Aussi incroyable que cela puisse paraître, les sites archéologiques égyptiens, fouillés en long, en large et en travers, depuis plus d’un siècle, nous réservent toujours des surprises, et pas des moindres. Depuis des semaines, un groupe d’explorateurs scanne sans relâche les murs de la tombe la plus célèbre de la Vallée des Rois : celle de Toutankhamon. D’après l’égyptologue britannique Nicolas Reeves, la sépulture du jeune pharaon découverte il y a 93 ans pourrait cacher le tombeau longtemps recherché de la reine Néfertiti. La chambre funéraire du pharaon Toutankhamon, mort à 19 ans, dix ans après son arrivée au pouvoir en 1322 avant notre ère, dissimulerait en réalité un vaste complexe funéraire, jusqu’à alors insoupçonné. En son sein, girait la dépouille de celle qui pourrait être la mère de Toutankhamon – leur arbre généalogique n’a pas été clairement reconstitué.
Pour l’Egypte, cette découverte tomberait à point nommé. Elle pourrait relancer l’industrie du tourisme égyptien, en berne depuis la série d’attentats qu’a perpétré la branche locale de l’Etat islamique, Ansar Bayt al-Maqdis, dont l’explosion de l’avion russe au-dessus du Sinaï fin octobre. Dès juillet, le groupe revendiquait un attentat à la voiture piégée contre le consulat d’Italie ainsi que plusieurs attaques contre les forces de l’ordre dans le Sinaï. Depuis, les grandes villes touristiques telles que Louxor, Assouan ou Le Caire voient les touristes – et les devises – se raréfier. De 10 milliards d’euros par an avant l’arrivée au pouvoir du général Sissi, les revenus de l’industrie touristique sont tombés à 5 milliards d’euros.
Face à ce marasme, Néfertiti pourrait à nouveau servir son pays. À quoi doit-on ce possible miracle ? À l’origine de la thèse de la « tombe cachée » de Nicolas Reeves, des photographies couleurs haute résolution d’une société espagnole, Factum Arte, publiées en 2014. « Une évaluation minutieuse des scanners de Factum Arte pendant plusieurs mois a donné lieu à des résultats intrigants : la présence probable de deux portes encore jamais découvertes », écrivait cet été Reeves. Une des portes pourrait mener à un entrepôt, l’autre, située sur le mur nord de la tombe pourrait être la continuation de la chambre funéraire. « Néfertiti elle-même, co-régente et successeur éventuelle du pharaon Akhenaton » s’y trouverait. Mais pourquoi donc ? Le professeur Reeves avance plusieurs éléments de preuves. La tombe de Toutankhamon, découverte par Howard Carter en 1922, aurait en réalité « été à la fois construite et destinée à recevoir la sépulture de Néfertiti ». La tombe de cette dernière aurait été réaménagée pour accueillir la dépouille de Toutankhamon, mort dix ans plus tard. Découvrir derrière ces murs la dépouille de l’épouse d’Akhénaton pourrait de surcroît apporter des réponses essentielles quant à la filiation de Toutankhamon. Car deux écoles s’opposent. Selon certains, le pharaon serait le fils de Néfertiti. Pour d’autres, il serait le fruit de l’union d’Akhenaton avec l’une de ses sœurs à l’identité inconnue.
Mais les scientifiques cherchent avant tout à prouver la présence d’une cavité derrière les murs de la tombe. Une thèse confortée par les premières explorations de la tombe, ainsi que l’a révélé le New York Times. Ainsi, les scientifiques ont-ils récemment annoncé que leurs radars auraient détecté avec quasi-exactitude la présence d’une cavité derrière les murs de la chambre funéraire. Mamdouh Eldamaty, ministre de la Culture égyptien, a estimé à « 90 % » les chances que les recherches aboutissent à la découverte d’« une autre chambre, une autre tombe », derrière la chambre funéraire de Toutankhamon. Le ministre a par ailleurs annoncé que d’autres explorations auraient lieu dans les prochaines semaines, avant que le mur ne soit percé. Un autre expert, le japonais Hirokatsu Watanabe devrait quant à lui rendre ses conclusions dans un mois.
Mais malgré l’enthousiasme de certains, la thèse ne fait pas consensus parm la communauté scientifique. Elle est même sérieusement remise en cause par les autorités égyptiennes et d’autres égyptologues. Pour le professeur Zahi Hawass, ancien ministre des Antiquités égyptiennes, sorte d’Indiana Jones bien connu des amateurs des chaines National Geographic et Histoire, le projet de recherche n’aboutira pas. Cette figure du régime de Moubarak n’y croit pas, sans pour autant avancer d’arguments solides. Selon lui, aucune tombe ne se trouverait derrière celle de Toutankhamon. Encore moins celle de Néfertiti. Malgré ses critiques, l’archéologue égyptien concède que les partisans de la thèse de Nicolas Reeves « attendent désespérément une bonne nouvelle ».
Qu’une découverte soit imminente ou non, la recherche suffit à faire renaître l’espoir chez les tour-opérateurs de Louxor, exsangues. Interrogé par le New York Times, Bahaa Youssef, directeur de l’agence de voyage Sunrise tour à Louxor, tente de mettre au point de nouvelles stratégies pour remplir les caisses de sa société. « L’Egypte a besoin d’événements importants, pour que les regards se tournent à nouveau vers nous ».
Un an avant le « printemps » du Caire, chaque jour, quelque 12.000 touristes formaient de longues files d’attente pour visiter les merveilles de Louxor. En 2012, ils n’étaient plus que 300, sans compter la chute du nombre de touristes qui préféraient les croisières culturelles et autres visites de temples et musées dans le reste du pays.
La découverte pourrait donc créer un « choc positif » pour l’économie du pays. Désireux de créer le buzz, le professeur Reeves n’a pas hésité à plastronner : « Si nous trouvons ce que je pense, ce sera une découverte plus importante encore que celle de Toutankhamon ».
Quoi qu’il advienne, si les djihadistes égyptiens ont fait fuir les touristes, ils n’ont pas encore mis la main, comme en Syrie, sur les merveilles archéologiques pour les dynamiter.
*Photo: Sipa. Numéro de reportage : Numéro de reportage : 00515442_000011.
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