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L’émergence des nouvelles approches de l’environnement et l’émergence des neurosciences et sciences cognitives constituent le quatrième axe de rupture qu’on mentionnera ici. Car même s’il ne concerne pas directement le grand public, l’essor de ces approches et disciplines influe fortement la conception des relations entre les hommes et les animaux. Le développement des nouvelles approches de l’environnement conduit actuellement à une sorte de retournement de la façon d’appréhender l’activité agricole. Pour utiliser une image parlante, il faut rappeler qu’il y a une trentaine d’années, l’agronomie et les diverses disciplines agricoles étaient raisonnées en partant de l’échelle de la parcelle ou de l’exploitation agricole. On pouvait ensuite passer à un niveau plus global ou au contraire plus micro mais, en gros, on se plaçait au niveau de l’homme, le fermier, et de ses pratiques agricoles.
En étant schématique, aujourd’hui, de nombreux travaux scientifiques sur les sujets environnementaux conduisent à mettre en avant des résultats au niveau global de la planète. C’est bien sûr le cas avec le climat. Mais c’est aussi le cas autour des questions de biodiversité, de gestion de l’eau, d’énergie, etc. On est ainsi entré dans l’ère des bilans globaux des disponibilités en ressources. Et ce sont ces bilans globaux qui sont ensuite utilisés par certains, avec pour ambition de définir ce qui doit être fait sur le plan agricole et par les agriculteurs.
Concrètement, c’est ce type de démarches qui conduit aujourd’hui à l’émergence de critiques virulentes de l’élevage au nom de calculs d’impact sur le climat (du fait des émissions de méthane des ruminants), sur l’eau (dont des volumes aberrants seraient « consommés ») ou sur la biodiversité (du fait du lien entre soja et déforestation de l’Amazonie), quitte à en oublier les différentes utilités de cette activité.
On notera avec un brin d’ironie qu’on a là affaire à un pur décalque des méthodes de planification centralisée jadis raisonnées en fonction de considérations qui se prétendaient économiques. Et dans le fond, on retrouve exactement les deux mêmes faiblesses. Ces « bilans » sont, pour la plupart, établis à charge ; ils ne décomptent (pour le moment, dira-t-on) que les prélèvements ou les impacts négatifs d’une activité sans tenir compte, ou très mal, des contributions positives. Ce sont des « bilans » à une seule colonne ! Et il est vrai – c’est le second biais – que ces contributions positives sont particulièrement difficiles à qualifier et à mesurer. Elles se produisent parfois géographiquement ailleurs, qualitativement autrement (sur d’autres variables), et physiologiquement sur d’autres rythmes ou pas de temps. Bref, on tente de faire des bilans entrée-sortie à une seule variable sur des phénomènes systémiques impliquant fondamentalement des cycles biologiques hétérogènes et à composantes multiples. C’est évidemment voué à l’échec ! Mais compte tenu de la pertinence sociétale des questions abordées, et de la nouveauté des analyses nécessaires, cela donne l’illusion de prendre sur des bases scientifiques, des décisions concernant des sujets fondamentalement complexes.
