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Energie: un scénario 100% renouvelables ne tient pas la route !

Des coupures de courant sont à craindre...


Energie: un scénario 100% renouvelables ne tient pas la route !
Tronçon de l'autoroute A10, dans l'Eure-et-Loir © AFP

Sans cesse paraissent des études, y compris d’acteurs institutionnels comme l’ADEME, assurant à l’opinion qu’à échéance, toute l’électricité dont les consommateurs auront besoin sera fournie, avec l’appoint de l’hydroélectricité, par les électricités renouvelables intermittentes (ElRi), électricités éolienne et solaire photovoltaïque, permettant ainsi d’éliminer les combustibles fossiles et le nucléaire. Ainsi, Contexte vient de « révéler » l’existence d’une étude encore non publique du Gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité (RTE), selon laquelle un mix électrique fondé sur des parts très élevées d’énergies renouvelables est techniquement possible. 

Vent et soleil sont intermittents

Les énergies du vent et de soleil sont certes renouvelables, mais leurs puissances sont très variables. Il n’y a pas de soleil la nuit, peu par temps nuageux et beaucoup moins en hiver qu’en été. Le vent est parfois très violent, et peut être très faible à l’échelle de la journée et parfois d’une semaine ou plus, à l’échelle de toute l’Europe. On dit qu’elles sont intermittentes. Il en est de même des électricités qu’on en tire avec les éoliennes et les panneaux solaires. Ces électricités sont non-pilotables, car leurs puissances sont indépendantes de la volonté humaine. Elles sont pour l’essentiel inutilisables parce qu’elles sont inadaptées aux besoins des consommateurs.

Le 8 janvier à 14 heures, l’Europe est passée très près d’un black-out

Deux méthodes sont cependant possibles pour rendre utilisables ces ElRi  :

1- leur couplage avec des centrales dites pilotables pouvant faire varier leur puissance à la demande, en France essentiellement les centrales nucléaires et hydroélectriques, en Allemagne les centrales à charbon et de plus en plus à gaz. Ces centrales font varier leur puissance en contrepoint de celles des ElRi, pour que le mix électrique en résultant s’ajuste en permanence aux besoins des consommateurs ;

2- leur couplage avec des systèmes de stockage-déstockage de l’électricité produite permettant de faire en permanence cet ajustement, avec cependant une perte des quantités d’électricité stockées variant suivant les types de stockage. Dans les deux cas le prix du mix électrique est considérablement augmenté, puisqu’il faut coupler deux systèmes, l’un non-pilotable et l’autre pilotable, pour produire la même quantité d’électricité[tooltips content= »France-Stratégie, 2022 : Quelle sécurité d’approvisionnement électrique en Europe à horizon 2030 ? Note d’analyse n°99. »](1)[/tooltips].

Les systèmes de stockage-déstockage actuels n’ont ni les capacités, ni les puissances nécessaires pour permettre d’alimenter un pays comme le nôtre avec uniquement des ElRi, loin s’en faut. Ce sont donc les centrales pilotables qui pour l’essentiel sont utilisées. Ce qui impose des limites aux proportions d’ElRi pouvant être mises sur les réseaux, sous peine de déstabiliser les systèmes en provoquant des black-outs. Plus sera augmentée la puissance totale des ElRi et diminuée celle des centrales pilotables, ce qui est la politique actuelle en France et en Europe, plus augmentera ce risque de black-out comme vient de le rappeler France-Stratégie qui s’en inquiète[tooltips content= »Sapy, G., 2021: La sécurité d’alimentation en électricité du pays en danger. Etude pour Sauvons le climat. https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/4154-la-securite-d-alimentation-en-electricite-du-pays-en-danger »](2)[/tooltips]. Le 8 janvier à 14 heures, l’Europe est d’ailleurs passée très près d’un black-out, qui n’a pu être évité qu’en procédant à des « effacements » autoritaires de la consommation d’entreprises « électro-intensives ».

9000 éoliennes déjà installées

Toutes ces études favorables à un mix électrique avec des parts élevées d’énergies renouvelables font donc le pari que l’on trouvera une méthode de stockage-déstockage permettant de se substituer aux centrales pilotables, et prétendent même qu’on l’a déjà trouvée. C’est le power-to-power (P2P), qui passe par la production d’hydrogène électrolytique avec les ElRi, hydrogène que l’on pourra réutiliser à la demande à l’aide de turbines à hydrogène ou de piles à combustibles pour produire de l’électricité. C’est en principe techniquement possible. Il existe des pilotes expérimentaux, mais pas de filière industrielle. 

A lire aussi, Sami Biasoni: La « Grande Réinitialisation »: le monde d’avant en pire

Cependant le rendement électrique du P2P n’est que de l’ordre de 25 à 30%. En 2020, la quantité d’électricité fournie par l’éolien a été d’environ 9% de la consommation française, avec 9000 éoliennes installées. Il faudrait donc avec le P2P en installer 3 à 4 fois plus de puissance rien que pour assurer ces 9%. Et si l’éolien devait assurer 100% de la consommation française, il faudrait en installer de 30 à 40 fois plus, c’est-à-dire submerger tout notre espace rural et ses habitants avec des éoliennes géantes.  La question de l’accès à la quantité de matériaux nécessaires aux filières des ElRi, environ 10 fois plus que le nucléaire par KWh produit pour l’éolien, 15 fois plus pour le solaire PV, n’est pas abordée par les auteurs de ces études. Tout comme celle du coût considérable de la restructuration et du renforcement du réseau électrique nécessaires à leur développement. Elles sont rarement assorties d’études de la viabilité financière, et quand c’est le cas, elles font le pari que les conditions économiques et financières seront les mêmes à échéance de 30 ans que maintenant.

Jeu hasardeux

Ces considérations terre à terre n’intéressent visiblement pas les auteurs de ces études. Elles ont certes leur utilité pour explorer le champ des possibles, mais il est trop facile d’en faire varier les paramètres et d’en ignorer d’autres pour aboutir au résultat que l’on veut obtenir. 

Les publier à la va-vite avant d’avoir fait l’objet d’une vérification attentive de tous les aspects et de toutes les contraintes par des spécialistes autres que leurs concepteurs, ce qui a jusqu’à présent été toujours le cas, est un acte politique et non scientifique. Il serait étonnant qu’il en soit autrement de l’étude signalée par Contexte.

Il est imprudent de jouer ainsi aux dés la politique énergétique de la France.

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Bernard Durand est spécialiste de géologie et de géochimie pétrolières. Il fut successivement Directeur de la Division Géologie-Géochimie de l'Institut Français du Pétrole (IFP), Directeur de l'Ecole Nationale Supérieure de Géologie, puis Directeur du Centre Exploration de l'Ecole Nationale Supérieure du Pétrole et des Moteurs et membre du Conseil Scientifique de l'IFP. Il a également présidé de nombreux congrès internationaux et le comité scientifique de l'European Association of Petroleum Geosciences.

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