(Avec AFP) – Quand ce ne sont pas de nouveaux partis radicaux et populistes, comme en Grèce ou en Espagne, ce sont les conservateurs qui profitent le plus de la défiance des pays européens à l’égard de l’Union…
Après la réélection de David Cameron au Royaume-Uni, le conservateur Andrzej Duda a été élu dimanche président de la Pologne, avec 52% des suffrages, selon un sondage, battant le chef de l’Etat sortant de centre droit Bronislaw Komorowski (48%) qui a reconnu immédiatement sa défaite.
La victoire du juriste de 43 ans, qui devrait être confirmée officiellement lundi soir, pourrait ouvrir la voie au retour au pouvoir de son maître à penser Jaroslaw Kaczynski, chef du parti conservateur Droit et Justice (PiS), à l’occasion des législatives prévues en automne.
Le premier sondage sortie des urnes de l’institut Ipsos a crédité M. Duda de 53% de suffrages, mais une estimation plus précise, basée sur les résultats officiels d’un certain nombre de bureaux, a réduit ensuite son score à 52%.
M. Komorowski, plus inspiré par le fair play américain que par le sectarisme à la française, a loyalement félicité son adversaire. « Chers amis, on n’a pas réussi cette fois-ci. Les citoyens d’une Pologne libre et démocratique en ont décidé ainsi », a-t-il dit à ses sympathisants. « Je lui souhaite un bon mandat présidentiel, car je souhaite du bien à la Pologne », a ajouté le président sortant qui achèvera son mandat le 6 août.
A l’état-major de M. Duda, l’annonce du résultat a été accueillie par une explosion de joie. Le vainqueur a remercié M. Komorowski pour ses paroles, ainsi que ceux qui ont voté pour lui, en souhaitant qu’ils « soient encore plus nombreux aux prochaines élections ».
« Ceux qui ont voté pour moi ont voté en effet pour le changement, a-t-il poursuivi. Je suis profondément convaincu que nous sommes en mesure de reconstruire la communauté nationale dans notre pays, que nous pouvons être ensemble et redresser ensemble ce pays ».
M. Duda, député européen du PiS quasiment inconnu à la veille de la campagne, était le candidat de son parti, tandis que M. Komorowski, 62 ans, était soutenu par le parti libéral Plateforme civique (PO), au pouvoir depuis bientôt huit ans.
Les pouvoirs du chef de l’Etat sont relativement limités en Pologne, mais la cohabitation du jeune conservateur avec le gouvernement PO de Mme Ewa Kopacz pourrait s’avérer difficile, tant les deux partis ont des politiques divergentes.
M. Duda a fait, lors de la campagne, plusieurs promesses, s’engageant notamment à ramener l’âge de la retraite de 67 à 65 ans – ce qui annulerait une réforme des libéraux – et à réduire les impôts, des projets coûteux qui relèvent cependant de la compétence du gouvernement et du parlement.
Il est resté relativement vague sur l’autre domaine où le chef de l’Etat a son mot à dire, la politique étrangère, promettant toutefois de défendre les intérêts nationaux des Polonais. Son parti étant ouvertement eurosceptique, des experts prévoient de possibles tensions avec l’Union européenne, dont le Conseil est actuellement présidé par l’ancien Premier ministre libéral polonais Donald Tusk.
Chef incontesté du parti Droit et Justice, Jaroslaw Kaczynski, frère jumeau de l’ancien président Lech Kaczynski mort dans un accident d’avion à Smolensk en Russie, ne cache pas son ambition de revenir au pouvoir, alors que depuis huit ans cet ancien Premier ministre n’a accumulé que des défaites électorales.
Il a tout misé sur son candidat, jeune et dynamique, restant pratiquement invisible lors de la campagne et se contentant d’interventions sur la station catholique Radio Maryja et sa télévision Trwam.
Qu’arrivera-t-il aux libéraux ? Le politologue Mikolaj Czesnik entrevoit deux scénarios.
« Le premier, c’est la désintégration de la Plateforme civique : tout le monde se disperse dans la crainte d’un échec aux législatives. A sa place se créent une ou deux formations nouvelles. Le deuxième suppose une réflexion sur la manière de mobiliser ceux, malgré tout très nombreux, qui ont soutenu Bronislaw Komorowski. Si cela réussissait, la PO pourrait encore remporter les élections », estime-t-il.
L’ancien leader de l’opposition anticommuniste de gauche Adam Michnik, aujourd’hui à la tête d’un des plus grands quotidiens polonais, Gazeta Wyborcza, a pris un ton bien plus dramatique dans un commentaire pour son site web, estimant que la Pologne risquait de « prendre un chemin de velours vers la dictature ». Mélenchon, pourtant pas gêné de défiler sous des drapeaux rouges ornés de la faucille et du marteau, n’aurait sans doute pas dit mieux.
Enfin, tandis que l’Irlande vient d’infliger un camouflet à ses instances religieuses, M. Duda, qui lors de la campagne a exprimé sur des problèmes de société des vues proches de ceux de l’Eglise catholique, a été félicité dès dimanche soir par l’épiscopat polonais. Saint Jean-Paul II, priez pour l’Europe…
*Photo : © AFP WOJTEK RADWANSKI
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