Cette année encore, on va exhorter les correcteurs du baccalauréat à gonfler les notes des élèves. Les IPR, qui refusent de voir leur académie se retrouver avec un nombre de reçus inférieur à la moyenne nationale, imposeront des barèmes aberrants. Par exemple, toutes les questions faciles seront sur notées et les difficiles sous notées. On accordera des points non mérités en invoquant des prétextes contraires au bon sens, qui frisent souvent le ridicule.
Dans son dernier article, Jean-Paul Brighelli a invité les professeurs à ne pas se soumettre. Je crains, me basant sur ma propre expérience, qu’il ne soit pas entendu. Certes, beaucoup d’enseignants ne manquent pas en maintes occasions de se plaindre des pressions qu’ils subissent pendant les corrections. Mais, curieusement, quasiment aucun n’ose le moment opportun exprimer son désaccord. J’en ai fait la douloureuse expérience, me retrouvant seul contre tous à m’insurger.
Quelles sont les différentes attitudes qu’adoptent les correcteurs lors des commissions de barème ? Il y a d’abord les peureux qui craignent de se heurter à leur supérieur hiérarchique direct. Ils n’ont pas envie de voir l’inspecteur débarquer dans leurs classes. Suivent les compassionnels qui estiment qu’il est bon pour l’élève, qu’il le mérite ou pas, d’obtenir son diplôme. Ils ne rechignent à aucune compromission. Nombreux sont aussi les bobos qui, fidèles aux doctrines égalitaristes, n’ont rien à redire à une politique qu’ils estiment compatible avec leurs opinions. Viennent ensuite les paresseux qui ont peur qu’on leur demande, lors de la réunion d’entente, de reprendre toutes leurs copies. Ils sont rejoints par les résignés qui ajoutent que de toute façon, rien ne sert de râler puisqu’en dernier ressort l’inspecteur tranchera, arrivant à ses fins.
Tous ces comportements me semblent profondément coupables. Un professeur est un fonctionnaire au service de l’état. Il a pour devoir d’enseigner du mieux qu’il le peut et d’évaluer honnêtement ce que les élèves ont appris avec lui. Il est regrettable que de petits chefs utilisent leur pouvoir pour les entraîner dans des manœuvres indignes. On masque ainsi à la nation entière la réalité du niveau atteint par les candidats, et le bilan catastrophique d’une politique éducative qui, depuis quarante ans, forme de moins en moins bien les jeunes du pays.
Ce mensonge organisé a des conséquences désastreuses. D’abord pour l’élève à qui on fait croire qu’il a les aptitudes suffisantes pour suivre des études supérieures et que l’on dirige vers un échec cuisant. Ensuite pour les finances publiques qui doivent supporter le coût de formation d’étudiants inaptes. Ce gâchis ne mène à rien d’autre qu’à l’accroissement du nombre de déçus et de chômeurs.
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