Le développement des nouvelles énergies renouvelables (éoliennes, panneaux photovoltaïques…) se heurte aux exigences de la production d’électricité. Moins de nucléaire, c’est forcément plus d’émissions de CO2.
Du point de vue de l’émission de CO2 par habitant, la France est déjà vertueuse (4,4 tonnes soit moitié moins qu’en Allemagne). Mais, pour faire face au réchauffement climatique, le but principal annoncé, par la loi du 3 août 2009, était de diminuer de 20% l’émission de CO2 en France à l’échéance 2020. Or, formulé ainsi (en termes de réduction en pourcentage de l’émission existante plutôt qu’en quantité maximale de CO2 par habitant) cet objectif ne sert pas les intérêts de notre pays.
L’électricité ne se stocke pas
Pire encore, ce but principal a été décliné en différents objectifs dont l’un s’est trop focalisé sur la production d’électricité alors que ce secteur, loin derrière les transports routiers, l’habitat, l’industrie, n’est pas un gros émetteur de CO2. Ainsi, après le Grenelle de l’environnement l’objectif affiché a été d’augmenter à 23% la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité. Puisque tous les sites hydrauliques rentables sont déjà exploités, ceci a conduit à introduire des éoliennes et des panneaux photovoltaïques (appelés Nouvelles Energies renouvelables ou NENR) dans le réseau électrique. Dans ce but, une enveloppe financière de l’ordre de 150 milliards d’euros a été engagée depuis le début de l’introduction des NENR, un investissement qui se traduira par une puissance estimée à 30 GW installée en 2020.
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Le réseau électrique est un système fragile car, faute de pouvoir la stocker, l’électricité doit être produite exactement au moment où elle est consommée. La demande globale des consommateurs varie fortement dans la journée, mais le gestionnaire de réseau sait la prévoir avec efficacité. Ce dernier doit imposer aux différents moyens de production de fournir des puissances telles que leur somme soit, à chaque instant, égale à la demande des consommateurs, sinon la fréquence du courant électrique sort de sa plage admissible, les protections du matériel agissent et le réseau s’écroule.
Le casse-tête des nouvelles énergies renouvelables
Dans cette tâche, le gestionnaire de réseau est aidé par des réglages automatiques et par une programmation de la production à différentes échéances temporelles qui assure que les moyens de production pourront, compte-tenu de leurs contraintes propres, être présents, effectuer les variations de puissance demandées en plus ou en moins. Il dispose, en outre, de différentes unités en réserve qui permettent de faire face aux incidents comme la variation plus importante que prévue de la consommation, la perte d’une unité de production, etc. Pour que tout ceci soit possible, la nature et le dimensionnement du parc de production doit respecter les critères suivants :
- Garantir de fournir la puissance maximale (de pointe) demandée par les consommateurs,
- Effectuer les variations de production nécessaires au suivi de la courbe de demande,
- Participer au maintien de la tension et de la fréquence,
- Participer à la réserve de puissance permettant de pallier les incidents, donc être prêt à augmenter sa puissance courante.
En résumé, les moyens de production traditionnels, pilotables, respectent les critères 1, 2, 3, 4 et, ainsi, permettent au gestionnaire de réseau de satisfaire la demande des consommateurs par la mise en œuvre du parc de production. Qu’arrive-t-il lorsque les éoliennes qui obéissent au vent et les panneaux photovoltaïques qui dépendent du soleil arrivent dans un réseau existant ? Ils ne respectent ni 1, ni 2, ni 3, ni 4. Ils ne créent qu’une puissance garantie négligeable, ce qui impose de conserver le parc existant en guise d’assurance. En même temps, leur présence nécessite de revoir à la baisse les productions de certains des groupes traditionnels.
Le coût de la panne
Ce faisant, les NENR n’économisent aucun investissement ; ils n’économisent que du combustible qui n’est pas toujours le plus cher. Mais, en même temps, ils obligent à accroitre le volume des réserves constituées par des groupes traditionnels de production d’électricité et finissent par fragiliser le réseau lorsqu’ils représentent une puissance trop importante. Ceci a été illustré par le quasi-incident du 10 janvier 2019 où la production éolienne de l’Allemagne qui était de 40 GW a chuté à presque zéro en quelques heures : l’écroulement du réseau a été évité en demandant aux grands consommateurs français de s’effacer.
Si les NENR sont en trop grand volume, ils fragilisent le réseau et augmentent le risque de pannes. En conséquence, la proportion maximale de la puissance d’ENR qui peut être injectée dans le réseau est comprise entre 20 et 30% de la puissance totale. Or, la politique française en matière d’énergie ne prend pas en compte ces données.
Trop c’est trop
La Programmation pluriannuelle de l’Energie (PPE) du 27 novembre 2018 a conduit aux objectifs suivants pour le gestionnaire de réseau :
– Intégration d’une part croissante d’ENR dans le réseau, jusqu’à 40% de l’énergie produite;
– Réduction de la production nucléaire à 50% de l’énergie produite.
Si l’on suppose que la puissance fournie par les NENR peut s’écouler sans difficulté dans le réseau, le premier objectif conduit à prévoir une puissance nominale de NENR de l’ordre de 90 GW (capacité exigeant 170 milliards d’euros d’investissements). Mais si la puissance instantanée des NENR n’est, bien sûr, jamais égale à leur puissance nominale, elle peut néanmoins s’en approcher et va dépasser, une partie du temps, la demande alors que la production doit égaler en permanence la demande. Que faire de la production excédentaire ? Comment faire pour que la production totale suive la courbe de la demande ? Quelles unités maintiendront la tension et la fréquence ? Ces questions sans réponse montrent qu’un tel système n’est pas viable. Il faut absolument respecter la règle de l’injection de puissance NENR inférieur à 20 ou 30 % de la puissance pilotable à tout instant.
La pollution écologique
De plus, comme on l’a expliqué plus haut, les NENR n’apportent quasiment pas de puissance garantie. Il faudra donc qu’à la place de la production nucléaire déclassée, on investisse dans un parc équivalent en thermique classique qui accroîtra l’émission de CO2, ce qui est contraire au but principal. C’est ce thermique classique et l’hydraulique qui assureront les fonctions que les NENR n’assurent pas.
Il fallait, au contraire, se réjouir d’avoir une production électrique largement décarbonée grâce au nucléaire. Elle nous permet d’avoir une émission de CO2 par KWh produit parmi les plus basses : seuls les pays avec une production hydraulique très importante font mieux. Vouloir diminuer la contribution du nucléaire à la production d’électricité en croyant pouvoir la remplacer par des éoliennes et des panneaux solaires est donc une grave erreur technique et économique.
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D’ailleurs, cet abandon du nucléaire et cette introduction massive des NENR dans le réseau a été testée en Allemagne (où les NENR représentent 24,6 % de l’énergie produite). Voici ce qu’en dit l’Académie des sciences : « C’est la croissance-de l’offre d’électricité produite par les renouvelables qui a nécessité l’ouverture de nouvelles capacités de production thermiques à charbon (13 GW) et un développement de l’exploitation du lignite. De sorte que l’Allemagne continue à être l’un des pays européens les plus gros émetteurs de CO2 pour un prix de l’électricité le plus élevé. On ne peut pas parler d’un succès. »
Toutes les données existent et sont disponibles. Il suffit d’ouvrir les yeux et d’en tirer les conséquences politiques.
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