamans, les papas faisaient la queue. Avec le sourire. Sans broncher. Personne ne songeait à autre chose qu’à s’abandonner ces quelques bribes d’une magie qu’on a beau savoir fabriquée de toute pièce mais à laquelle on ne peut que vouloir croire. Le vouloir si possible au moins encore un millénaire ou deux.

On me pardonnera cet accès de candeur terriblement bisounours. J’ai une excuse. La meilleure. Je me sens gagné par l’Esprit de Noël.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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