La Victoire des Vaincus, ou l’inverse comme vous voulez. Edwy Plenel était chez Thierry Ardisson, samedi dernier, pour présenter son nouveau best-seller anti-Macron. Lui qui n’avait rien sur Tariq Ramadan a presque tout sur Alexandre Benalla. N’y voyez surtout pas de l’idéologie ! C’est du journalisme, et du journalisme d’investigation.
Je ne manque jamais une apparition d’Edwy Plenel, le modeste fondateur de Mediapart. Mediapart et la présente gazette ne sont certes pas exactement constituées de la même farine, mais je reste friand des conseils de cette figure vivante du « Journaliste ».
Parmi « les 7 milliards de Terriens » qui rêvent apparemment de participer à l’Ardiview, la grande interview hebdomadaire de Thierry Ardisson sur C8, c’est donc Edwy Plenel qui avait été sélectionné samedi dernier. Accompagné de sa moustache légendaire (il révèlera la brosser le matin avec un petit peigne dédié), il apparait sous les lumières sur une musique tonitruante et sous des applaudissements nourris. Du haut des escaliers qu’il s’apprête à descendre pour rejoindre le terrible animateur septuagénaire, notre saint homme – qui affiche lui 66 ans au compteur – réceptionne les vivas en saluant la foule.
Après Dany le rouge, Edwy le jaune
Edwy Plenel est venu présenter son nouveau brûlot anti-Macron qui charge apparemment sévère sur l’oligarchie. Original ! Le bouquin qu’il présente ce soir-là est un hommage aux gilets jaunes : La Victoire des Vaincus (Editions La Découverte). Alors que tout le système politico-médiatique pesterait contre la fièvre jaune qui a envahi ronds-points et centres-villes le samedi, voilà enfin quelqu’un qui se presse pour défendre ces malheureux.
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Ardisson lui reproche vite de ne charger que l’exécutif, et de ne pas dénoncer la violence des gilets jaunes. « Bien sûr que la violence cela n’aide jamais, comme la haine. Il vaudrait mieux pouvoir s’en passer. Mais penser qu’il n’y a qu’une violence, c’est ne pas voir les autres, ne pas voir la violence de tous les jours, la violence sociale, la violence symbolique. » Très juste ! Edwy Plenel nous parle ici des fins de mois difficiles de certains citoyens, qu’il faut, selon lui, mettre sur le même plan que bâtiments en feu ou parpaings dans la tronche de CRS. L’Etat a fait dans le tout répressif : « Cela n’a jamais été aussi violent », affirme Plenel. Alors le Fouquet’s en flammes, c’est un mal pour un bien, mon bon Monsieur. « Même si c’est dommage pour les salariés » qui y travaillent, concède-t-il.
« Il n’y a pas de solution répressive à un mouvement social comme celui-là », ajoute-t-il. Il alerte sur ce qu’il qualifie de « maintien de l’ordre contestable » contre le « peuple de peu ». Le tout est bien « documenté » dans son bouquin, comme dans les colonnes de Mediapart, journal exempt de toute partialité et proposant fréquemment des promotions.
Idéologue, moi ? « Non », « non »…
A la place de Macron, m’est avis qu’Edwy Plenel aurait fait ouvrir les grilles de l’Elysée devant les assauts à la transpalette. Mais malheureusement pour nous, c’est bien Macron qui est dedans, alors que même De Gaulle était « plus démocrate que lui ». L’actuel président de la République serait pire que tous ses prédécesseurs. « Alors qu’il est le président le plus jeune de la Ve République, il s’est mis dans le costume du vieux monde » et n’y entend rien à ce « surgissement spontané » qui « déborde les institutions installées, bouscule les commentateurs professionnels, [et] affole les gouvernements ». Edwy Plenel, lui, sait. Et à la différence de tout le monde, il ne cherche pas à « mettre les gilets jaunes dans un cadre ». Ça, c’est bon pour les idéologues…
Mais tout de même, veut savoir Ardisson, « est-ce que parfois l’idéologue ne prend pas le pas sur le journalisme ? ». « Non », « non » répond par deux fois Plenel. Vous demandez des preuves ? Mediapart « a été humblement, concrètement travailler. Donc on n’est pas des idéologues. On est des passionnés », plaide-t-il.
On m’appelle le chevalier blanc…
Plenel le rappelle, il ne fait pas d’idéologie : « Comme toujours, il y a la légende noire du complot trotskiste. Et puis, il y a le chevalier blanc de l’investigation. Je préfère le chevalier blanc ! », avait-il averti dès le début de l’entretien. Le royaliste Ardisson voudrait malgré tout savoir si toutes ces jacqueries font plaisir à notre curé révolutionnaire favori… « Je suis content, mais, sérieusement, si l’on croit à ce que l’on raconte toutes les semaines sur la catastrophe climatique, sur le fait que la montre tourne, qu’on est dans une crise de civilisation […], il faut souhaiter que les gilets jaunes fassent comme le peuple algérien, avec autant d’humour, le plus massivement possible… » Ah si seulement tous les Français pouvaient être aussi sympathiques que les Algériens ! Cela apparaît comme un préalable requis pour « sauver la planète ».
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Plenel n’a curieusement pas vu un ras-le-bol fiscal droitard dans la crise des gilets jaunes mais le retour de la « question démocratique » de la gauche éternelle. La Ve République, cela ne va plus du tout. Il ne semble pas que la rédaction de Mediapart se soit précipitée pour avoir Jacline Mouraud en interview dans ses colonnes. Et si les mots de Plenel sont mieux choisis et moins insultants pour les institutions que ceux d’un Etienne Chouard, on constate tout de même qu’il y a bien derrière le même substrat idéologique. Mais on nous assure que non. Et si vous n’avez pas compris que Macron a un problème énorme d’ « égotisme » et de « narcissisme », Edwy Plenel ne peut plus rien pour vous.
Père Plenel, priez pour nous
Il fait humblement son travail, et rien de plus, au sein d’un journal qu’il qualifie de « radicalement démocratique », pas idéologique. Quelle affaire Mediapart a-t-elle laissé passer ? « Sincèrement aucune », révèle-t-il. Même Tariq Ramadan ? « Ce qu’on a laissé passer, c’est ce qu’on ne pouvait pas sortir. » Et cela n’empêche pas ce Tintin grisonnant de sortir scoop sur scoop grâce à un vaste réseau d’informateurs. « Pourquoi Macron soutient-il encore Benalla ? », questionne Ardisson. « La particularité de l’affaire Benalla, c’est que je ne le sais pas », répond sobrement le journaliste. « Même vous ?!? », s’étonne Ardisson. « Plus on trouve des éléments du puzzle, plus on ne comprend pas, donc c’est un bon feuilleton », explique-t-il rigolard, avant de repartir à la recherche du fameux coffre de l’ancien garde du corps. Peut-on avoir un mois gratuit sur Mediapart pour savoir où en est cette trépidante intrigue ? Aucune promo pour les téléspectateurs de C8, vraiment ? Ruquier est mieux vu !
Après avoir affirmé qu’il aimait bien la chanson « Gilet jaune » de Kopp Johnson, Edwy Plenel repartira sur le morceau de Brassens « La Mauvaise réputation ».
« Les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux. » Applaudissant sur le rythme du disque, regardant et félicitant un public conquis, notre rebelle quittera enfin le plateau après de nombreux « mercis ».
Et effectivement, Père Plenel : merci pour cette très belle homélie.
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