Concernant l’élevage et la relation aux animaux, force est de constater qu’issues de secteurs de la recherche et plus souvent encore proches de la recherche, les critiques mentionnées ci-dessus sont ainsi passées par une partie du monde associatif, des médias et du personnel politique pour aujourd’hui atteindre le grand public, sans pour autant être accompagnées des précisions qui auraient été nécessaires pour indiquer les biais méthodologiques et les faiblesses des résultats[1. On ne peut ici résister à l’ironie de citer l’intervention d’un parfait style pompier pyromane que Pierre Gerber a faite lors du Congrès international des sciences et technologies de la viande (ICOMST), à Clermont-Ferrand en août 2015. À cette occasion, il a affirmé qu’il fallait revenir à un peu de mesure concernant l’impact de l’élevage sur le climat, que celui-ci avait été surestimé une dizaine d’années auparavant, les médias ayant joué un rôle de caisse de résonnance favorisant une diffusion de ces analyses au grand public. L’ironie de cette anecdote est qu’il est lui-même, avec Henning Steinfeld, l’un des deux principaux co-auteurs du rapport d’étude L’ombre portée de l’élevage, publié par la FAO en 2006 qui avait alors mis le feu aux poudres. Et c’était bien leur département (AGA) qui à l’époque avait convoqué une conférence de presse pour la sortie de ce rapport d’étude contrevenant ainsi aux pratiques habituelles de la FAO pour de simples rapports d’étude. Les rapports d’étude ne sont en effet ni approuvés (scientifiquement et politiquement) ni votés par l’institution, et diffèrent en cela des rapports officiels. Ce sont des rapports comme les organisations internationales en produisent chacune des dizaines par an. Écrit également avec un formidable aplomb par Henning Steinfeld, cela donne dès 2012 : The publication of the Livestock’s Long Shadow report led to a passionate and emotional debate. Our figures have sometimes been misused or misreported by some interest groups. However what ultimately matters to us is to create the conditions for a constructive dialogue among stakeholders and to catalyze action towards practice change. Ou plus crûment : nos chiffres étaient faux mais ce n’est pas grave car cela a contribué à créer du débat et à faire changer les choses (http://www.la-viande.fr/sites/default/files/images/culture-viande/viande-societe/Interview-Henning-Steinfeld-FAO-english.pdf). Des postures en définitive typiques de lanceurs d’alerte ou d’activistes politiques mais certainement pas de fonctionnaires d’une organisation de l’ONU ou de chercheurs d’un organisme scientifique.].
Le développement des sciences cognitives a des effets assez comparables. L’essor de la neurologie, de l’éthologie, de l’archéozoologie, des diverses branches des sciences de la communication conduisent indiscutablement à constater un effacement de certaines frontières entre les hommes et les animaux. C’est ce qui conduit certains à militer pour une égalité de traitement et des droits entre les hommes et les animaux.
Au-delà des stratégies de communication des mouvements antispécistes, qui s’appuient sur le choc créé par des images de pratiques indéfendables, ces revendications s’expriment plus sérieusement sur deux plans : d’une part celui du droit, avec notamment un travail visant à la modification des législations nationales ou internationales et des normes ou règlementations ; et d’autre part celui de définition d’indicateurs de bien-être permettant de traduire des résultats scientifiques sous forme de bonnes pratiques.
Avec le risque de tout raccourci, on dira que l’axe de travail juridique conduit aujourd’hui à des évolutions. En atteste par exemple en France, la réforme du code civil du 16 février 2015 reconnaissant aux animaux la nature d’Êtres sensibles. Difficile cependant d’apprécier la portée concrète qu’aura cette évolution juridique d’autant que, pour sa part, la définition des indicateurs de bien-être peine à avancer même si, par exemple, la Commission européenne réunit sur ce sujet des groupes d’experts depuis plus d’une dizaine d’années.
Si l’objectif d’édicter des bonnes pratiques est louable, il paraît en effet bien difficile d’asseoir celles-ci sur des résultats scientifiques : ces résultats existent mais, la plupart du temps, manquent de consistance dans la mesure où ils dépendent de l’espèce observée, du contexte et des modalités d’observation, etc. Il est dès lors malaisé d’étendre leur application au-delà de ces conditions d’étude.
Les acteurs impliqués dans ce type de démarche sentent donc bien que les notions de bien-être animal ou encore de souffrance évitée ont un sens général. Mais de là à parvenir sans conteste à les caractériser et à les mesurer, il y a un pas qui est encore loin d’avoir été franchi.
