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Éducation nationale: les froussards de la République

La paix sociale avant tout


Éducation nationale: les froussards de la République
Marche blanche en hommage à Samuel Paty, Conflans-Sainte-Honorine, 20 octobre 2020. © Samuel Boivin/ NurPhoto/AFP

Le Monde vient de publier des messages entre Samuel Paty et ses collègues, remontant une semaine avant sa mort. Pour les connaisseurs de l’Éducation nationale, la tragédie de Conflans-Sainte-Honorine n’est pas une surprise. Plusieurs indices laissent penser qu’avant l’assassinat de Samuel Paty, sa hiérarchie était en train de le lâcher. Par idéologie, lâcheté et inertie administrative, l’école française sacrifie ses enseignants à l’esprit du « pas de vagues ». 


Pour qui connaît le fonctionnement de l’Éducation nationale, l’assassinat de Samuel Paty n’est pas une surprise. Tragique et prévisible, il résulte des politiques éducatives menées depuis des décennies qui, par idéologie, ont démultiplié les effets de l’islam politique.

Le 16 octobre en fin d’après-midi, Samuel Paty, professeur au collège du Bois d’Aulne, est décapité sur la voie publique. L’attentat perpétré au nom d’Allah par un jeune réfugié tchétchène a donc lieu un vendredi, « jour du rassemblement » des musulmans. Il est l’aboutissement (et l’objectif implicite) d’une mécanique enclenchée dix jours plus tôt. À la manœuvre, Zaina, élève de Samuel Paty de 4e, son père Brahim Chnina, et Abdelhakim Sefrioui, imam radical fiché S, fervent soutien du Hamas, qui est depuis plus de vingt ans dans la ligne de mire des services de renseignement.

Samuel Paty pris en grippe sur les réseaux sociaux

Le 5 octobre, dans le cadre d’une séance consacrée à la liberté d’expression, Samuel Paty montre à ses élèves de 4e deux caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo. Abdelhakim Sefrioui et Brahim Chnina diffusent immédiatement via YouTube deux vidéos présentant ce non-événement comme une agression ciblant l’islam. Zaina est interviewée par Sefrioui : son professeur d’histoire, raconte-t-elle, a demandé aux musulmans de la classe de se désigner avant de les inviter à quitter la salle. Refusant de sortir, Zaina aurait ensuite vu la « photo d’un homme tout nu », Mahomet, montrée par Samuel Paty aux élèves. Dans cette interview pleurnicharde à souhait, les professeurs auront reconnu un profil bien identifié, celui de la petite embrouilleuse activant le levier du procès en « islamophobie ». Le témoignage de Zaina est mensonger de bout en bout : elle était absente le 5 octobre, jour où Samuel Paty a montré les caricatures à ses élèves. Les vidéos de Chnina et Sefrioui sont une parfaite mise en œuvre de la méthode islamiste qui n’a que faire de la réalité et de la vérité, concentrée sur la manipulation de deux cœurs de cible : la population musulmane et les institutions républicaines. Chez la première, il faut ancrer l’idée qu’elle est en butte à une hostilité irréductible et active, le « racisme antimusulman », tandis qu’est attendue des secondes une soumission tacite consistant au premier chef à ne pas démentir des accusations visant un fonctionnaire, bien qu’elles les sachent mensongères. Il est ainsi habituel que l’institution scolaire, confrontée à la mauvaise foi patente d’élèves et de parents musulmans, fasse comme si elle était dupe : mieux vaut passer pour abrutie que pour raciste et « islamophobe ». La « paix » est à ce prix.

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Dans les vidéos diffusées par Chnina et Sefrioui s’entendent ainsi un texte et un sous-texte, inscrits dans deux registres antinomiques, l’un théocratique, l’autre politique et laïque. « Salam aleikoum » commence Sefrioui avant de qualifier Samuel Paty de « voyou » dont le cours « abject » se situait dans la droite ligne de « l’appel du président de la République à haïr, combattre et stigmatiser les musulmans ». Voilà pour le registre politique : l’État français, dont le chef a récemment dit vouloir lutter contre l’islamisme, fait la guerre aux musulmans. Samuel Paty, fonctionnaire d’État, a montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Pour un habitus musulman, cela vaut preuve. Les discours de Sefrioui et de Chnina relèvent de la fatwa au sens premier du terme : ils émettent un avis juridique et religieux. Pour eux et, ne nous leurrons pas, pour une majorité de musulmans français, le cours de Paty constitue une transgression religieuse et une agression caractérisée. Que Samuel Paty ne soit pas musulman n’a aucune importance : comme nous l’apprennent nombre de nos élèves qui vont à la mosquée, ne sommes-nous pas tous destinés à nous « reconvertir » ?

