Si les débats entre les cinq prétendants à l’investiture de la droite ne passionnent franchement pas les foules, il n’en demeure pas moins que le candidat issu du congrès des LR aura plus de chance de balayer Macron que Marine Le Pen ou Eric Zemmour, selon Philippe Bilger. Analyse.
Même si, paraît-il, tout va se décanter sur le plan politique à partir du début de l’année prochaine, il n’est pas interdit de penser qu’aujourd’hui la principale force d’Emmanuel Macron est de se voir crédité forcément d’une réélection au mois d’avril 2022. Une part importante des citoyens considère qu’il doit être défait mais peu songent qu’il pourra l’être.
Pourquoi ?
Parce que, ayant toujours aspiré à retrouver au second tour Marine Le Pen, la montée d’Eric Zemmour non seulement n’a pas déréglé son logiciel mais l’a conforté dans son assurance de victoire. Puisque l’une – elle serait repassée devant Zemmour (Dernier le dernier sondage Elabe) – ou l’autre n’auront aucune chance face au président de la République, perçu comme tutélaire à cause de la pandémie et abusant jusqu’à ses extrémités les moins démocratiques de la campagne de moins en moins officieuse du candidat et du rôle officiel de sa fonction.
Là où Zemmour passe, le conventionnel trépasse
Il est clair que voter pour Eric Zemmour ou Marine Le Pen jusqu’à retrouver l’un ou l’autre au second tour sera inéluctablement faire réélire Emmanuel Macron. Le paradoxe est que le raisonnement lucide que Eric Zemmour tenait à l’encontre de Marine Le Pen (« elle ne l’emportera jamais ») peut également lui être appliqué : il ne gagnera pas au second tour.
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Sera-ce si grave pour Eric Zemmour ? Je ne le crois pas parce que d’une certaine manière, avec sa campagne promotionnelle et présidentielle avant l’heure, il a déjà donné un gros coup d’audace, de provocation et de réalité dans notre fourmilière politique et qu’après lui, quel que soit son futur proche ou lointain, une certaine manière de parler et faire de la politique sera définitivement appréhendée comme ringarde. Là où il passe, le conventionnel trépasse.
Ce ne sera pas non plus si grave pour ses nombreux lecteurs qui finissent presque par se lasser d’une si longue attente. Parce que la masse qui a permis à Eric Zemmour d’atteindre 19% dans les sondages n’est pas dupe. Dans ses tréfonds, elle sent bien que son héros est trop brutal pour ce que la vie démocratique a encore de classique, trop entier pour ce qu’elle a de compromis, de négociation permanente entre le réel et les principes.
Elle a trouvé en son champion quelque chose de fondamental qui lui avait toujours manqué : voter en se faisant totalement plaisir, sans autre exigence que d’avoir le droit, pour une fois, d’être accordée sur beaucoup de plans avec une vision extrême et décapante de la France, de son identité à sauvegarder, de l’immigration de masse à refuser, d’une police et d’une Justice métamorphosées, d’une autorité de l’Etat à refonder. Le citoyen qui votera en faveur de Zemmour aura déjà vécu un grand moment de libération : il n’aura plus été obligé d’avoir des arrière-pensées secrètes et sulfureuses puisque Eric Zemmour les aura constituées telles des évidences, des affirmations. Pour Marine Le Pen, même si elle a décidé de chasser de son projet ce qui pourrait heurter l’électeur dont elle espère tout, l’issue prévisible est la même que pour Eric Zemmour. Elle sera battue au second tour.
Et l’avenir du RN sera assumé par Jordan Bardella qui a autant de talent médiatique qu’elle, puis peut-être en 2027 par Marion Maréchal qui chassera bien un jour ses hésitations.
Qui peut alors vaincre Emmanuel Macron au second tour ?
Au risque de déchaîner plus que jamais les foudres sommaires et condescendantes de ceux qui méprisent LR, je ne peux que confirmer les prévisions faites déjà il y a longtemps et qui au second tour affichaient Xavier Bertrand clairement devant Emmanuel Macron.
Le 4 décembre, les militants LR auront choisi, parmi les cinq candidats, celui ou celle qui les représentera et dont je ne doute pas, pour une fois, que les quatre autres concurrents seront totalement solidaires. La campagne, ensuite, sera rude mais la personnalité qui portera les espoirs de la droite authentique, celle de l’audace mais aussi celle du possible, ne devra pas avoir des pudeurs de chaisière pour dénoncer le cynisme d’un président venant jouer à l’homme de droite quand sur des registres capitaux pour les Français il les a abandonnés et que sur le plan international il a fait de notre pays une nation en larmes, ne cessant de s’excuser de ce pour quoi elle n’a rien à se reprocher.
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J’entends bien que la certitude que j’énonce sur la seule victoire LR envisageable contre Emmanuel Macron pourrait être discutée au regard de la partialité qui serait la mienne. Pourtant, si on veut bien considérer l’état de la gauche et de l’extrême gauche, il ne me semble pas que la portion de plus en plus congrue qu’elles représentent offrirait un autre choix à ceux qui sont demeurés fidèles que de se faire plaisir à leur tour. Un étrange plaisir, il est vrai sans comparaison avec celui qu’éprouvent les inconditionnels d’Eric Zemmour. Le plaisir triste de savoir qu’ils sont encore quelques-uns à « tenir la baraque » de partis qui n’ont plus l’oreille du peuple.
Jamais, comme en cette période présidentielle, l’alternative n’a été plus explicite : se faire plaisir certes, demeurer dans son camp rabougri, ou choisir de vaincre Emmanuel Macron qui pour l’instant boit son petit lait démocratique ? Si on opte pour la première branche, il ne faudra pas venir pleurer au soir du second tour. Après tout, vous n’aurez que cinq ans à patienter !