Si certaines des frontières entre les hommes et les animaux tendent à s’estomper, il faut en outre bien rappeler que ce n’est pas le cas de toutes les frontières ! Et il faut aussi rappeler que différents travaux ont mis en évidence l’existence de systèmes de communication… entre plantes par le biais de molécules[2. Voir l’exemple de travaux de l’INRA (http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Biologie-vegetale/Tous-les-dossiers/Sentir-bouger-communiquer-les-plantes-aussi/Communication-externe-les-liens-plantes-champignons/(key)/5). Mais encore plus étonnant https://www.newscientist.com/article/mg12717361-200-antelope-activate-the-acacias-alarm-system/ ou comment des plantes d’acacias parviennent à éliminer le surpâturage de mammifères (koudous).et les tuant.]. Doit-on pour autant dire qu’il n’y a plus de frontière entre le règne animal et végétal ? Assurément non, pour une myriade de raisons biologiques… mais aussi parce qu’il y a une différence entre communication et langage, une différence entre sensibilité et conscience, et pour reprendre un raisonnement de Francis Wolff, une différence entre conscience et science, et entre conscience (de soi ou du monde) et conscience de l’inaccompli. L’Homme n’est ainsi peut-être pas la seule espèce du règne animal à disposer d’un langage, de sensibilité et de conscience mais, jusqu’à preuve du contraire, c’est assurément la seule espèce capable de science, consciente de l’inaccompli et capable de communication entre ses individus sur cet inaccompli.
On conçoit donc bien que la rupture qu’implique l’émergence de ces disciplines cognitives, dans les conceptions que les hommes ont de leurs relations avec les animaux, notamment domestiques, est loin d’être négligeable. Et elle pousse assurément à un certain rapprochement des traitements. Il n’en demeure pas moins que les différences entre les hommes et les animaux restent notables, essentielles, ontologiques. L’oublier ou le négliger, c’est très précisément oublier ou négliger ce qui fait notre humanité.
Si les éléments de rupture mentionnés précédemment sont déjà clairement à l’œuvre, il est par ailleurs des tendances et idées émergentes qu’il convient d’évoquer pour leur influence potentielle ou à venir sur la conception des relations entre les hommes et les animaux. Certaines de ces idées sont, pour le dire net, de fausses bonnes idées, voire même des idées fausses mais elles circulent, et jouent sur les mouvements d’opinion. Rappelons là encore quelques grands axes.
En matière de consommation, à niveau mondial, la demande de viande va continuer de croître. C’est une évidence et un mouvement de fond qu’il est bon de répéter. En moins de vingt ans, une classe moyenne, qui compte entre un et deux milliards de personnes, est apparue dans les pays émergents. Quoi qu’on en pense, cette population n’attend que de consommer plus de viande. La demande mondiale va donc croître même si cela intègre une baisse de la consommation dans les pays occidentaux, tant pour des raisons de baisse des besoins nutritionnels dans des économies de plus en plus tertiarisées, que pour des raisons culturelles ou idéologiques.
Plus finement cependant, on constate déjà dans ces pays émergents, des courants critiques de la production et de la consommation des produits carnés qui donnent à penser que la hausse de la consommation pourrait finalement y être plus brève qu’envisagé (soit quelques décennies).
Il semble par ailleurs qu’aucune étude réellement consistante ne permette aujourd’hui d’anticiper de façon fiable pour les jeunes générations, l’essor, réel ou supposé, du végétarisme et du flexitarisme, ou la baisse de la consommation. Selon les enquêtes de consommation du CREDOC, les végétariens ne représentent en France en 2014 que 1% des consommateurs, et non 3%, chiffre sans source qu’on voit régulièrement circuler. Ce chiffre serait globalement assez stable mais occulterait peut-être une hausse sensible chez les jeunes. Toujours en France, force est en outre de constater que la revendication du flexitarisme constitue l’argument des jeunes pour expliquer leur faible consommation de viande et donc la baisse de celle-ci. Mais aucune étude ne vient croiser l’évolution du poids de cette revendication avec l’évolution de leur situation économique sur la moyenne durée. Il n’y a ainsi aucun moyen d’avancer ou de rejeter l’hypothèse que la baisse de la consommation de la catégorie des jeunes résulterait d’une précarisation croissante (en tout cas depuis les années 80 et la fin des Trente glorieuses). Or il est toujours plus valorisant de dire qu’on ne mange pas ou peu de viande parce qu’on est végétarien ou flexitarien (pour le bien-être animal ou pour protéger l’environnement) plutôt que parce qu’on est pauvre et qu’on n’a pas les moyens d’en acheter contrairement à ses parents au même âge, ou parce qu’on privilégie d’autres biens de consommation notamment high-tech.