Pour l’Éducation nationale, le dialogue prime la sanction

Mais les deux hommes recourent aussi à des éléments de langage exogènes à leur religion, sémantique creuse empruntée à l’ennemi pour être retournée contre lui. « Pour eux, on est pas égal à eux (sic), pourquoi ils montrent ça sur notre religion à nous, ils veulent nous rabaisser ! » expose Zaina. La rhétorique de l’humiliation, traditionnelle dans le monde arabo-musulman, se teinte ici d’une inflexion stratégique empruntée aux droits de l’homme : l’égalité politique et juridique des citoyens serait mise à mal, au profit du rabaissement délibéré des musulmans. S’ensuit, tout aussi perverse, l’accusation larvée de pédophilie envers Samuel Paty qui, affirme Sefrioui, « montre des photos d’un homme nu à des enfants de 13 ans », et ce « sans doute depuis des années ». « Touchez pas à nos enfants ! » conclut-il la larme à l’œil : de quoi émouvoir toute âme sensible, musulmane ou pas, tout comme la déclaration de Zaina qui « n’a plus envie d’aller au cours de ce prof ». Voilà donc le coupable de son éventuel échec scolaire : Samuel Paty, professeur abject obéissant aux consignes du président, qui l’a éloignée de l’école à coups de stigmatisation, d’humiliation et de photos d’un homme nu. Les ficelles sont énormes. Mais l’institution feignant de ne pas les voir, elles gagnent en efficacité au fil du temps.

Abdelhakim Sefrioui, interpellé lors d'une manifestation non autorisée de soutien à la Palestine, 29 décembre 2012. ©Miguel MEDINA/AFP
Abdelhakim Sefrioui, interpellé lors d’une manifestation non autorisée de soutien à la Palestine, 29 décembre 2012. ©Miguel MEDINA/AFP

Les remous créés par les deux islamistes autour du cours de Samuel Paty alertent les renseignements territoriaux du 78. Leur note a dû rappeler des souvenirs à pas mal de professeurs : le protocole appliqué à Samuel Paty correspond en effet au modus operandi mis en place par l’Éducation nationale pour traiter les « incidents » impliquant des élèves musulmans. La complaisance de l’institution envers l’islam, seule religion en France à revendiquer sans relâche et depuis 1989 un régime dérogatoire, trouve sa source dans l’idéologie qui prévaut en salle des profs et dans les bureaux : récusation du concept d’autorité, exaltation de la victime, refus de croire à l’existence du mal, hantise ontologique du conflit. On ne sanctionne plus, on dialogue. On ne condamne plus, on comprend. La violence n’est que le fruit de l’ignorance, de la misère sociale, d’une pédagogie inadaptée, d’un passé colonial pas vraiment passé, etc. L’altérité civilisationnelle n’est jamais irréductible, toujours soluble dans un « vivre-ensemble » empathique et généreux.

Samuel Paty lâchement abandonné par sa hiérarchie

Maillons d’un système qui tend à les priver de légitimité hiérarchique envers leurs élèves, eux-mêmes marqués par l’idéologie, les profs ont développé une forme d’autocensure. Ainsi, avant de montrer les caricatures, Samuel Paty a-t-il prévenu les élèves potentiellement sensibles à la représentation de Mahomet qu’ils pouvaient fermer les yeux. Un enseignant le sait par expérience, les élèves musulmans sont le plus souvent très susceptibles dès qu’il s’agit de leur religion. Soumise en droit à la loi de 1905 qui interdit dans son principe ce genre de considérations, mais confrontée aux revendications constantes de l’islam, l’Éducation nationale déploie depuis des décennies des trésors d’ingéniosité pour ménager cette sensibilité exacerbée et virulente, à coups de « textes » et de « droits » sortis d’on ne sait où, mais qui donnent un vernis juridique et officiel à ce qu’il faut bien appeler par son nom, un ethnodifférentialisme centré sur l’appartenance à l’islam. Mais l’islam est en guerre, et de la volonté conciliatrice de l’ennemi, il fait précisément son carburant. Ainsi, après l’imam en colère, la fille traumatisée et le père offensé, c’est la mère outragée qui appelle la principale du collège : sa fille a été exclue, car musulmane. Interprétée comme un aveu de faiblesse et de soumission, la précaution prise par Samuel Paty avec sa classe a donc été retournée par les islamistes contre l’institution qui l’y a poussé, devenant entre leurs mains une « stigmatisation » ethnoreligieuse contraire à la laïcité. Par le champ qu’elle octroie depuis des décennies aux revendications musulmanes, c’est bien l’Éducation nationale qui a permis cette inversion accusatoire.

