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Elisabeth Borne: entre voeux pieux et vaillance…

Il y a dans le ton d'Elisabeth Borne une sorte de résignation navrée.


Elisabeth Borne: entre voeux pieux et vaillance…
Elisabeth Borne /PHOTO: Zed Jameson/SIPA / 01092684_000055

Malgré tout, la Première ministre fait bonne figure et reste brave, sous un air résigné.


Bizarrement je n’ai jamais pu me déprendre d’une réelle estime pour Elisabeth Borne.

Pas parce qu’elle est Première ministre, je ne suis pas spécialement légitimiste. Pas parce qu’elle est une femme. Pas parce qu’elle serait de gauche comme on le lui rappelle souvent. Pas parce qu’elle gouvernerait de manière remarquable, limitée qu’elle est de toutes façons par l’autorité et l’omniprésence présidentielles et la majorité relative à l’Assemblée nationale.

C’est plus subtil, plus étrange, un air roide, sans afféteries, une absence totale de narcissisme, de l’impuissance noble, de la résilience, une sorte de masochisme qui a de la tenue : elle ne se plaindra jamais. Ne l’ayant jamais méprisée comme certains, je n’ai pas de raisons non plus de la porter au pinacle.

Il n’empêche que je m’attache à porter sur elle un regard intéressé et, s’il peut être lucide, c’est grâce au très éclairant entretien qu’Elisabeth Borne à donné à Paris Match, questionnée sur tout sans tabou mais courtoisement par Laurence Ferrari.

D’abord, quelle volupté personnelle de constater qu’enfin, pour cet exercice, la Première ministre a abandonné les mots valises dont elle fait un usage abusif – genre « valeurs » et « dignité » – dont je comprends bien l’utilité pour elle mais qui sont catastrophiques pour la pensée et l’argumentation. Elle nous transmet des concepts et des exigences dont elle nous laisse le soin d’élaborer le contenu. Heureusement, dans ces échanges avec Laurence Ferrari, elle les a laissés de côté : je ne me surestime pas au point de m’imaginer influenceur !

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Ensuite, comme toute personnalité de pouvoir, aujourd’hui, dans la mouvance directe du président de la République, elle est condamnée à débiter des voeux pieux, à citer tel ou tel ministre – je constate avec plaisir qu’elle ne pousse plus le sadisme à l’égard des Français jusqu’à louer Eric Dupond-Moretti, elle se contente de Gérald Darmanin qu’elle félicite pour le calmer – et à espérer que le futur exaucera les promesses qu’elle fait sans trop y croire elle-même car elle est honnête, incurablement honnête.

Elle est d’ailleurs l’incarnation, malgré ses qualités, pourtant, de sincérité, du délitement, de la corruption de la parole publique. Celle-ci a beau s’acharner à offrir des perspectives, de l’avenir, de la sécurité, de l’autorité, des consolations financières, sociales ou autres, elle n’est plus crue. Parce qu’elle a trop déçu. Qu’elle a trop souvent fait des traites sur le futur pour tenter de pallier et de guérir les infortunes du présent. Il y a dans le ton d’Elisabeth Borne une sorte de résignation navrée – plutôt que «le calme dans la tempête», la lucidité triste face à l’impuissance pressentie.

Cette tonalité est d’ailleurs générale dans ses réponses et le calme dont on la crédite et qu’elle affiche dans son maintien n’est sans doute pas sa disposition principale : elle se domine, elle se surveille, elle bout à l’intérieur mais – ce qui me plaît – elle inscrit son argumentation dans les pas de son maître mais avec des nuances, des réticences et des infléchissements qui ne sont pas rien dans un duo qui, se respectant, n’est pas à armes égales.

Qui peut croire une seconde à ce mantra ressassé : «Avec les Républicains, une alliance est possible» qui n’est destiné qu’à donner le moral à Renaissance, à Jean-François Copé, à Nicolas Sarkozy et aux citoyens qui aspirent à une droite néantisée dans le macronisme ?

Sur la dissolution, que peut-elle donc dire d’autre que «c’est une prérogative du président de la République et de lui seul» ?

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Elle tente cependant des litotes qui, sans contredire les propos présidentiels, les ramènent à une juste mesure : «hystérie et désordre», ce n’est pas trop son genre d’attaque !

Elle s’efforce désespérément de démontrer l’alliance contre-nature de La France insoumise et du Rassemblement National pour la motion de censure – elle en dégaine tellement qu’elle en rêve comme d’une normalité parlementaire ! – en occultant le fait qu’il ne s’agit pas d’un accord sur un projet de gouvernement et que surtout des camps antagonistes peuvent avoir une finalité supérieure qui les rassemble. En l’occurrence l’obligation de revenir devant le peuple pour déterminer ce qu’il reste de Renaissance et du macronisme après les premiers mois chaotiques et sans élan de ce second mandat…

Elisabeth Borne sur ce sujet n’est pas convaincante parce qu’elle n’est pas convaincue : elle sent qu’elle est la victime d’une majorité relative et profondément admet, étant républicaine, que les oppositions ont tous les droits.

Mais il y a la façade, l’obligation de faire bonne figure.

Et peut-être se trouve-t-il là le motif essentiel de mon empathie pour elle : elle est vaillante, elle avale des couleuvres, elle tient apparemment le choc, elle a le désastre serein et le pessimisme retenu. Elle ne se répand pas, elle fait front. Chargée de mettre en oeuvre une politique ô combien critiquable, elle ne déshonore ni la fonction de Première ministre ni la condition de la femme. Ce n’est pas rien.

Qu’elle veuille bien cesser son racolage auprès de Les Républicains : elle nous pardonnera de nous préférer à Emmanuel Macron qui en 2027 ne sera plus là.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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