Dans la même logique, on notera qu’il n’y a aucune étude non plus qui fasse le lien sur la longue durée entre la baisse globale de consommation de viande de boucherie des 20 à 30 dernières années et l’évolution de sa qualité organoleptique.
Sur ces différentes questions, on a donc beaucoup plus affaire à des interprétations idéologiques des faits qu’à des analyses fondées et étayées de leurs causes et dynamiques.
De travaux récents de Claude Fischler rendent bien compte de ce biais : face à la multiplication des régimes alimentaires (végétarien, végétalien, sans sel, sans graisses, sans gluten, halal, casher, etc…) et à la place croissante occupée par les discours de leurs promoteurs, il montre l’existence d’une tendance de fond unique et beaucoup plus lourde : l’individualisation des repas, de leur conception et de leur consommation[3. Claude Fischler (sous la direction de) : Les alimentations particulières. Mangerons-nous encore ensemble demain ? Odile Jacob. Paris. 2013.].
En matière de production, les tendances réellement porteuses d’avenir sont probablement encore plus difficiles à anticiper. Plus que des scenarios productifs un par un, ce sont peut-être des champs de tension qu’il faut ici envisager.
On en a déjà cité quelques-uns : l’opposition entre une agriculture fondée sur l’usage intensif de ressources pétrolières et l’agriculture écologiquement intensive. La première autorise de ne produire que des végétaux. La seconde non seulement autorise mais requiert des productions animales en plus du végétal.
L’opposition entre une consommation de produits plutôt transformés ou plus proches du naturel. C’est un champ de tension probablement moins marqué que le précédent mais où les oppositions existent malgré tout. Concrètement, une alimentation végétalienne passera nécessairement par le recours à des produits transformés. Deux raisons à cela ; un tel régime est doit être rééquilibré sur le plan nutritionnel et c’est plus facile voir nécessaire (Vitamine B12) avec des produits transformés ; et surtout, la transformation des produits végétaux permettra d’améliorer la biodigestibilité des protéines végétales qui est naturellement nettement moins bonne que celle des protéines animales. À l’inverse, il faut évidemment reconnaître que le caractère omnivore du régime alimentaire n’a aucune influence sur la nécessité ou pas de transformations industrielles plus ou moins poussées. Sont ici avant tout en cause des questions de praticité et de marketing. C’est là qu’on rejoint la tension entre le peu ou le beaucoup transformé, et donc implicitement entre le local-naturel et le pratique-transformé-lointain.
Troisième champ de tension : l’opposition entre des productions hors-sol et des productions de plein-champ. Dans ce cas, ce sont plutôt les productions végétales qui véhiculent, a priori, une image positive liée au plein-champ tandis que les systèmes d’élevage, même lorsqu’ils sont conduits sur prairies comme dans le cas de la plupart des bovins viande, sont régulièrement associés à l’image négative des systèmes hors sols de certaines espèces de monogastriques. On notera que la tendance au développement de cultures sous serres, en hydroponie ou quasi hors-sol risque à terme d’altérer cette image ; mais on n’en est pas encore à ce stade.
Autre champ de tension : celui des modèles dits intensif ou industriel versus paysan ou familial. En réalité, personne aujourd’hui n’est en mesure de préciser ce que signifie cette terminologie. En France, les exploitations dites industrielles résultent de l’intensification des techniques par des agriculteurs qui, il y a une ou deux générations tout au plus auraient été qualifiés de paysans. Compte tenu des niveaux de capitalisation, l’absence de recours à de la main d’œuvre salariée ne signifie plus grand-chose : la plupart des exploitations d’agriculture familiale mettent en œuvre des techniques particulièrement intensives et que certains qualifieront industrielles. À l’opposé, et selon les cas, des paysans qui exploitent des fermes particulièrement exiguës pourront, à force de travail, tout aussi bien dégager un revenu supérieur celui de grandes exploitations dites intensives (mais surendettées), que vivoter avec trois francs-six sous. Le recours à des comparaisons internationales jette encore plus le trouble : Les « complexes industriels » d’élevage porcin et autres « ferme des 1 000 vaches » qu’on trouve en France sont 5 à 10 fois moins grands que ceux qu’on trouve en Allemagne ou en Europe du Nord, et 100 fois moins grands que ceux des États-Unis ou que ceux développés par les bourgeoisies de pays émergents et en développement. Évidemment, ils sont eux-mêmes incomparablement plus grands et plus productifs que ceux des petits paysans des pays les moins avancés.
