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La Première ministre n’est pas à la hauteur…

Le billet de Philippe Bilger


La Première ministre n’est pas à la hauteur…
Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale, questions au gouvernement, 5 décembre 2023 © Jacques Witt/SIPA

En faisant de la petite politique, en s’attaquant au Rassemblement national ou à LFI, Elisabeth Borne se détourne de son rôle républicain capital, accuse notre chroniqueur.


La fonction de Premier ministre m’inspire un respect républicain mais il peut être battu en brèche par la déception concernant la personnalité qui a l’honneur d’en assumer la charge. À mon sens, la Première ministre n’est pas à la hauteur. Ce n’est pas un sentiment mais un constat. Pour avoir connu cela, modestement, au moins dans deux univers professionnels, je devine quelle doit être la frustration d’au moins trois ministres actifs et compétents confrontés à cette impression désagréable qu’ils valent mieux que leur chef. Je songe à Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Gabriel Attal.

Le retour du sentiment d’insécurité

L’entretien qu’elle donne au Figaro sur une double page conforte mon appréciation négative. Quand on sort du péan classique visant à se rendre hommage – « Avec le président, nous sommes sur tous les fronts » -, que reste-t-il de ces échanges ? La roideur et la brièveté des réponses ne parviennent pas à dissimuler leur caractère bureaucratique et leur manque de densité. On perçoit que cette Première ministre, derrière son apparente énergie, s’abandonne à un minimalisme qui la rassure parce qu’il paraît lui garantir ainsi un moindre risque d’erreurs. Pire, elle n’hésite pas à déclarer : « Il y a un besoin évident d’autorité (…) Je pense notamment aux villes moyennes, aux campagnes qui ne sont pas épargnées par ce SENTIMENT que la violence augmente ». C’est une absurdité dont on pensait être débarrassé depuis la phrase malheureuse du garde des Sceaux lors de ses débuts.

Contredite par Marie-Hélène Thoraval, la lucide et mesurée maire de Romans-sur-Isère qui, questionnée par Sonia Mabrouk sur Europe 1, a énoncé cette évidence que l’insécurité était au contraire « une réalité vivement ressentie » et qu’elle était notamment le fait de jeunes gens administrativement français, de papiers mais pas de cœur, sans attachement véritable à notre pays.

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Cette propension de la Première ministre à traiter avec froideur les enjeux régaliens (principale faiblesse du couple exécutif), malgré l’intensité tragique du climat national tant à cause du terrorisme que de la criminalité ordinaire, est révélatrice de ses limites. Elisabeth Borne apparaît plus préoccupée par des répliques politiciennes que par une argumentation profonde. Plus motivée par l’esprit partisan que par le souci de l’intérêt commun dépassant les fractures conjoncturelles.

Mauvaise foi

Ce qui m’a d’abord conduit à adopter cette vision sévère de la Première ministre est sa récente prestation à l’Assemblée nationale. Elle répondait à Marine Le Pen qui évoquait les actes terroristes commis dans la soirée du 2 décembre et dénonçait vigoureusement l’impuissance du pouvoir. On pouvait tout à fait récuser le ton employé mais on n’avait aucune raison de dénier la légitimité de l’interrogation en ces temps infiniment troublés. On a compris à cette occasion – il y avait eu des précédents sur le même registre – que la Première ministre n’avait véritablement pour ambition que de mener, en toutes circonstances, sous le regard complaisant et approbateur du garde des Sceaux habitué à la même ligne, une lutte politicienne contre le Rassemblement national, sa présidente et ses députés. Au lieu d’offrir à la représentation nationale et à l’ensemble des citoyens une réponse de haute volée puisque le sujet ne concernait rien de moins que la survie de la France et la politique à mettre en œuvre pour la sauver contre les atteintes intérieures ou internationales visant à détruire son âme et son identité.

Marine Le Pen, furieuse, pointe du doigt Eric Dupond-Moretti, suite aux accusations du Garde des Sceaux, à l’Assemblée nationale, 29 novembre 2023 © Jacques Witt/SIPA

Cette Première ministre focalisant sans cesse sur SON combat contre l’extrême droite, même si elle inclut aussi dorénavant LFI dans sa lutte partisane, se détourne ainsi de son rôle capital et mérite de la sorte le grief de n’être pas à la hauteur. Elle va même, avec mauvaise foi, jusqu’à soutenir qu’elle n’a pas entendu Marine Le Pen « dénoncer les positions de son père ». On se demande ce qui pourrait se passer, dans la tête d’Elisabeth Borne et des quelques-uns qui la suivent de manière inconditionnelle, si le RN ne leur servait pas de cible permanente. Ce n’est pas grâce à eux et au président de la République que Marine Le Pen pourrait se voir défaite en 2027 ! La Première ministre n’est pas à la hauteur. Des jeux politiciens peut-être mais pas de la France en péril.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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