Si la nouvelle peut surprendre au premier abord, quoi de plus juste, en fin de compte, que de payer les seules personnes ayant un peu de pouvoir au sein de l’Education nationale ? Les seules capables, grâce à leurs pleurs, d’influer sur les décisions du chef d’établissement et de le convaincre de faire passer tel élève dans la classe supérieure, ou de retirer à tel autre un avertissement de travail délivré hâtivement par l’équipe éducative ?
Une ex-collègue m’a appris récemment qu’une mère d’élève lui avait demandé si elle pouvait effectuer l’heure de colle à la place de sa fille. C’est bien la preuve que les parents sont les mieux placés pour mettre en pratique la théorie de l’élève au centre…
« Cette indemnisation interviendra dans le cadre d’un décret sur le statut des parents délégués, en cours d’élaboration », a d’ailleurs indiqué la ministre de l’Education nationale, confirmant par là le rôle grandissant des parents au sein de l’école. Après l’avoir entendue assurer que sa réforme du collège était « appélée de ses vœux par la FCPE » le 23 mai lors du 69e congrès de l’association des parents d’élèves, on ne pouvait s’attendre à moins de la part de Najat Vallaud-Belkacem.
Le terme même choisi pour désigner cette journée est extrêmement révélateur : « co-éducation ». La confusion créée par la rebaptisation de l’Instruction publique en Education nationale laisse croire que parents et professeurs auraient le même rôle.
Cette reconnaissance des parents délégués est une vieille revendication des fédérations comme la FCPE ou la PEEP.
Gageons que la ministre saura satisfaire également une autre de leurs revendications : l’organisation des conseils de classe à des horaires compatibles avec leur vie professionnelle. Il serait vraiment dommage, en effet, de se priver de la présence de ces parents qui transforment chaque jour un peu plus le conseil de classe en une instance destinée à évaluer non plus les élèves mais les professeurs.
Le seul regret, c’est qu’on ne soit pas allé un peu plus loin. On aurait aimé, par exemple, que les parents puissent intervenir librement pendant les cours, lorsqu’ils le désirent, afin de prolonger cette co-éducation. On aurait aimé également qu’ils suppléent les inspecteurs, qui n’ont l’occasion de passer que trop rarement dans les classes. Fort heureusement, les parents n’attendent pas les ordres d’en haut pour distiller leurs précieux conseils didactiques et pédagogiques aux enseignants.
« Journée fructueuse consacrée aux représentants de parents d’élèves et co-éducation » a tweeté la ministre. Quand l’école détruit peu à peu les élèves et les enseignants, il est agréable de pouvoir au moins satisfaire les parents.
Car qu’est-ce que la co-éducation sinon l’aveu, en creux, de l’impuissance de l’école ?
On peut toutefois se consoler en se disant qu’on ne pouvait former plus belle équipe que celle constituée par les parents et l’Education nationale. Les uns ont renoncé à éduquer, l’autre a renoncé à instruire.
*Photo : SIPA.00734912_000052.
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