En effet, comme Madame de Maintenon, elle a passé l’âge de batifoler…
Le 26 avril, les Français ont fait le choix de reconduire Tarfuffe afin qu’il préside, cinq ans encore, à leur destinée !
Celui-ci, sur les notes du concerto pour hautbois de Haendel gratifia les heureux conviés à son investiture d’un de ces moments d’éloquence sans contenu dans lesquels il excelle pour proclamer l’avènement d’une ère nouvelle. Il fut, pour mémoire, question d’un « peuple nouveau, différent d’il y a cinq ans » qui confia « à un président nouveau un mandat nouveau ». Tartuffe réélu étala donc à la hâte un badigeon de mots ronflants sur une façade décrépite, tentant de réchauffer sa couleur d’un feu pâle.
Notre prince renaissant fit ensuite durer le suspense tant qu’il put, quant au nom du Premier ministre choisi pour succéder à Jean Castex. Il laissa toutefois filtrer quelques indices : il le souhaitait en charge de l’Écologie et femme. Quant à Jean Castex, sur le départ, il piaffait à l’idée de s’en retourner à Prades repeindre volets et rambardes délaissés depuis son entrée en fonction.
Entretenir cette insoutenable attente permit à Emmanuel Macron, stratège s’il en est, de mettre le gouvernement au point mort et de gagner ainsi un peu de temps sur la campagne des législatives sans en perdre trop à administrer la France. Il faut dire, à sa décharge, que le Covid et la guerre en Ukraine semblent avoir disparu des préoccupations politiques, supplantés par un vrai combat, celui-ci, pour le port du burkini dans les piscines municipales, mené de main de maître par Éric Piolle.
Du pareil au même
Nous ne fûmes pas dupes de ces manœuvres dilatoires, sachant pertinemment qu’Emmanuel Macron aurait du mal à trouver le mouton à cinq pattes qu’il recherchait pour Premier ministre, hors de sa garde rapprochée. Quelques noms furent avancés : Catherine Vautrin, Marisol Touraine, Audrey Azoulay et Élisabeth Borne. Puis, après trois semaines d’une éprouvante tension, nous eûmes enfin le nom de l’Élue : l’inattendue Élisabeth Borne, proche du PS avant d’adhérer en 2017 à « La République En Marche », technocrate, tout comme le fut son prédécesseur Jean Castex, mais un poil plus à gauche. Elle appartient au gouvernement d’Emmanuel Macron depuis le début de son règne : Ministre chargée des Transports, Ministre de la Transition écologique et solidaire puis Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, avant d’être nommée, pour notre plus grande surprise, à Matignon.
C’est donc le motif répétitif et lancinant du Boléro de Ravel que nous avons cru entendre lors de cette passation de pouvoir qui entérinait le passage du pareil au même. Nos deux compères : Jean Castex et Élisabeth Borne, à tu et à toi, se sont congratulés sur leurs réussites respectives au sein du gouvernement précédent, louant leur ambition commune de servir les Français et soulignant « en même temps » leurs divergences constructives. Le premier des deux orateurs fut bien sûr le Premier ministre sortant qui conclut sa prise de parole, tel Jean-Claude Dusse dans « Les bronzés font du ski », par un « Bonne chance. » auquel nous ne manquâmes pas d’ajouter « surtout ».
Madame de Maintenant (Élisabeth Borne nous fait irrésistiblement songer à Madame de Maintenon, comme nous le montrerons) s’empara ensuite du micro que Jean Castex lui tendait comme s’il se fut agi d’une patate chaude. Elle vanta tout d’abord, comme il se doit, les mérites de son prédécesseur dont elle partage la volonté d’œuvrer « à l’intérêt général, à la cohésion de notre pays et à l’égalité des chances ». Elle précisa avoir pris la mesure des qualités d’exception de Jean Castex « dans les projets portés ensemble pour la Jeunesse ». Et affirma qu’elle se proposait de prolonger et de parfaire l’action de l’ancien Premier ministre : « en associant davantage les forces vives de nos territoires à notre action. » C’était, en effet, poursuivit-elle, « au plus près des Français qu’on trouverait les bonnes réponses, en appliquant la nouvelle méthode voulue par le président de la République. » Vivement qu’on la connaisse enfin, cette fameuse nouvelle méthode dont nous n’avons eu jusque-là que le discours.