Dernier champ de tension qu’on abordera ici, celui des technologies émergentes dans leur ensemble. On fait ici références aux techniques dites d’élevage de précision associant robotisation et usage de capteurs, aux techniques liées à la génomiques et aux nouvelles façons de procéder à la sélection génétique des animaux, ou encore au développement de la viande artificielle, ou au recours aux insectes, etc. Sans entrer dans le détail, ces diverses technologies sont chacune en tension entre sa composante technique (plus ou moins faisable) et ses conditions d’acceptabilité. Les progrès scientifiques vont rendre les technologies de l’élevage de précision et de la génomique de plus en plus faisables. Elles risquent cependant d’être contestées sur un plan sociopolitique : recours au big-data, problème de propriété des données, travail sur l’ADN du vivant, implication de multinationales… à l’inverse, la viande artificielle est présentée comme la solution technologique à des enjeux éthiques et environnementaux alors même que sa production opérationnelle à grande échelle paraît peu réaliste du fait de ses coûts énergétiques et de la nécessité d’user de nombreux médicaments antibiotiques et de facteurs de croissance[4. Cf. Jean-François Hocquette…]. Quant à la consommation des insectes, dans le pays à la population la plus consommatrice (le Zimbabwe), elle représente au mieux 10% de la diète… durant la saison la plus favorable[5. Cf. Pierre Feillet…]. Ses « chances » de succès paraissent donc réduites en alimentation humaine bien que tout à fait envisageable en alimentation animale comme substitut à des protéines d’origine végétales telles que le sorgho ou le soja
Que ce soit en matière de production ou de consommation, les tendances émergentes revoient systématiquement à des questions d’acceptabilité par la société.
Compte tenu des dynamiques sociologiques et de communication, ces questions d’acceptabilité qui concernent ou posent problèmes à des fractions de la population plus ou moins importantes et viennent ensuite à former des problèmes publics, interrogeant alors l’ensemble de la société sur des sujets avec lesquels celle-ci est rarement en prise directe et sur lesquels – par le jeu politique et médiatique – elle doit néanmoins se positionner.
Dans les cas qui intéressent ici, les injonctions de positionnement ont parfois directement traits à la relation entre les hommes et les animaux. C’est notamment le cas avec tous les sujets qui gravitent autour du bien-être animal : techniques d’élevage, d’abattage, de sélection… Mais le plus souvent, l’injonction est en quelque sorte forcée. Elle concerne au premier chef un problème lié aux formes générales d’organisation de la société (modèle économique des exploitations d’élevage et plus largement de l’agriculture, compétitivité internationale des secteurs économiques, nature des régimes alimentaires ou des acteurs économiques, etc.) et n’est qu’incidemment raccroché à la question de la relation entre les hommes et les animaux.
On peut penser que, pour certains acteurs, ce type de détournement de l’injonction permet d’éviter de poser le cœur du débat. Se focaliser sur la relation avec les animaux suscite naturellement l’adhésion tandis que traiter de questions de modèles économiques, alimentaires ou culturels est plus complexe et plus incertain. En ce sens, ce détournement revêt de toute façon un aspect tactique. Mais, comme on l’a mentionné en début d’article, cela témoigne aussi de cet espèce d’intérêt automatique, de la plupart d’entre nous, pour se tourner vers le cas, la situation, les conditions dans lesquels il y a de l’animal, et pas seulement du vivant. Dans le fond, la ferme des 1 000 hectares pourrait susciter autant d’interrogations écologiques et d’a priori que la ferme des 1 000 vaches. Mais ce n’est pas le cas ! Aux questions socioéconomiques (modèle d’intensification) et écologiques (pollutions induites) qui valent a priori pour les deux, s’ajoute ici la préoccupation pour l’animal. Et c’est cette question qui retient l’attention et contribue ainsi à mobiliser l’opinion.
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