Charlie: Elisabeth Badinter, laïque punk


Charlie: Elisabeth Badinter, laïque punk

Elisabeth Badinter laïcité islamophobie

Il y a une publicité que j’aime beaucoup en ce moment. La scène se passe dans une agence bancaire. On y voit un client se mettre à chanter ses doléances, à la manière des Parapluies de Cherbourg (j’ai bien dit « à la manière de », les purotins sont priés d’aller pinailler ailleurs). Donc ce client chante, et son banquier s’inquiète genre : « Mais pourquoi donc me dites-vous les choses en chantant ? » Et là le client répond : « Oui mais quand je vous explique le problème en parlant normalement, vous ne m’écoutez pas. »

Mutatis mutandis, c’est exactement ce que vient de faire Elisabeth Badinter à l’occasion de la commémoration des massacres de janvier. Non pas qu’elle ait chanté la laïcité (j’ai dit « mutatis », allez voir dans les pages roses, bande de flemmasses), mais elle a utilisé pour se faire comprendre ce qu’on pourrait appeler une rhétorique carrément punk.

D’habitude, quand Elisabeth Badinter s’exprime sur nos valeurs, elle le fait fermement mais posément. On pense à une fugue de Jean-Sébastien Bach. C’est d’une clarté, d’une beauté, d’une rigueur implacables. Mais le malcomprenant pourra faire semblant de n’y voir que de la musique d’ambiance.

Ce malentendu persistant, Elisabeth Badinter l’a levé hier matin sur France Inter en martelant le mot qui fâche, IS-LA-MO-PHO-BIE, façon Sex Pistols. Adieu clavecin, écoutez son concerto pour nitroglycérine :

« Il faut s’accrocher et il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe, ce qui a été pendant pas mal d’années le stop absolu, l’interdiction de parler et presque la suspicion sur la laïcité. A partir du moment où les gens auront compris que c’est une arme contre la laïcité, peut-être qu’ils pourront laisser leur peur de côté pour dire les choses. »

Et comme il semble que ses intervieweurs du service public n’ont pas tout bien compris dans leurs têtes, SuperElisabeth  leur laisse à peine le temps de respirer et repasse une couche quinze secondes après : « On ferme le bec de toute discussion sur l’islam en particulier ou d’autres religions avec la condamnation absolue que personne ne supporte : « Vous êtes raciste ou vous êtes islamophobe, taisez-vous ! » Et c’est cela que les gens ne supportent plus : la peur, pour des gens de bonne foi, qu’on puisse penser que vous êtes raciste ou antimusulman fait que vous vous taisez. C’est la meilleure arme qu’on pouvait trouver à l’égard des gens de bonne foi. »

Et comme Léa Salamé fait des mines dégoûtées et lui demande si ce rejet du concept d’islamophobie n’est pas stigmatisant pour tous les musulmans, Miss Badinter se voit obligée d’en re-remettre une couche pour Salamé-qu’en-tient-une-couche sur « l’islamophobie » : « Je me suis aperçue depuis quelques années que c’est la phrase-clé qui arrête tout et je veux pouvoir, comme beaucoup d’autres, discuter d’une religion, de toutes les religions. Donc je ne veux pas qu’on me ferme la bouche avec ça. »

Bref, bravo et merci à Elisabeth Badinter d’avoir rabâché méchamment des vérités, plutôt que de continuer à prêcher gentiment dans le désert (Ah zut, je me relis avant publication, là, et je me rends compte que la métaphore du désert peut choquer certains lecteurs : quand on énonce le mot désert, le lecteur va penser Sahara et kisséty qui habite autour du Sahara, hein ? Délit d’islamophobie subconsciente, ça va chercher dans les combien ?).

*Photo : SIPA.00714567_000032.



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