La romancière américaine à succès Elizabeth Gilbert renonce à publier son nouveau livre, à cause de la guerre en Ukraine. Voici pourquoi.
Les écrivains sont souvent victimes de la cancel culture, leur éditeur cédant à la pression des lecteurs ou de ses propres salariés pour annuler un contrat d’édition.
En 2020, Hachette a subi une telle pression pour ne pas publier l’autobiographie de Woody Allen, Soit dit en passant, et le conte pour enfants de J. K. Rowling, L’Ickabog. Dans le cas d’Allen, la maison a capitulé, mais dans celui de Rowling, elle a tenu bon.
Quand l’auteur lui-même prend l’initiative, c’est plus insolite. L’Américaine Elizabeth Gilbert vient d’annuler un roman qui devait sortir en février 2024. Elle est l’auteur de best-sellers internationaux, dont cinq romans, mais surtout de Mange, prie, aime (2006), un récit autobiographique qui raconte sa quête de paix intérieure après son divorce, lors d’un voyage à travers l’Italie, l’Inde et Bali. Ce titre a eu un beau succès auprès des femmes divorcées.
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Son prochain livre avait pour titre The Snow Forest (« La Forêt enneigée »). Il raconte l’histoire d’une famille d’intégristes religieux qui, dans les années 1930, se retire au fin fond de la Sibérie pour fuir à la fois le communisme soviétique et la vie moderne. Le récit aurait véhiculé un message sur l’écologie et la spiritualité apte à plaire au lectorat habituel de Gilbert. Mais, dans une vidéo postée le 11 juin, elle déclare : « Ce n’est pas le moment de publier ce livre. » Ce week-end-là, le titre avait subi un certain nombre d’attaques sur le site Goodread. Ses critiques, qui n’avaient pas lu l’ouvrage encore inédit, ont accusé Gilbert de promouvoir une vision romantique de la Russie tout à fait inacceptable en temps de guerre en Ukraine ! On se souvient de l’inanité de ceux qui voulaient annuler Dostoïevski ou Tchaïkovski. Pourquoi Gilbert s’est-elle inclinée, elle qui a publié Comme par magie, un livre de développement personnel pour créateurs où elle prêche l’individualisme ? Sûrement parce que, comme ses lectrices, elle ne veut pas avoir l’air d’une « Karen », ces femmes blanches d’un certain âge qui manquent d’empathie pour les minorités et les victimes…