Une investiture féministe
« Émue », elle rendit ensuite hommage à Édith Cresson, seule femme à l’avoir précédée dans cette fonction. Puis, elle dédia sa nomination à « toutes les petites filles en leur disant d’aller au bout de leurs rêves ». Quelle petite fille ne s’est, en effet, pas rêvée en Élisabeth Borne ? Rien ne devait, poursuivit-elle, « freiner le combat pour la place de la femme dans notre société ». A la fin du discours de la dame, Jean Castex la somma à nouveau d’avoir du courage et lui murmura à l’oreille, je l’entendis distinctement, derrière mon poste de télévision : « Mon numéro ne change pas. » Sous-entendu : « Si tu as besoin d’un coup de main, n’hésite pas. »
Élisabeth Borne est maintenant sur L’allée du Roi, tout comme le fut Françoise d’Aubigné, veuve de Paul Scarron et future Madame de Maintenon. Nous reprenons ici le titre du roman de Françoise Chandernagor, mémoires imaginaires de ladite Madame de Maintenon, épouse morganatique de Louis XIV.
En effet, Élisabeth Borne, tout comme Françoise d’Aubigné le fit avec le Roi-Soleil a su apprivoiser notre actuel jeune monarque et gagner sa confiance. Comme la veuve Scarron, également, elle ne pouvait pas non plus tout miser sur son charisme. Élisabeth a donc travaillé, sans chercher la lumière, à mettre en œuvre la politique d’Emmanuel Macron. Elle est souvent montée au front sur de nombreux sujets brûlants, perturbés voire stoppés par la crise sanitaire (réforme des retraites en 2020, assurance chômage en 2021, mise en place du protocole sanitaire), et a su prendre les coups qui pleuvaient.
Comme elle sait bien aimer !
Elle n’est pas, dans cet exercice, sans rappeler Françoise Scarron, devenue gouvernante des enfants que Louis XIV eut avec Madame de Montespan. Celui-ci, la voyant s’occuper de sa descendance illégitime avec tendresse, eut ces mots que pourrait avoir Emmanuel Macron pour Madame Borne, eu égard aux services rendus : « Comme elle sait bien aimer ! ».
On est alors en droit de se demander si notre Premier ministre, en apparence falot (devais-je écrire falote), bon exécutant, tout comme l’était Jean Castex avant elle, et, choisi par Macron pour qu’aucune ombre ne vinsse ternir sa lumière, ne serait pas susceptible de se tenir à ses côtés sur la scène, voire de l’évincer ? Serait-il possible qu’elle entretint avec notre souverain, dans l’exercice du pouvoir des rapports semblable à ceux que décrit Saint-Simon, dans ses Mémoires : « (…) Quelquefois elle ouvrait pour quelques questions au roi, mais presque toujours c’était lui qui sans attendre qu’elle lui parlât, se baissait pour l’instruire (…); et tout ce qui était derrière la chaise et les demi-cercles avaient plus les yeux sur elle que sur l’armée, et tout, dans un respect de crainte et d’embarras. Le roi mit souvent son chapeau sur le haut de la chaise pour parler dedans, et cet exercice continuel lui devait fort lasser les reins. »
Mais, l’allée du Roi est longue et Madame de Maintenon-Borne est confrontée à nombreux défis qu’il lui faudra relever. Le premier est de conduire la bataille des législatives, sachant que Jean-Luc Mélenchon, au verbe toujours hyperbolique, l’a qualifiée de « figure parmi les plus dures de la maltraitance sociale » semblant, par-là même la désigner comme un adversaire à évincer d’un poste qu’il brigue pour lui-même.
L'allée du Roi: Souvenirs de Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon, épouse du Roi de France
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