C’est à l’Europe de s’adapter aux nations. Il faut faire coïncider les élections parlementaires nationales et européennes.
Que se cache-t-il derrière la volonté du président de la République et de son gouvernement dans le changement du mode de scrutin aux élections européennes ? On doit douter du dessein européen dans lequel la France a livré sa voix par l’intermédiaire du discours d’Emmanuel Macron devant une assemblée étudiante à la Sorbonne le 26 septembre dernier.
Qui veut encore mourir pour cette Europe ?
Un mot revient sans cesse dans ce discours. Inlassablement, comme pour convaincre un auditoire qui en est gorgé : l’Europe est une « idée ». Une « idée » qui aurait permis de tourner la page d’un XXe siècle de conflits. Une « idée » qui aura vu naître le marché unique. Une « idée » désormais assaillie par les populismes et le « souverainisme de repli ». La seule « idée » défendue est désormais celle d’un souverainisme européen.
On tombe dans l’oxymore sinon dans l’absurde. Dans Les Justes, Albert Camus le disait: « mourir pour une idée c’est la seule façon d’être à la hauteur de l’idée ». Qui veut encore mourir pour cette Europe ? Et pourtant, nous risquons bien de faillir à poursuivre dans cette voie.
A trop se nourrir d’idées on en oublie l’essentiel, le réel. L’Europe est à un tournant comme elle l’est depuis toujours non pas à tourner en rond mais à osciller, tituber, d’un pas pesant vers son avenir. Il n’est que trop rarement question d’ « avenir » dans cette idée de l’Europe. Il trouve malgré tout, dans ce discours, une place, à force de se faufiler, comme un intrus, au milieu des concepts, des idées reçues et arguments convenus.
L’avenir d’une illusion
Il faut y voir un aveu. Votre idée d’Europe, Monsieur le président, ne laisse pas de place à l’avenir. Or, l’Europe, c’est un projet. Un projet concret, un avenir. Il est ubuesque de croire encore que les maux dont l’Europe souffre puissent être soignés en promouvant leurs sources. L’échec règne sur notre continent. Les populismes que vous combattez tel on agite un chiffon sont le résultat de votre « idée » de l’Europe.
La défiance populaire répond à la défiance d’une loge européenne bureaucratique envers les peuples et qui préside au destin des nations européennes. La proposition de créer des listes transnationales est une étape de plus vers une Europe hors-sol, hors-peuple, hors démocratie. Votre proposition illustre l’idée que vous vous faites de l’Europe. Une simple idée qui n’a de succès que dans la réponse qu’elle a su produire face aux réticences populaires souvent caricaturées.
Il n’en sera rien pour l’instant. Le parlement de Strasbourg n’en veut pas. Même lui. Le retour à la circonscription unique sera la seule voie de salut pour fournir au juvénile parti présidentiel les moyens d’envoyer quelques députés dans l’hémicycle européen.
Faire coïncider les élections parlementaires nationales et européennes
Alors puisque l’idée doit produire du concret, attachons nous à rendre aux peuples européens leur parlement lequel est la seule expression et émanation démocratique. Soyons concrets lorsqu’il s’agit de parler d’Europe : l’avenir de l’Europe repose sur ses nations comme celles-ci ont l’Europe pour avenir. Alors il faut changer son logiciel démocratique et donc le mode de scrutin des élections européennes.
Il est temps de rendre aux citoyens européens leur Parlement. Pour cela, un moyen : faire coïncider les élections parlementaires nationales avec les élections au Parlement européen. Chaque peuple décidera alors en même temps qu’il choisit ses représentants dans les parlements nationaux ceux qu’il enverra les représenter à l’échelle européenne.
Evidemment, à l’écho de cette proposition on entend déjà les critiques, la litanie du « jamais », de « l’impossible », du « ça ne sert à rien ». Car cette évolution nécessite une révolution institutionnelle et politique qui consiste à accepter l’idée (une nouvelle… mais bien concrète) de ne plus renouveler intégralement le Parlement européen tous les cinq ans mais, progressivement, au rythme des élections parlementaires nationales.
Mobiliser, concerner, légitimer
Ce nouveau mode de scrutin remplit trois objectifs. Le premier est de mobiliser les peuples européens à choisir leurs représentants. Le taux de participation aux élections européennes, isolées de toutes autres échéances nationales, est catastrophique. Cela ne peut plus durer et forcer nos citoyens à voter n’est pas la solution.
Le second est d’inscrire les questions européennes dans les débats au même titre que les problématiques nationales. Il est désormais essentiel de mettre en perspective les sujets nationaux et européens. On soumettra au suffrage ce qui forme le possible ou l’impossible et se décide à Bruxelles.
Le troisième est de légitimer nos représentants en mettant leurs engagements à l’épreuve des électeurs. Il n’est pas acceptable que nos députés européens ne puissent pas relayer au niveau national les enjeux européens. Comme nos représentants au parlement européen ont besoin de la légitimité de leurs représentés.
C’est à l’Europe de s’adapter aux nations
Ce nouveau mode de scrutin appelle une adaptation des travaux du parlement de Strasbourg aux calendriers électoraux des membres de l’Union européenne quitte à marquer une pause bienvenue dans l’exercice de production réglementaire.
Rappelons-nous la conviction de Philippe Séguin qui détonne le 5 mai 1992 à l’Assemblée nationale : « Il me faut dire avec beaucoup d’autres, au nom de beaucoup d’autres, qu’il est bien temps de saisir notre peuple de la question européenne ». Alors une troisième voie doit s’ouvrir entre fédéralisme et populisme afin de rendre aux peuples européens, en premier lieu, une véritable représentation démocratique.
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