Qu’a fait la principale face à des accusations dont elle avait tout loisir de prouver la fausseté ? Cette dame a réagi comme il était attendu qu’elle le fasse et comme cela est, de ce fait, couramment pratiqué : face à sa classe et en présence de sa supérieure, Samuel Paty a dû présenter ses excuses pour une faute qu’il n’avait pas commise. Là encore, rien que d’ordinaire : la sanction de l’élève étant interdite par l’institution et l’exclusion quasi impossible, les professeurs ayant subi des « incidents » sont depuis bien longtemps invités à demander le pardon de l’élève qui les a intimidés, insultés, menacés, lors de séances de « remédiation » organisées par l’administration. Cet attentat contre le bon sens porte un beau nom : l’« apaisement ». Le terme figure en conclusion de la note des RT – la situation au collège est désormais « apaisée »… Dans ce cas précis, l’humiliation de Samuel Paty par sa hiérarchie ne suffit pas : les parents refusant de le rencontrer appellent à manifester devant le lycée. Ils savent que la hantise absolue d’un directeur d’établissement est d’être repéré par le rectorat pour avoir eu des barbus accrochés aux grilles de son établissement.

Des professeurs transformés en coupables 

Quid du rectorat de Versailles, justement ? La chaîne administrative de l’Éducation nationale a elle aussi laissé se dérouler le programme pour lequel elle est formatée. L’issue du conflit ne pouvant être une réaction d’autorité envers les vrais fautifs (bien trop déterminés et sans limite morale), il ne pouvait une fois de plus « s’apaiser » qu’au prix de l’honneur de Samuel Paty : un « inspecteur de l’équipe laïcité et valeurs de la République » lui a donc été envoyé afin de lui rappeler « les règles de laïcité et de neutralité ». Qu’il n’avait aucunement enfreintes, mais là n’était pas la question : les islamistes n’ayant pas été calmés par les excuses, il convenait de leur donner un gage supplémentaire de bonne volonté. La principale envoya une lettre aux parents, leur faisant part de la venue de l’inspecteur et des excuses présentées par Samuel Paty. Bien sûr, Jean-Michel Blanquer peut affirmer qu’il n’y a pas eu sanction. C’est qu’à l’Éducation nationale, on aime à se payer de mots : du point de vue administratif, ce genre de visite n’est en effet pas une sanction. C’est pire, car une sanction officielle peut être contestée. Pas une inspection comme celle qu’a subie M. Paty, perverse petite séance de panpan cucul à huis clos, où l’on contraint un professeur dont on sait parfaitement qu’il n’est pas en tort à faire son autocritique.

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Et les collègues dans tout ça ? Je me représente sans peine, par expérience, les conseils de prudence adressés à Samuel Paty avant le 5 octobre : « Fais attention, préviens-les avant, c’est très sensible. » J’imagine les discours qui lui ont été tenus au fur et à mesure que les islamistes prenaient possession du terrain, les déclarations de soutien, puis le questionnement quant à la norme juridique (as-tu regardé « les textes », avais-tu vraiment « le droit » ?), puis les restrictions discursives à base de feu sur lequel on ne jette pas d’huile, puis les rumeurs reprises dans son dos, dont on se demande si, après tout, elles ne contiennent pas une part de vérité, puis l’évitement tacitement organisé (on ne fréquente pas un pestiféré) en salle des profs, puis le conseil, peut-être, de ne pas venir au collège, de se mettre en arrêt « le temps que les choses s’apaisent ». J’imagine le silence assourdissant, la suffocation de l’homme qui se noie à portée du navire qui l’a éjecté et d’où le contemplent, côte à côte, ceux qui l’ont exécuté et ceux qui les ont laissé faire, les islamistes et les braves fonctionnaires de l’Éducation nationale. Peut-être que ça ne s’est pas passé comme ça pour lui. Mais c’est ainsi qu’à l’école de la République, des centaines de professeurs victimes d’agissements islamistes ont été transformés en coupables.

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Novembre 2020 – Causeur #84

Article extrait du Magazine Causeur




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